Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses — 49e rapport
Quarante-neuvième Rapport — 1928.
Le „ voyage " du glacier dans ses profondeurs. Une expérience à longue échéance.
Depuis si longtemps qu' on l' étudie et avec tant de soin, le mouvement peut être considéré comme suffisamment connu à la surface du glacier. Il n' en est pas de même pour ses profondeurs. Quelques résurgences d' objets fortuitement engloutis par les crevasses du névé, quelques sondages directs à travers le dissipateur ont seuls jeté une lumière avare sur les conditions de l' écoulement interne des glaces. La théorie cinématique de Finsterwalder, si précieuse et déjà si féconde, est pourtant encore plus un schéma propre à guider la recherche qu' une systématisation de faits observés.
L' expérimentation s' impose donc et l'on y eût recouru sans doute depuis longtemps si la perspective d' une échéance trop lointaine, séculaire même, n' avait sans doute découragé les glaciologues. Il s' agissait en effet d' incor au glacier des objets-témoins voués à faire, en profondeur, le « voyage du glacier » ( pour employer ici la pittoresque et si vraie expression d' Eugène Rambert ). Cette incorporation, si nous nous laissons guider simplement par nos connaissances actuelles et leur expression schématique, la théorie de Finsterwalder, peut se faire sans perforer le glacier ( ce qui d' ailleurs n' exclut pas l' utilisation de ce moyen pour abréger l' expérience ), mais simplement en déposant à la surface du collecteur les dits objets; l' enneigement positif de cette partie du glacier les enfouira graduellement en les forçant à suivre des trajectoires ultérieures d' autant plus proches du lit glaciaire qu' ils auront été initialement abandonnés plus près de la rimaye. Ces témoins doivent être résistants et aisément identifiables après des siècles de séjour dans le glacier.
En proposant cette expérience à la Commission des glaciers de la Société Helvétique des Sciences Naturelles, voici plusieurs années, M. Mercanton avait d' emblée songé à employer des corps d' obus soigneusement obturés, numérotés et renfermant une pièce d' identité bien protégée. La réalisation de ce projet trouva l' agrément de la Commission et au sein de celle-ci le plus tenace et le plus actif des exécuteurs en la personne du Dr W. Jost. Avec le concours désintéressé de l' Administration fédérale du matériel de guerre et de la garnison des forts de la Furka, tout spécialement du sergent-major Renner et de ses hommes, non seulement le matériel nécessaire put être obtenu, mais encore être porté à pied d' oeuvre, ce qui n' était pas une mince affaire. On s' est servi en effet de corps d' obus de 75 mm.
fermés par des bouchons d' acier à vis, le tout pesant 5 1/2 kg. Chaque obus portait, profondément gravé sur son culot, un gros numéro d' ordre, en chiffres arabes. Ce numéro pouvait suffire à la rigueur à l' identifier, mais en prévision d' un effacement possible quoique bien improbable, par oxy-dation ou abrasion en cours de route, chaque obus a reçu à l' instant de sa mise en place un document, écrit à l' encre de Chine sur papier parchemin, et libellé comme suit:
Gletscher-Kommission S. N. G.
Nr Position
DatumUnterschrift ) W. Jost.
P.L. Mercanton.
Max Oechslin.
Ce document était enfermé d' abord dans un tube d' étain mince recouvert d' émail blanc à l' extérieur ( pour empêcher le contact de l' étain avec l' acier de l' obus ). Ce tube était ensuite obturé à la pince par reploiements multiples de ses extrémités sur elle-mêmes; on le glissait dans l' obus qu' on fermait en vissant le bouchon à bloc.
Une telle expérience est évidemment faisable dans n' importe quel glacier, mais ne saurait avoir sa pleine portée que pour un appareil bien étudié et bien cartographié aussi. Le choix du glacier du Rhône s' imposait donc d' emblée. Le 10 août 1928, MM. Jost, Mercanton et Oechslin, aidés du guide J. Kehrli, de Käppeli(Gadmen ), y ont immergé, au rebord le plus extrême de son collecteur, 19 obus-témoins, partagés en deux essaims. L' un, immédiatement sous le Weissnollen, comprenait 10 obus, distribués par paires sur la lèvre inférieure de la rimaye entre les sommets neigeux et rocheux et sur une longueur de quelque 80 m. L' autre ensemble, de 9 pièces, était déposé, par groupes de trois, au bord inférieur de la rimaye sous le signal 77 ( R. V. ) du Limmigrat. Ce mode de répartition et le choix de ces emplacements avaient été mûrement réfléchis. Evidemment, si l'on avait pu semer le pourtour entier du névé de pareils témoins, on eût réalisé l' expérience idéale, mais à quel prix! Seuls ceux qui ont participé à de tels travaux dans les hautes régions d' un grand glacier et qui ont dû y transporter des masses aussi lourdes dans la neige molle peuvent se rendre un compte exact de ce qu' il y faut de temps, d' effort et d' argent aussi; car il ne suffit pas d' abandonner l' objet à son sort, il faut encore en déterminer la position géodésique. D' autre part il est plus rationnel de partager les risques du voyage glaciaire entre plusieurs témoins marchant de conserve et dont la dispersion éventuelle serait un enseignement de plus. Les deux emplacements choisis ont le mérite d' être à peu près sur l' axe longitudinal du glacier, que les témoins suivront donc vraisemblablement en profondeur. Or, les « Mensurations au glacier du Rhône » ( R.V. ) ont donné naguère les vitesses superficielles sur ce même profil; en faisant quelques hypothèses plausibles sur le ralentissement de la marche près du lit, on peut calculer approximativement la durée du voyage des deux essaims jusqu' à l' extrémité actuelle du glacier. On obtient pour les obus partis du Weissnollen 250 années environ et pour ceux descendus du point 77 ( R.V. ) 190 ans; si le glacier du Rhône reste donc ce qu' il est aujourd'hui, il faudra rechercher les témoins devant son front vers 2110 et 2170, soit au XXIIe siècle de notre ère.
Bien entendu, des précautions efficaces seront prises pour conserver le souvenir de cette expérience de 1928; les actes nécessaires seront confiés aux archives suisses et étrangères et des obus pareils aux témoins employés seront gardés en lieux sûrs.
Les positions des groupes ont été établies au théodolite par les sommets entourant le glacier et les coordonnées fixées au mètre près dans le système même de la carte à 1: 25,000 du glacier du Rhône construite à l' époque par le Service topographique fédéral suisse. Bien que les coordonnées fondamentales aient été revisées depuis lors, il nous a semblé préférable de donner à notre expérience le même fondement géodésique qu' ont eu les « Mensurations ». Le relèvement a été fait pour une station unique pour chaque essaim, et de cette station on a établi à la stadia les positions des groupes d' obus. Voici maintenant les coordonnées définitivement admises pour chaque groupe:
Tableau 0.
Coordonnées des obus-témoins du glacier du Rhône, le 10 août 1928.
Essaim du Weissnollen: x yz m. m.m.
Groupe 2 et 532 66773 7073380 » 7 et 2132 66173 6863378 » 23 et 3032 66173 6633376 » 33 et 4532 66473 6513375 » 46 et 5032 66773 6243375 Essaim du Signal 77 R.V. ( Limnigrat ):
m.m.m.
Groupe 4, 6 et 933 38573 2393174 » 42,43 et ( 41 ) 1)—33 42073 2243171 » 44,47 et 49 —33 42873 2333168,5 NB. x —: au sud de Berne y +: à l' est de Berne z: altitude sur mer L' expérience du glacier du Rhône avait été précédée d' une première au col de la Jungfrau. Il avait semblé utile, en effet, pour mieux juger des difficultés et aléas de l' opération principale, de profiter des facilités exceptionnelles que le chemin de fer de la Jungfrau offre pour une expérience préliminaire.
Le 22 août 1926, MM. Jost et Mercanton ont immergé 6 obus dans le Jungfraufirn, au voisinage du col, et 2 dans les glaces même de celui-ci, mais sur le versant bernois. Voici leurs points de départ:
Glacier d' Aletsch:
Nos 24 et 25: dans la rimaye, à 200 m environ à l' ouest du « Berghaus »; Nos 28 et 29: dans la rimaye directement sous la tour rocheuse portant le totalisateur, un peu à l' ouest du Berghaus; 1 ) N° 41, dans la rimaye même.
NOS 26 et 27: dans une grande crevasse de l' Aletsch, au pied de la Jungfrau, à environ 500 m. à l' ouest du Berghaus et au niveau de la galerie conduisant au col.
Col de la Jungfrau, versant bernois:
Nos 11 et 12: dans une petite crevasse sur l' axe du col, à 180 m. environ du rocher du totalisateur ( rocher dit aussi « du Berghaus » ).
L' expérience tentée par la Commission des glaciers S.H.S.N. paraîtra utopique à beaucoup de gens; elle est aléatoire sans doute, mais si — au pis aller — elle devait rester sans aucune suite, elle n' aura pas coûté des efforts ou des dépenses hors de proportion avec la valeur des résultats espérés, valeur qui peut s' avérer, au contraire, très grande. Cette spéculation scientifique se légitime donc.P.L. M.
Le sondage physique du glacier. Les expériences du Dr Mothes.
Dans le 47e Rapport sur les variations des glaciers... 1926 —, j' ai appelé l' attention sur l' importance d' un problème qui avait déjà retenu celle des dirigeants de l' Expédition suisse au Groenland 1912—1913, à savoir la mesure physique de l' épaisseur des glaciers et particulièrement de l' inlandsis grœnlandais. J' ai décrit ultérieurement nos tentatives infructueuses avec les ultrasons, trop faibles, et nos essais plus prometteurs avec la réflextion sur le lit glaciaire des ébranlements communiqués à la glace par des explosions. La question préoccupait également nos collègues allemands et grâce à une collaboration active des glaciologues ( Finsterwalder, Hess ), des sismologues ( Wiechert, Mintrop ) et à l' adresse aussi de M. Hans Mothes, la question a fait en cette même année 1926 un progrès décisif:
A l' aide de sismographes très sensibles et spécialement adaptés à ce cas particulier ( un inscripteur photographique de la composante verticale et un sismographe microphonique ), M. Mothes a réussi l' inscription des ondes sismiques qu' une explosion produite à la surface du glacier déclenche dans toute sa masse.
Des époques d' arrivée à l' instrument d' ondes venues directement et après réflexion sur le lit glaciaire, on déduit l' épaisseur du glacier; mais la durée de cet intervalle est très courte et la puissance des ébranlements est faible, d' où des difficultés d' exécution que M. Mothes a heureusement surmontées.
Les circonstances de la propagation des ébranlements dans la glace ne pouvant être déterminées exactement à priori, le physicien allemand a dû procéder expérimentalement et pour cela se tourner vers le seul glacier dont les profondeurs nous soient assez connues pour permettre une vérification, je veux dire, l' Hintereisferner, où Hess et Blumcke ont pratiqué naguère leurs célèbres sondages mécaniques. De l' analyse des sismogrammes et de la connaissance des épaisseurs de ce glacier, M. Mothes a donc déduit d' abord les vitesses de propagation des ondes, dans la glace, sensiblement à 0°, du dissipateur de l' Hintereisferner. Il a trouvé: ondes longitudinales V = 3400 m/s, ondes transversales = 1600 m/s. Ces vitesses sont, on le voit, de grandeurs et de rapport réciproque fort différentes de celles qu' on détermine pour le sol rocheux. Ceci fait, on pouvait traduire utilement les indications par lesquelles les ondes réfléchies sur le lit glaciaire se marquent dans les sismogrammes et en déduire les profondeurs cherchées.
Les résultats ont été des plus encourageants. Le profil longitudinal du lit, déterminé sur 1 1/2 km. du dissipateur de l' Hintereisferner par la méthode sismographique, coïncide d' une manière très satisfaisante avec le profil de sondage direct de Hess et Blumcke.
M. Mothes1 ) a fait des essais aussi sur le Grand Aletsch ( février 1929 ). Il a trouvé au confluent de la Concordia une profondeur dépassant 700 m ., tandis qu' à l' Aletschfirn on en aurait 4 à 500. Ces chiffres paraissent forts; quoiqu' il en soit, le moment semble proche où il sera possible de lever rapidement tous les profils si ardemment attendus par la glaciologie. Un obstacle subsiste néanmoins: les masses glacées à l' état neigeux ou de névé opposent à la transmission de l' énergie ondulatoire une résistance énorme, peut-être même insurmontable et les résultats de M. Mothes ne concernent encore que le dissipateur, où le glacier est compact. Mais il ne faut pas se décourager et, d' autre part, la connaissance exacte des sections glaciaires dans la partie inférieure peut conduire théoriquement à celle du névé.P.L. M.
L' enneigement des Alpes suisses en 1928.
L' année nivométrique 1928 a eu, en haute montagne, les caractères mensuels suivants, d' après les excellents résumés que le Dr Brückmann, de l' Institut fédéral de Météorologie, en donne chaque mois au Journal forestier suisse:
Octobre 1927 a été de 2 degrés trop chaud; son insolation a été en fort excès tandis que la précipitation n' a atteint que les 2—3 dixièmes de sa hauteur normale. Novembre a été au contraire trop mouillé et trop sombre, mais sa température a dépassé la normale de plus d' un degré. Décembre, trop sombre et trop sec, a eu 1 à 2 degrés de trop aussi.
Janvier 1928, plutôt sombre, a été trop chaud de 1 degré; sa précipitation a été normale. Février, en revanche, a eu deux fois autant d' eau que d' habi; l' insolation a, d' autre part, été trop forte et la température aussi ( 1 1/2 à 2 degrés ). Mars a été trop chaud de 2 degrés, mais a manqué et de soleil et de précipitations. Avril a eu encore 1 degré de trop, un léger défaut de soleil et un faible excès d' eau. Mai a enfin amené un déficit de chaleur de 1 1/2 degré et un grand excès de précipitations. Juin, beaucoup trop sec ( 3/4 de la précipitation normale ) a ramené un excès de 1/2 à 1 degré. Juillet a accentué ces conjonctures avec 3 à 4 degrés de trop, un défaut de précipitations allant à 60 % et un excès de soleil atteignant par endroits 100 heures. En août, l' excès thermique s' est produit encore, mais avec 2 1/2 degrés seulement; il y a eu léger déficit de pluie. Septembre a été un peu trop chaud, un peu trop sec et un peu trop sombre. Notons pour finir qu' octobre 1928 a été lui aussi chaud, mais en revanche trop mouillé.
1 ) Mothes, H., Seismische Dickenmessungen von Gletschereis ( Thèse Gœttingen 1927 ), Vieweg, Brunswick et in litt.
En résumé, 1928 a été, comme 1927, notablement trop chaud et contrairement à la précédente l' année a été trop sèche. Indigence de neige hivernale et surcroît de chaleur estivale ont provoqué un désenneigement exceptionnel.
L' état des « soufflures » semble indiquer la persistance du régime général des vents au-dessus de 3000 m. instauré depuis plusieurs années. Les avalanches n' ont guère fait parler d' elles durant l' hiver 1927/1928; elles n' ont été ni copieuses, ni désastreuses et l' été est venu facilement à bout de leurs amas. Cependant la Spreitlaui sous Guttannen a eu une ampleur inusitée; le 10 août elle pontait encore largement l' Aar.
A. Etat des neiges.
Suisse orientale. M. J. Lugeon a remplacé une fois de plus M. J. Hess dans les Alpes grisonnes. La campagne a eu lieu du 5 au 10 octobre; la neige fraîche l' a quelque peu entravée1 ).
M. Lugeon constate un fait général; dans aucune des régions habituellement surveillées par lui on ne trouvait ni restes d' avalanches, ni flaques de vieille neige sur les versants rocheux; ainsi seules les limites du névé étaient déterminables. Ceci explique la maigreur du tableau I.
Alpes grisonnes. 5 au 10 octobre 1928.
Tableau I. Limite du RégionExpositionnévé continu m.
Porchabella, glacier W3200 Uertsch, glacier N3000 Lavin, glacier ESEà nu Jenatsch, glacier SEvestiges à 3150 Région d' Err NWà nu Agnelli, glacierà nu Les soufflures du Piz d' Err, au glacier de Jenatsch, se sont effacées, probablement sous l' effet de l' ablation. Les glaciers sont extraordinairement crevassés et les rimayes sont béantes. Depuis 1921 on n' avait plus discerné les rimayes aux glaciers de Porchabella, de Jenatsch et d' Agnelli; en 1928, M. Lugeon les a trouvées très larges ( jusqu' à 8 m. ). D' innombrables crevasses coupaient le chemin habituel du Piz d' Err par le névé d' Jenatsch. Partout les rigoles de fusion étaient très marquées sur les glaciers peu inclinés; leur profondeur atteignait parfois 0,6 m. Certains petits névés, dans les hautes régions du Kesch et de l' Err, laissaient voir des crevasses insolites; de même le petit névé de Scalotta.
Le glacier de Silvretta était extrêmement désenneigé et crevassé; la rimaye y était énorme ( Bilwiller ).
1 ) Je dois corriger ici une indication du tableau I du Rapport précédent: au lieu du 5 au 12 août, c' est du 5 au 12 octobre 1927 qu' il faut lire. Les données des deux années sont donc parfaitement comparables.
Suisse centrale. Notre collègue, M. Oechslin, inspecteur-adjoint des forêts d' Uri, a recueilli les données du tableau II.
Enneigement au flanc nord du Bristenstock et au Belmelen.
Tableau II. Limite inférieureLimite inférieure Epoques m.Epoques m.
1927 15 X 1910 ( soleil 22301928 11 IV 1440 12 XI 44017 IV 590 13 XII 1880 ( soleil 19908 V 1290 ( soleil 1780 ) 16 XII44010 V520 ( flocons de neige 31 XII990 ( fœhn15 V1670à 440 ) 19286 I44026 V960 15 I1110 ( fœhn10 VI1970 20 I44015 VII2310 30 I770 ( soleil 123016 VIII 2970 12 II44023 IX620 25 II820 ( soleil 187027 IX2270 ( fœhn ) 7 III16101 X1060 12 III4404 X2140 25 III1110 ( fœhn ) Le désenneigement est remonté le 16 août 1928 jusqu' à 2970 m. En 1927, il ne l' avait fait que jusqu' à 2310 m. ( 10 août ) et en 1926 jusqu' à 2260 m. ( 24 août ) 1 ).
M. Oechslin donne, en outre, les limites du névé ci-après:
Alpes uranaises. Limite du névé à la fin d' août 1928.
Tableau I. Relèvement par LocalitéExposition Limite du névé rapport à 1927 m.m.
Schlossberg NNE 2430120 Jakobiger N 2380170 Grosse Windgälle... N 2390270 » »... S 2400130 Düssistock W 2500120 Bristenstock E 2460220 » N 2430160 » S 2610150 Salbitschyn NE 2570250 Spitzberge SSE 2490200 » N 2480190 Silberberg-Susten... E 2420310 Moosstock S 2510300 Le relèvement moyen de la limite, qui était de 25 m. seulement en 1926, est devenu 200 m. Les glaciers se sont découverts à un degré exceptionnel.
Il y avait presque partout, outre une rimaye imposante, des crevasses mul- tiples en aval de celle-ci. Les petits glaciers suspendus ont perdu grandement de leur étendue; tel le petit glacier occupant une niche au flanc nord du Bristenstock et dont la surface s' est réduite de 10 %. En contrepartie, les torrents glaciaires ont été très gros et ont provoqué des dégâts, sans parler des eaux de ruissellement qui, en travaillant les laisses glaciaires récentes, ont emporté beaucoup de matériaux qu' elles ont déversés sur les pâturages. Le désenneigement rapide des pâturages a favorisé l' alpée, mais la prolongation de la sécheresse estivale y a mis une fin prématurée.Oechslin. ) Dans la région de Gletsch, le 3 septembre, il ne restait plus, de la grande avalanche de la Maienwand, qu' un lambeau, sur la rive gauche du Rhône. Sous le Längisgrat, 1e cône habituel était réduit à un amas minuscule souillé de détritus. On ne voyait plus rien d' autre ni sur le Gletscherboden, ni sur le cours du Muttbach jusqu' en amont du chemin de fer; sous le glacier de Gratschlucht, on apercevait quelques flaques très réduites. Le glacier du Rhône, examiné du Belvédère, se montrait découvert à perte de vue et sauf au haut de l' affluent du Thierthäli, il n' y avait plus de neige. Sous les Gerstenhörner, la glace bleuâtre apparaissait partout. Enfin, il y avait double-rimaye aux Mutthörner.Mercanton. ) Autour de l' Unteraar, les petits glaciers suspendus étaient à nu sur presque toute leur hauteur.
Le 9 août, le torrent du Trift ( Hasli ) était encore ponté en deux endroits par la grande avalanche de l' Alpe de Trift vers 1500 m ., mais le recouvrement était partout miné et sa disparition totale prévisible à bref délai. Cet amas s' était dissipé en 1927 déjà, tandis que pendant de longues années auparavant, un résidu avait subsisté. Autour de la cabane du Trift, 1a neige avait disparu et on ne la retrouvait en nappe continue qu' au Triftjoch même. Le crevassement du glacier, la béance des rimayes était exceptionnels. La rimaye du Weissnollen découpait de part en part la calotte du sommet neigeux; partout les lèvres supérieures dominaient fortement et la « gencive glaciaire » était en retrait au bas des dents rocheuses. Au Triftlimmi inférieur, une falaise de glace servait de rive à un lagot de col. Les rapides sur le profil Inférieur du Grand Névé au glacier du Rhône étaient entièrement découverts.
Le glacier de Diechter montrait sa glace pure, par place, jusqu' au col même.Mercanton. ) Dans les Alpes glaronnaises, M. Streiff-Becker a recueilli les données du tableau IV.
Tableau IV. Alpes glaronnaises. Limites de l' enneigement en 1928. Gazons et rochers du massif de Schilt; glaciers Exposition NS m.m.
1 III800 1300 4 V1300 1750 1 VI1650 1950 1 VII2150 2350 Glärnisch couvert jusqu' au front(2170 m. ) 17 VII2300 à nu Biferten, au nord 2200 m.
4 VIII à nuBündnerbergfirn ( Vorab ), au sud 2700 m.
Suisse occidentale. Du 26 au 28 août, M. J. Lugeon a parcouru la région de Zermatt. Il y a observé que partout le résidu d' alimentation de 1927 avait été dissipé entièrement; des étagements de teintes diverses semblaient marquer sur les collecteurs glaciaires la réapparition d' anciens résidus annuels. On pouvait fouler les glaciers jusqu' à 3400 m. d' altitude sans nul risque, toutes les crevasses y étant visibles. Au Cervin, l' Epaule était sèche et des rochers pointaient par endroit sur l' arête de Zmutt.
Le tableau V donne les limites du névé le 28 août et son relèvement par rapport à 1927, à la même date.
Région de Zermatt.
Tableau V. Relèvement Limite du névé par rapport Glacier Expositionle le 28 août 1928 au 28 août 1927 m.m.
Findelen W3400350 Adler W et S 3550350 Trift ESE3550250 Gabelhorn SE3600200 Arben SE3550200 Hohwäng S3450100 Stock E3550450 Matterhorn Nà nu300 Furggl ( versant du Cervin ) NE3350100 Théodule supérieur N3300200 Théodule inférieur Nà nu — Breithorn N3300 Schwärze N3300350 Gorner, affluents de Grenz NW3400300 Gorner, affluents du Weissgrat.. WS3450350 Le relèvement de la limite du névé atteint donc 270 m. en moyenne. Le 6 août déjà, au cours d' un vol piloté par M. le premier-lieutenant Strub, le chroniqueur avait pu observer les désenneigements énormes des régions du Trient et des Diablerets. Le glacier de Trient était à nu jusqu' au Plateau où l'on distinguait déjà la tache d' ocre rouge faite en automne 1927 au pied de la balise. Le plateau lui-même était couvert de crevasses déjà fort apparentes et qui deux mois plus tard, lors de la campagne annuelle, zébraient la surface de la manière la plus insolite. Au flanc des sommets et sur les arêtes, le désenneigement était déjà notable en août, tandis qu' en octobre, maintes pentes, habituellement blanches de partout, laissaient voir leur substratum de rocs et de cailloux complètement à nu ou à peine plaqué d' une mince couche de glace sale à reflets d' acier. Telle la pente qui, de l' arête de la cabane Dupuis, descend vers le glacier d' Orny; tels aussi les abords immédiats du nivomètre.
Le 17 juin déjà, M. Gaschen n' avait rencontré la neige qu' à 2400 m. et la soufflure de la Tour-Rocheuse avait 22,5 m. de largeur et 9,5 m. de pro- fondeur; la soufflure sous la cabane était large de 40 m. entre la balise et le bloc-repère de la terrasse.
Lors de la campagne annuelle, le 7 octobre, il ne subsistait de vieille neige nulle part dans la Combe d' Orny, non plus qu' autour de la cabane, pas même au bout ouest du lac.
Le glacier, crevassé comme rarement il l' a été, imposait des zigzags multiples. Le nivomètre avait son trait le plus inférieur suspendu dans la paroi et au-dessous un enchevêtrement de crevasses en rendait l' accès scabreux. Le talus d' éboulis qui flanque l' échelle en aval était complètement à nu, quant à la soufflure sous la cabane, elle s' ouvrait largement jusqu' au nivomètre et formait un véritable fossé de défense autour du promontoire de « Dupuis ». Le 7 octobre 1929, la largeur horizontale de ce fossé, mesurée sur l' alignement balise-terrasse, à partir du repère de la cabane attaignait 42 m.; son bord glacé était à 13,5 m. et son fond à 25 m. sous la plate-forme de la cabane. On accédait à celle-ci par le lobe glaciaire habituel entre les deux soufflures, mais cette fois on devait monter encore de plusieurs mètres. Quant à la grande soufflure de la Tour-Rocheuse, le réenneigement automnal en avait réduit la largeur à 21,5 m. et la profondeur à 9,3 m .; par rapport à 1927, c' est toujours un élargissement de 1,5 m ., mais, en revanche, une diminution de hauteur de 7,5 m.
Une large crevasse s' ouvrait sur le chemin du mougin, dont la plate-forme était anormalement déchaussée; le col d' Orny même était marqué par des crevasses immenses courant du milieu jusqu' à la soufflure-fossé et difficiles à franchir.Mercanton. ) Aux Diablerets, le vol du 6 août fit voir encore quelques lambeaux de névé dans le vallon d' Entre. Le Tsanfleuron était à nu jusqu' à 2800 m. environ.Mercanton. ) Le 10 octobre, le désenneigement était complet au-dessus de la cabane jusqu' à plus de 2800 m.Gaschen. ) Sur l' arête neigeuse du Diableret même, la crevasse-rimaye que le séjour involontaire de notre collègue Baud a rendue notoire, béait largement le 6 août. Ce même jour, on ne voyait plus que trois petits restes d' avalanche dans les couloirs au-dessus de la Grand' Vire de Morcles.Mercanton. ) La rapidité du désenneigement estival en 1928 ressort bien des observations de M. Fischer-Reydellet sur les Préalpes. La chaîne Rothorn-Mähre-fluh, vue de Thörishaus 1e 22 juin 1928, montrait des couloirs beaucoup mieux dégarnis de neige encore que le 25 juin 1927.
B. Relevés nivométriques.
Ensemble d' Orny. MM. H. Gaschen et L. Farquet l' ont visité le 17 juin, M.G. Mignot, le 17 septembre, enfin le rapporteur, le 7 octobre, pour les opérations annuelles; MM. Roud, Gaschen, Farquet et Mlle Morel l' accompa. Hélas! déjà la mort avait privé le groupe des nivométristes vaudois d' un de ses plus anciens, plus dévoués et plus fidèles collaborateurs, notre ami Edouard Correvon, dont le Club Alpin entier appréciait le mérite considérable et admirait le noble caractère. L' amitié inlassable avec laquelle ce juriste éloigné des spéculations scientifiques prenait à cœur les préoccupations et les efforts du rapporteur vers la connaissance du phénomème glaciaire était touchante et d' un réconfort précieux. Edouard Correvon, dans ce domaine comme dans tant d' autres de l' alpinisme, aura été un exemple parce qu' il a incarné l' esprit des grands fondateurs du Club. Son souvenir doit revivre par ces Rapports aussi.
Nivomètre. M. Farquet l' a surveillé durant l' été jusqu' au moment où fonte et tassement du névé l' eurent déchaussé définitivement. Le tableau VI donne lecture et bilans.
Nivomètre du Col d' Orny ( 3100 m. ). ( 2 degrés valent 1 m. ) Degrés Tableau I. Epoques19261927192S 16 VI95 23 VI 1228 VI4 8 VII 1071 17 VII5
3 VIII74
18 VIII 6
17 IXXII 7 XIII — XVIII AccumulationDissipationRésidu annuel HiverMètresEtéMètresAutomne Mètres 1924—1925219255,519253,5 1925—192651926719262 1926—192751927619271 1927—19284192811,519287,5 Minimum absolu de 1927 ( X ): — III; maximum absolu de 1928 ( VI ): > 5; minimum absolu de 1928 ( X ): — XVIII.
Les chiffres romains sont fictifs; ils correspondent aux mesures de déchaussement prises sur de bonnes photographies du nivomètre et peuvent être considérées comme corrects, pour autant que le désenneigement excessif des lieux n' a pas ôté toute signification à ces notations quantitatives; le nivomètre est en effet passé maintenant du collecteur au dissipateur du glacier d' Orny.
Balises et sondages. La balise émergeait le 17 juin de 4 cm. ( Gaschen ), le 17 septembre de 393 cm. ( Mignot ). Le 7 octobre, on trouvait la dite balise gisant à côté de celle de 1924 à laquelle on l' avait fixée, en rallonge, en 1926. La balise de 1924 émergeant de 177 cm. et la rallonge en ayant eu 213, cela correspondrait pour 1928 à une émergence totale de 390 cm. pour la surface neigeuse du 7 octobre, mais les sondages ont montré la surface d' étiage de 1928, imperforable, à 86 cm. au-dessous, ce qui met donc la surface d' étiage à 476 cm. sous l' extrémité de la rallonge. Or, cet ensemble n' émergeait, à l' étiage de 1927 que de 273 cm. Il y a donc eu disparition en 1928 de 2,0 m. de névé, ablation vraiment insolite. Notons encore que ce même 7 octobre on voyait pointer sur une longueur de 12 cm. l' extrémité de la balise de 1922, qu' on pouvait croire enfouie à jamais.
Le théodolite installé sur le bloc repère de la cabane Dupuis a permis les mesures suivantes: distance horizontale à la balise 186 m .; pied de la balise 13,3 m. sous le repère, donc surface d' étiage 1928 à 14,1 m. C' est un abaissement de 3,j m. par rapport à 1927; la balise ne s' étant désenneigée que de 2,0 m ., il y a donc eu affaissement du névé de 1,7 m. Ceci est en harmonie avec le bâillement énorme des rimayes et le déchaussement du nivomètre.
Au pied de la balise de 1924 laissée en l' état, on a semé 1 kg. d' ocre jaune du côté de la cabane.
Totalisateur. Le 17 juin, une croûte de glace, qu' il fallut casser, recouvrait encore le liquide dont la densité était 1,140. La vidange a eu lieu le 7 octobre par un très beau temps qui permit d' effectuer toutes les observations en moins de 2 heures. La densité du liquide était alors de 1,069 ( 18° ). Le décompte a donné pour 364 jours 47,5 litres d' eau météorique correspondant à une hauteur de 238,5 cm ., soit 239 cm. en 365 jours.
En utilisant niveaux et densités du liquide, conjointement avec les valeurs des précipitations d' Orsières que l' Observatoire de Genève a bien voulu, à son ordinaire, nous communiquer, on obtient les valeurs suivantes:
EpoquesCol d' Orny ( 3150 m. ) Orsières ( 980 m. ) 3 X 1927—17 VI 1928 195,5 cm40 cm.
17 VI 1928—7 X 1928 43 cm.20 cm.
3 X 1927—7 X 1928 238,5 cm.60 cm.
Glacier d' Orny. Les mensurations ont eu lieu le 6 octobre dans les azimuts habituels. Voici les variations depuis 1927 pour chacun des repères:
I: — 4 m.; II: — 3 m.; III: — 7,5 m.; IV: — 7,5 m ., soit un recul moyen de 5,5 m.
Deux cryocinémètres placés dans les parages habituels devant le repère III ont indiqué une vitesse moyenne de 4 cm./j.
Nivomètre de Bertol. Les échelles établies en 1926 par M. A. Renaud dans les rochers de Bertol ont été lues durant l' été par M. Jean Georges, gardien de la cabane de Bertol; d' autre part, M. Jean Fauchère-Moïse était monté le 30 mai déjà pour observer l' enneignement maximum. Le tableau VII donne lecture et bilans.
Tableau I. Nivomètres de Bertol.
I. Echelle occidentale ( 3360 m.).II. Echelle orientale ( 3350 m. ).
( 1 degré = 1 m1 degré = 1 m ) Epoques 1926 1927 19281928 25 III — 3630 V 35,535 ( enfoui ) 11 VI 3534 30 VI3912 VII3232 16 VII — 3219 VII 3031 26 VII — 3130 2 VIII — 3029 9 VIII 2929 14 VIII — 2916 VIII — 2828 24 VIII 31,531 VIII — 27,527 23 IX3014 X 2924 X2830 I. Echelle occidentale.
Accumulation DissipationRésidu annuel Hiver Mètres Blé MètresAutomne Mètres 1926—1927 10 1927 101927 0 1927—1928 6,5 1928 81928 —1,5 Ensemble nivométrique des Diablerets. M. Ernest Reber l' a observé régulièrement lors de ses courses professionnelles dans le massif; les opérations annuelles ont été faites le 26 octobre seulement par MM. Gaschen, Vuille, et Reber.
Nivomètre. Le tableau VIII en donne lecture et bilans: Nivomètre des Diablerets ( 3030 m. ).
( 2 degrés valent 1 m. ) Tableau I. Degrés Epoques 1926 19271928 15 VI91 ( visible91 ( enfoui ) 20 VI — 912 VII — émergé 5 VII91 21 VII85 2 VIII — 8880 17 VIII — 84,576 Tableau VIII ( suite ) Degrés Epoques 1926 1927 1928 21 VIII >91 ( visible ) 84 75 29 VIII 91 85 73 5 IX — 83 — 9 IX72 14 IX 86 83 — 19 IX71 3 X 83 Minimum absolu de 1927 ( IX ): 83; maximum absolu de 1928 ( VI ): > 91; minimum absolu de 1928 ( IX ): 71 Accumulation Dissipation Résidu annuel Hiver Mètres Eté Mètres Automne Mètres 1924—1925
>4,5
1925
1925 4,5 1925—1926
1926
1926
1926—1927 >4 1927
1927 0 1927—1928
1928
> 10
1928 — 6 Balise. Le tableau IX en donne lecture et bilans. Balise des Diablerets ( 2850 m. ).
Tableau IX. Enneigement en metres depms le 5 IX 1927 1927 5 IX 0,0 ( etiage ) 6 X 0,4 1928 13 VI
>3,4
( enfouie ) 24 VI 3,3 2 VII 2,7 5 VII 2,4 24 VII 1,2 ( la balise de 1925 émerge ) 2 VIII 0,25 ( l' ocre de 1927 reapparait ) 4 VIII 0,0 8 VIII
-0,6
( la balise de 1927 tombe, déchaussée ) 17 VIII -1,0 26 VIII -1,4 9 IX -2,0 19 IX
-2,1
26 IX
-l,1
Accumulation Dissipation Residu annuel Hiver Mètres Eté Mitres Automne Mitres 1924—1925 > 2,o 1925
> 2,3
1925 -0,3 1925—1926 > 5,1 1926
> 3,1
1926 + 2,0 1926—1927 > 3,1 1927
> 1.3
1927 + 1.8 1927—1928 > 3,4 1928
> 6,0
1928 2,6 15 Ainsi donc le désenneigement excessif de 1928, en même temps qu' il déchaussait complètement la balise de 1927 remettait au jour celle de 1924, de sorte que le 28 octobre 1928 on voyait côte à côte 0,2 m. de celle-ci et 2,7 m. de celle de 1925.
La baisse de la surface d' étiage ( 19 septembre 1928 ) a donc été de 2,1 m. depuis 1927. L' ocre de cette année-là est réapparu en 1928, à 0,25 m. sur l' étiage de 1927; comme il avait été mis à 0,4 m. au-dessus, le névé a subi au cours de l' année un tassement de 0,15 m.
Totalisateur. Le 13 juin, la densité du liquide était 1,1385; le 26 octobre, elle n' était plus que 1,1005. Les pesées dénoncèrent 29,28 litres d' eau météorique, soit 146,7 cm. depuis le 6 octobre 1927, soit 139 cm. en 365 jours.
On a donc finalement le tableau suivant:
EpoquesTsanfleuronDiablerets-Village2270 m.1170 m. ) 6 X 1927—13 VI 1928 93 cm.82 cm.
13 VI 1928—26 X 1928 53,5 cm.44 cm.
6 X 1927—26 X 1928 146,5 cm.126 cm.
Après recharge, ce même jour, le niveau s' est établi à 900 mm. sous l' ouver.
Nivomètre de l' Eiger. Comme d' habitude, la Compagnie du chemin de fer de la Jungfrau en a assumé le soin avec une régularité exemplaire et qui fait grand honneur à son personnel, ainsi qu' à l' intérêt scientifique toujours en éveil de son directeur, M. Liechti. Le tableau X donne lecture et bilans.
Nivomètre de l' Eiger ( 3100 m. ).
Tableau X.
( 2 degrés valent 1 m. ) Degris Degris Epoques 1926 1927 1928 Epoques 1926 1927 1928 7 I 34 42 42 4 VIII 40 30 20 24 I 36 — 48 20 VIII 34 30 10 9 II 39 — 52 30 VIII 28 30 6 22 II — 62 — 6 IX 26 28 2 2 III48 14 IX 24 28 0 30 III 50 60 52 28 IX 22 28 4 17 IV 44 — 48 12 X 18 27 0 6 V 42 55 46 17 X 16 26 1 22 V 47 49 42 22 X 17 26 2 8 VI 48 48 40 7 XI 27 24 6 20 VI 50 45 38 21 XI 28 27 10 28 VI 48 41 36 4 XII20 10 VII 44 35 34 18 XII 35 31 24 20 VII 40 33 30 Minimum absolu de 1927 ( XI ): 24; maximum absolu de 1928 ( II et III ): 52; minimum absolu de 1928 ( IX et X ): 0.
Accumulation Dissipation Résidu annuel Hiver Mètres EU Mitres Automne Mitres 1924—1925 11 1925 16 1925
1925—1926 23 1926 17 1926
1926—1927 23 1927 19 1927
1927—1928 14 1928 26 1928 -12 Balise du Jungfraufirn. Le personnel de la station du Col a continué ses lectures de l' enneigement aux deux balises érigées sur le Jungfraufirn, sous les fenêtres de la station. Le tableau XI donne lecture et bilans que j' emprunte, comme tant d' autres résultats qui suivront, au précieux rapport dans lequel M. Billwiller consigne chaque année les expériences de la Commission glaciologique zurichoise 1 ).
Balises du Jungfraufirn ( 3330 m. environ ). Enneigement en mètres depuis le 20 septembre 1927.
Tableau XI. Balise supérieure Balise inférieure Moyenne 1927 20 IX 0 0 0 11 X 0,15 0,15 0,15 29 XI 0,9 1,4 1,15 1928 28 I 1,9 2,2 2,05 21 II 1,65 2,35 2,0 12 III 1,95 2,6 2,3 4 V 3,4 > 4,95 ( enfouie ) >4,2 15 VIII 1,8 2,65 2,2 27 IX 1,75 2,55 2,15 Accumulation Dissipation Résida Hiver Mitres Eté Mètres Automne Mètres 1925—1926 4,75 1926 1,4 1926 + 3,3 1926—1927 5,45 1927 0,9 1927 + 4,55 1927—1928 > 4,2 1928 > 2,0 1928 + 2,2 Balise de la Dent du Midi. M. Joseph Cooke-Smith, un ami fervent des Alpes, nous apporte une collaboration des plus précieuses et du meilleur exemple:
Au flanc ouest de la Haute Cime de la Dent du Midi, à 2800 m. environ et dominant les lagots, il a érigé une balise fixe tenue par un cairn et divisée en segments colorés bien discernables de loin. De sa demeure de Champéry, il en a observé l' enneigement depuis le 19 septembre 1927. Ces mensurations, faites au demi-décimètre près sont consignées dans le tableau XII.
Balise de la Dent du Midi.
Tableau I. EnneigementEnneigement Dateen mètresDateen mètres 192729 X 0,25 1928 29 III 2,25 15 XI... 0,67 IV
Clariden. Voici d' après M. Billwiller les données recueillies sur le névé des Clarides.
Enneigement en mètres depuis le 23 septembre 1927.
Tableau XIII. Balise inf. Balise sup.Balise inf. Balise sup.
Epoques ( 2708 m ) ( 2910 mEpoques2708 m ) ( 2910 m ) 1927 15 X0,30,41928 10 VII 2,854,15 6 XI0,4529 VII 0,718 XI1,01,119 VIII — 0,61,3 1928 26 II3,43,312 IX —1,70,45 8 IV3,94,0 A la balise inférieure, l' ocre de 1927 est réapparu vers le 10 août. L' ablation avait déjà enlevé là, le 19 août, non seulement la couche de l' hiver dernier, mais 0,6 m. du résidu de 1927. Le 12 septembre, lors des opérations annuelles effectuées par MM. Streiff-Becker et Dürst, 1a réduction atteignait à la balise inférieure 1,7 m. sous l' étiage de 1927; à la balise supérieure, le résidu de 1928 était devenu exactement nul.
Les deux balises ont été prolongées et émergeaient le 12 septembre 1928 de 5,7 m. ( Inférieure ) et 6,7 m. ( Supérieure ). Au Geissbützistock, 1e mougin a recueilli 350 cm. d' eau météorique du 22 septembre 1927 au 22 septembre 1928; à Auen-Linthal on n' en a eu que 134 cm.
Silvretta. Le tableau XIV renferme les rares données de cet ensemble; M. et Mme Billwiller, aidés du guide Michaud, y ont fait à la mi-septembre la campagne annuelle:
Enneigement en mètres depuis le 10 octobre 1927.
Tableau XIV. Balise Balise BaliseBalise.
inférieure supérieure inférieuresupérieure Epoques ( 2760 m. ) ( 3013 m. ) Epoques ( 2760 m.3013 m. ) 1928 21 II2,52,014 IX0,85 1928 20 VIII 0,950 Outre l' apport entier de l' hiver 1927/28, 0,85 m. du résidu de 1927 a succombé ici à l' ablation. La balise émergeant encore de 6,35 m. a été laissée en l' état. A la balise inférieure, le 20 août, c' est premièrement l' étiage de 1926 qui a été rejoint; la balise s' est abattue. On a retrouvé le 14 septembre non seulement l' ocre jaune de 1927, mais l' ocre rouge de 1926. On voit combien judicieux est l' emploi — préconisé jadis par de Quervain — de ces colorants variés et stables. Une nouvelle balise émergeant de 5,5 m. a été installée le 14 septembre 40 m. plus en amont, à cause des crevasses.
A quelque 350 m. plus bas sur le cours glaciaire, gisait le trépied de fixation de la première balise, celle de 1915. On l' avait réinstallé sur la glace vive en 1921; depuis lors, il était resté enneigé.
Tandis que Klosters mesurait, du 10 octobre 1927 au 14 septembre 1928, 109 cm. de précipitations, le mougin de l' Eckhorn ( 3150 m .) en recueillait 125 cm. et celui de la cabane 122 cm.
Région du Piz d' Err. M. J. Lugeon a observé le 8 octobre les faits suivants: Au glacier de Jenatsch, à la balise de 3210 m ., du 8 octobre 1927 au 8 octobre 1928, le névé a perdu 1,3 m. de son épaisseur; cela signifie que non seulement l' apport du dernier hiver a été dissipé intégralement, mais encore le résidu de 1927 et 0,3 m. de celui de 1926.
La balise, peinte en rouge et noir, émergeait le 18 octobre de 3,7 m .; il y avait 0,45 m. de neige fraîche déjà sur la surface d' étiage.
La balise érigée le 8 octobre 1927 à 3004 m. s' est perdue dans une des vastes crevasses que le désenneigement a découvertes là; une nouvelle perche la remplacera. La balise enfoncée en 1927 dans la glace vive à 2830 m. a été trouvée abattue. Tout compte fait, l' ablation a dû enlever ici 1,3 m. de glace, du 8 octobre 1927 au 8 octobre 1928. Durant ce laps de temps, la perche s' est déplacée de 127 m. vers l' aval, donc à raison de 34,7 cm. par jour.
Le soin louable pris par M. Lugeon de mesurer, en même temps que l' abla et la vitesse à la perche, la pente générale de ce segment de glacier, me permet de calculer l' angle d' émergence que les filets d' écoulement glaciaire font ici avec la surface géométrique du dissipateur. Cet angle est de 0°; sa faiblesse montre qu' on est près de la limite du névé, où il serait nul.
Une nouvelle balise, saillant de 2,3 m ., a été érigée là, à 2830 m. d' altitude.
Le mougin du Julier a emmagasiné l' équivalent de 103,5 cm. d' eau du 9 octobre 1927 au 9 octobre 1928.
Parsenn et Weissfluh. Le Skiklub de Davos a surveillé ses deux balises. Celle de la cabane ( 2280 m .) a dénoncé un enneigement hivernal de 1,4 m ., de la fin de février jusqu' à la mi-avril. A la balise de la Weissfluh ( 2740 m .), l' enneigement a atteint 2,5 m. le 28 mai; nous ne possédons malheureusement pas le chiffre d' étiage.
Säntis et Gothard. Le tableau XV résume les observations de l' Institut fédéral de météorologie. Tableau V. Enneigement en mètres.
St-Gothard SäntisSt-Gothard Säntis ( 2100 m.2500 m.2100 m.2500 m. ) Début: le 10 XI 1927Début: le 10 XI 1927 Epoquesaux deux stationsEpoques aux deux stations 1927 11 XI 0,30,61927 16 XII l,6l,0 2 XII 1,60,51928 6 I 1,750,8 Tableau XV ( suite ).
St-Gothard SäntisSt-Gothard Säntis ( 2100 m.2500 m.2100 m.2500 m. ) Début: le 10 XI 1927Début: le 10 XI 1927 Epoquesaux deux stationsEpoques aux deux stations 1928 20 I1,8l,04 V2,52,0 3 II1,91,518 V2,82,6 17 II1,91,525 V3,22,6 2 III1,51,51 VI2,42,0 16 III1,91,98 VI1,60,8 23 III2,11,815 VI0,75 sommet à nu 6 IV3,02,022 VIroute à nu 20 IV3,32,2 Le maximum du Säntis: 2,6 m. est inférieur de 0,2 m. à celui de 1927; au Gothard, cette infériorité atteint 1,1 m. pour un maximum de 3,3 m.
Totalisateur du Mattmark. Les totalisateurs entretenus par la Commission des glaciers, sous la surveillance spéciale de M. Lütschg, au fond de la vallée de Saas ont fourni les données du tableau XVI.
Région de Mattmark ( Vallée de Saas ) 1927/28. Tableau XVI Altitude Précipitation Différence Localitém.365 jours ) 1928-1927 cm.cm.
E Plattje 2210Tota1isateurdétruitEWeissta1227013124 WSchwarzenbergkopf... .256520238 EGa1menhorn28508542 EGa1men269010246,5 EOfentalpass280017040,5 W«In den Kessjen » 284013318 WSeewinenberg302520384 WAllalin ( glacier)3360133114 WSchwarzenberg-Weisstor .357024166 W = versant occidental. E = versant oriental.
Sauf au mougin du Weisstal, il y a partout déficit par rapport à 1927 et déficit notable. Le mougin du Plattje, déjà trouvé vide en 1927, a été mis hors de service par malveillance en 19281 Conclusions. En résumé, l' enneigement a été régressif dans les Alpes suisses en 1928. Cette régression est une des plus fortes qu' on ait observées jusqu' ici. Elle ne peut se comparer qu' à celle de 1921. Elle tient pour une part au défaut d' alimentation hivernale et pour une autre, la principale, à l' ablation excessive de l' été. M.
Chronique des glaciers suisses en 1928.
En 1928, le contrôle a porté sur 103 glaciers. La majeure partie des données émane des agents forestiers; pour le reste, elles nous viennent de membres ou de collaborateurs de la Commission des glaciers, de la S.H.S.N. Ce sont MM. Guex ( Trient ), Volken ( Binn ), Campiche ( Rosenlaui ), J. Lugeon ( Piz d' Err ), Streiff-Becker ( Clarides ), Maag ( Findelen ), Renaud ( Zermatt ), K. Vogt et Meisser ( Bregaglia ), enfin MM. Jost, Lütschg, Mercanton, Oechslin, de la Commission. La Compagnie des Forces Motrices de l' Oberhasli a continué, sous l' impulsion heureuse de son directeur, M. Käch, ses mensurations détaillées à l' Unteraar et à l' Oberaar. M. Blumer, ingénieur-topographe à Berne, a fait pour la Commission des glaciers la campagne annuelle du Grindelwald. Enfin M. Mercanton, grâce à l' obligeance de l' Aviation militaire fédérale a pu recueillir en vol de précieux documents photographiques, dont ce rapport reproduit quelques-uns. Grâce à ces divers concours, le chroniqueur a une fois de plus la satisfaction de pouvoir donner de la glaciation suisse un des tableaux les plus riches et les plus instructifs qu' il soit. Que tous en soient remerciés ici!
Voici maintenant, présentés dans leur forme habituelle, les résultats de ces contrôles.
I. Bassin du Rhône.
Tableau I. Variations, en mètres, en Glaciers192619271928 Rhône3,55,56 Gratschlucht10,5 Thäli ( Binn)0812 Turben .71,523 Mittlenberg7235 Fiesch81,51 Aletsch13,52518,5 Kaltwasser310 Ofenta173,5 Schwarzenberg11028,522 Thäliboden06 Allalin79,52 Fee537 Gorner6105,5 Zmutt11 Findelen22111 Turtmann1,5321 Lötschen7274 Duran ( Tsinal)240 Moming92,5 Moiry6,52612,5 Ferpècle6244 Arolla .240 Tableau XVII ( suite).Variations, en mètres, en Glaciers192619271928 Tsigiorenove2314,53,5 Duran ( Seillon)051 Grand-Désert1,510,513,5 Mont-Fort436,5 Corbassière23,5 Saleine410,53 Orng3,565,5 Trient625 Martinets21 Paneyrosse 119120(1 ) Grand Plan-Névé3 42 Petit Plan-Névé3 192 Prapioz10 1616 Scex Rouge16 En outre sont donnés comme en crue: Tseudet, Kessje, stationnaire: Valsorey, en décrue: Giétroz, Pierredar.
La campagne au glacier du Rhône a été faite derechef par le chroniqueur, aidé cette fois-ci de MM. R. Byrde et P. Cornu, étudiants à l' Université de Lausanne. Elle a eu lieu du 4 au 6 septembre, et selon le programme restreint mais suffisant, adopté en 1923. Une nouvelle station photogrammétrique a été établie sur la rive droite du Rhône; on la rattachera exactement au réseau de repères en 1929. Le glacier a abandonné 230 m2 de terrain, en reculant de 6 m. en moyenne, du 11 août 1927 au 5 septembre 1928. Le tableau XVII du rapport de 1927 se complète donc ainsi: 5 IX 1928: Aire couverte en aval du profil bleu... 11 420 m2 Largeur sur le dit profi1258 m.
Variation d' aire en 1928— 230 m2 Aire réduite 1)9 980 m2 Ordonnée moyenne de l' aire réduite 46,5 m Le portail, déjà très imposant ces dernières années, s' est exhaussé encore et a pris en se surélevant une majesté impressionnante. Sa vraie origine apparaît de mieux en mieux: c' est une niche d' effondrement; au fur et à mesure que le torrent, en sapant ses piédroits, les écarte l' un de l' autre, la chute des voussoirs de glace élève le cintre du portail. Ni le courant d' eau, ni l' air qu' il entraîne n' y contribuent directement d' une manière appréciable; s' il en était autrement, le portail donnerait accès à un long tunnel sous-glaciaire, tandis que la voûte est ici en cul-de-four et le torrent y débouche par-dessous la glace en une nappe mince et large, à une trentaine de mètres à peine de l' entrée. Un de ces écroulements générateurs a été observé le 5 juillet par M. W. Custer.
1 ) Aire sans le portail. Cf. Rapports antérieurs.
Deux cryocinémètres installés le 4 septembre sur le bord droit du front, l' un à 15, l' autre à 30 mètres du Rhône et dans les mêmes parages qu' en 1927, ont indiqué des vitesses de 10,6 et 13,4 cm./j ., soit en moyenne 12,0 cm./j .; en 1926, à la même époque, on avait noté 29,8 cm./j. Le 5 septembre 1928, sur le bord gauche, à 15 m. du torrent la vitesse était 7,6 cm./j. et à 20 m. 10,4: moyenne 9,0 cm./j .; en septembre 1926, elle était là 15,5 cm./j. On est revenu à peu près aux vitesses de septembre 1925. Le cryocinémètre, judicieusement employé, est donc à lui seul apte à révéler en quelques heures le régime actuel d' un glacier; on ne peut donc trop souhaiter que son emploi se généralise.
L' aspect de la cataracte glaciaire n' a guère changé depuis 1927; tout au plus observe-t-on une tendance renforcée à des éboulements sous le Belvédère. Une moraine frontale, petite, mais nette, courait le long du lobe frontal gauche et s' y dédoublait même au droit du repère II. Le glacier en était partout distant de quelques mètres. Ce sont des vestiges de la récente petite poussée. Sur ce même lobe gauche, mais près du torrent, le front du glacier montrait des souillures morainiques en bandeaux parallèles au terrain.
Au Belvédère même, le bord du glacier a reculé de 4,0 m. devant l' ancien repère plombé; au repère le contrôle n' était plus possible. ( Mercanton. ) Dans la vallée de Binn, le Thäli aurait avancé d' un côté et reculé d' autant de l' autre; il serait donc stationnaire. En revanche, le Turben et le Mittlenberg sont en décrue certaine.Volken. ) M. Lütschg a contrôlé les glaciers de la vallée de Saas. Le Kessje est en crue manifeste et bâtit une moraine frontale. Au glacier de Bied, un éboulement de glace a amené la formation d' un lac temporaire, dont la débâcle a emporté la passerelle du Biederbach et endommagé les alpages.
Le Findelen a subi une décrue moyenne de 18 m. et maximum de 30 m.
( Maag. ) Selon un programme convenu avec la Commission des glaciers et soutenu matériellement par elle, M. A. Renaud, lic. ès se, aidé de M. Dériaz, étudiant à l' Ecole d' ingénieurs de Lausanne, a commencé l' étude des dolines, énigmatiques encore, du glacier de Gorner; des opérations géodésiques feront, espérons le, connaître leur relation avec le lit glaciaire.
La crue de 24 m. signalée en 1926 au glacier d' Arolla reste toujours aussi mystérieuse qu' invraisemblable; quoiqu' il en ait été, le recul du glacier est indubitable aujourd'hui.
L' organisation du contrôle projeté pour le Giétroz n' a pu être réalisé encore. Le 4 octobre, le chroniqueur a constaté du haut des airs que le cône était extrêmement réduit et complètement bruni de débris rocheux, ce qui exclut toute idée d' alimentation récente par le glacier nourricier; le recul de celui-ci est donc vraisemblable.
Au Corbassière, des laves de boue ont de nouveau enseveli les repères de la rive gauche. Néanmoins le contrôle a pu avérer un recul moyen de 3,5 m. Deux cryocinémètres installés le 8 octobre devant le lobe droit ont mesuré à 10 et 15 m. du torrent 2,4 et 3,4 cm./j ., soit en moyenne 2,9 cm./j ., vitesse double de celle de 1927! Serait-ce l' annonciation d' une crue?
( Mercanton et A. Morel. ) Le Valsorey est donné comme stationnaire et même en décrue; sa langue s' amincit beaucoup. En revanche, le Tseudet serait en crue; il a atteint le talweg du Valsorey et la « gouille » s' est reformée, après plusieurs années d' inexistence. Au Sonadon, des chutes de séracs se produisaient continuellement et M. R. Chapallaz, qui nous donne ce renseignement, croit le glacier en crue.
Au glacier d' Orny, il s' est produit le 3 août 1928 une série de débâcles d' eau roulant quantité de matériaux arrachés au terrain. Elles émanaient du lobe méridional sous le Portalet, comme celles de 1920 et se succédèrent de 5 minutes en 5 minutes pendant une heure au moins, selon M. Etienne Crettex, guide, qui se trouva sur les lieux à point pour les observer. Ces flots successifs causèrent des craintes à Praz-de-Fort même.
Le glacier d' Orny était passablement affaissé partout et le petit lac supérieur sur son flanc gauche n' existait plus.
Pour la cinquantième fois, la famille Guex, de Vevey, a pu faire ses mensurations annuelles au Trient; les « Alpes » ( janvier 1929 ) ont publié une notice de M. le professeur Jules Guex résumant ces 50 années et illustré de précieuses vues.
Dans les Alpes vaudoises, le glacier des Martinets ayant complètement bouleversé sa base de contrôle a dû être muni d' une ligne de repères nouvelle. Le recul du Paneyrosse a été certainement très grand; peut-être, cependant, certains des chiffres antérieurs sont-ils exagérés, une bande de moraine enneigée ayant pu être prise pour du glacier même. Un lagot s' est formé devant son front; il s' écoule du côté de l' Avare.
Le Pierredar s' est aminci encore.de Kalbermatten. ) II. Bassin de 1' Aar.
Tableau I. Variations, en mètres, en Glaciers192619271928 Oberaar4,50 Unteraar215,510,5 Rosenlaui01015 ?) Grindelwald Supérieur ...1069,5 Grindelwald Inférieur, front212,5 » », gorge143970 Eiger167 Stein5214 Blümlisalp7510 Schwarz61,54 Tsanfleuron21121 En outre sont:
en crue: Tschingel, stationnaire: Oberaar, en décrue: Trift, Gauli, Gamchi17 ); Rätzli ( —11 ); Wildhorn15 ).
Le Rosenlaui est visiblement enflé dans sa partie supérieure, sous la Dossenwand. Un gros bloc a été refoulé là de 5 à 6 m. par l' élargissement du glacier. En revanche, les chaleurs de l' été ont dissipé, sur 15 à 20 m. de longueur, la langue terminale, dans la cuvette rocheuse où elle s' arrêtait.
( Campiche. ) Le lac bordier du glacier de Gruben s' est reformé en 1928 et s' est vidé sans débâcle en automne, bien qu' il ait été anormalement rempli. Voici quelques données recueillies par les Forces motrices de l' Oberhasli: 13 VI 1e lac contient 100,000 m.3 environ; son niveau est encore a 10 m.
sous le rebord de sa falaise glaciaire; 18 VII le lac contient 250,000 m.3; 28 VII il contient 400,000 m.3; en août il déborde et atteint le 21 août 500,000 m.3; 28 VIII le niveau a baissé de 1 m .; dès lors l' évacuation se poursuit jusqu' au début d' octobre où elle est complète.
A l' Unteraar, le recul a persisté. Le 7 septembre son front était très en arrière de l'«Abri Vaudois » et un nouveau portail s' y dessinait. L' Abri lui-même, noyé par les eaux glaciaires et laissé obstrué de gravier, est devenu inutilisable. Deux cryocinémètres ancrés dans le talus frontal à l' endroit accoutumé et à une dizaine de mètres l' un de l' autre, ont indiqué une vitesse moyenne de 0,7 cm./] ., valeur de décrue incontestable.Voici maintenant les précieuses mensurations de la Compagnie des F. M. O., qu' elle nous autorise obligeamment à reproduire ici.
Tableau X. Glacier d' Unteraar.
Mensurations de la Compagnie des Forces motrices de l' Oberhasli.
AltitudeVariation du niveauVitesse superficielle en m/an en mmoyen, en m/anmoyennemaximum 1925/26 1926/27 1927/28 1926/26 1926/27 1927/28 1925/26 1926/27 1927/28 Mieselen: 2420 -1,5 3,5 -1,7 36,8 40,0 38,8 52 54,5 52,6 Pavillon Dollfus: 2290 -0,4 -1,35 -1,45 34,3 37,3 43,7 45 48 54 Brandlamm Sup.: 2130 —0,1 —1,7 —0,4 20,2 14,0 18,0 27 21 25 Brandlamm Inf.: 2020 0,9 -0,4 -2,4 6,8 9,4 5,7 10,5 13 8,5 On voit que le niveau du dissipateur glaciaire a baissé notablement partout, sauf sur le profil Brandlamm Supérieur où la dénivellation n' atteint pas 0,5 m ., révélant pour ce profil un exhaussement relatif que l' ablation intense de l' été ne parvient pas à masquer. D' ailleurs tant sur ce profil que sur celui du Pavillon, on observe une accentuation des vitesses moyennes et maximum. L' examen du tableau XIX montre aussitôt la progression, d' amont en aval, d' une sorte d' onde d' accélération; la vitesse était maximum dans le profil supérieur ( Mieselen ) en 1927 et sur le profil Pavillon en 1928, tandis qu' un minimum, noté en 1927 dans le profil Brandlamm Supérieur, s' observait, en 1928, sur le profil Inférieur.
La vitesse s' est uniformisée sur le profil Mieselen; elle s' est, d' autre part, accentuée, relativement, à l' extrémité droite du profil Pavillon. Sur la moitié droite du profil Brandlamm Supérieur et notamment au milieu, la répartition des vitesses se traduit par une ondulation de la ligne où trois saillies encadrent deux minima relatifs. On voit donc que si la marche d' un glacier composite est bien, en première approximation, celle d' un courant unique, il s' en faut que les inégalités de mouvement s' effacent complètement. On le savait pour les glaciers en nappe des régions polaires; les mensurations de l' Unteraar nous l' apprennent pour un glacier étroit, du type alpin.
J' extrais les données concernant les glaciers du Grindelwald du rapport de l' ingénieur Blumer à la Commission. Les mensurations sont de la fin d' août 1928.
Glacier Supérieur. Le glacier a abandonné encore 3550 m.2, dans un recul moyen de 9,3 m. L' amaigrissement favorisé par l' été exceptionnel de 1928 a fait de tels progrès qu' à la fin de juillet on a vu — ô surprise 1 — poindre la paroi de rochers abrupte qui rompt la pente sur l' axe longitudinal du lit glaciaire et que la crue avait peu à peu noyée sous des mètres de glace. Cette brèche s' est élargie dès lors avec une rapidité déconcertante, comme en témoigne une belle série de photographies prises par M. Kaufmann et dont nous reproduisons les plus typiques. MM. Lütschg et Mercanton se sont rendus le 18 novembre sur l' emplacement de la bande rocheuse nivelée jadis par MM. de Quervain † et Lütschg pour étudier l' érosion éventuelle par la crue attendue. Mais le glacier n' avait pas encore complètement abandonné le terrain envahi et les opérations prévues doivent être différées encore. Le lagot bordier s' est notablement étendu.
Dès 1924 on avait suivi d' années en années la marche d' un gros bloc sis sur l' axe de la langue; ce bloc est parvenu maintenant au terme de sa course à la vitesse de 12,9 cm./j.
Le cryocinégraphe a livré ses derniers résultats que le tableau XX donne en regard de ceux de 1927: la décroissance des vitesses est évidente.
Il n' y avait plus grand' chose de nouveau à attendre de l' instrument, coûteux à entretenir; il a donc été supprimé mais seulement après qu' on eut, par une expérience « à blanc », vérifié que ni la perche d' ancrage ni le long fil de liaison n' avait affecté les mesures d' erreurs sensibles. L' ensemble de ces constatations cryocinégraphiques, nouvelles pour la glaciologie, fera l' objet d' un mémoire de la Commission des glaciers par les soins de M. Lütschg, leur promoteur.
Glacier Supérieur du Grindelwald. Vitesses moyennes au front en cm./j. Tableau XX.19271928 Janvier7,26,0 Février7,56,7 Mars8,97,5 Avril 14,411,8 Mai 18,115,5 Glacier Inférieur. Le lobe droit du front a avancé de 1,2 m. en moyenne, recouvrant 80 m2 de terrain; le lobe gauche en a envahi 320 dans une avance de 4 m. Le glacier a quelque peu bousculé ses moraines et refoulé notamment les gros blocs de sa rive droite. On ne pouvait songer à traverser le glacier à son extrémité même, trop fortement enflée. Dans la gorge au contraire, le recul a prédominé, ramenant le talus quelque 70 m. en arrière.
Sur le profil longitudinal il y a eu baisse de l,0 m. pour le segment de 380 m. en amont de la transversale I. Il y a eu relèvement au contraire sur tout le reste du profil: segment I—II + 0;1 m .; segment II—III + 0,7 m .; segment III—IV + 1,1 m ., enfin + 0,4 m. pour le segment de 200 m. en aval de IV. Le relèvement moyen du profil axial a donc été de 0,3 m. Le profil présentait en outre des alternances de surrection et de dépression, mais ces indentations qui existaient en 1927 aussi sont maintenant décalées vers l' aval par rapport à celles-ci et même souvent jusqu' à être en opposition de phase avec elles. Ces indentations semblent donc s' être propagées vers l' aval et figurer une vraie onde de déformation, en marche.
Le glacier de l' Eiger ne se termine plus par une falaise au-dessus du précipice, mais à 10 m. en arrière.
Le glacier qui descend de l' Altels vers la vallée de la Kander et qui a donné lieu le 11 septembre 1895 au terrible éboulement que l'on sait, a éveillé récemment de nouvelles inquiétudes: durant l' été 1927, le guide Künzi de Kandersteg avait signalé l' apparition et l' élargissement rapide d' une crevasse en arc apparue sur le flanc gauche du glacier, tandis que, un peu plus bas, un bourrelet de glace se dessinait. L' alarme ainsi donnée aboutit à des mesures de surveillance de la part des autorités. Tandis que le Service topographique fédéral mettait en œuvre la photogrammétrie aérienne, M. Walther, ingénieur en chef à Thoune, accompagné d' un photographe, établissait sur la rive gauche du glacier un dispositif de repérage et inaugurait une surveillance régulière de la région. En été 1928 aussi, la Commission des glaciers chargeait son membre, M. Jost, de visiter les lieux, que le chroniqueur a pu survoler également le 31 août 1928. Toutes ces constatations ont confirmé la bénignité de l' acci et la vanité des appréhensions qu' il suscitait. « Les Alpes » ( n°ll, 1928 ) ont déjà exposé le cas en détail par la plume du Dr Jenny et je me borne à le résumer: A 3200 m. d' altitude, soit 400 m. encore sous le sommet et au côté gauche du glacier, une tranche de celui-ci s' est décollée de son lit sur une largeur de 180 m. par une crevasse arquée vers l' amont. Ce lambeau de 25,000 m2, épais de 18 m. en moyenne, a glissé vers l' aval et en bloc d' une vingtaine de mètres, mais la partie inférieure du glacier ( qui en 1895 déjà n' avait pas bougé ) étant restée immobile a obligé la masse mouvante à se surimposer à elle en y formant un faux-front sous l' espèce d' un bourrelet crevassé en tous sens et haut de 8 m. Les mensurations faites régulièrement depuis une année ont montré que cette masse ne se mouvait actuellement pas plus vite que le glacier Inférieur qu' elle avait tenté d' escalader.
Pourquoi ce décollement partiel du glacier de l' Altels dont le lit rocheux, lisse, s' y prête d' ailleurs plus spécialement? Réchauffement du lit? mais l' été 1927 n' a pas été anormalement chaud. Accumulation locale de matériel glacé et déformation brusque consécutive? C' est difficile à dire. Quoiqu' il en soit il ne semble pas que l' événement doive avoir des suites fâcheuses, mais la surveillance continuera.
III. Bassin de la Heuss.
Tableau I. Variations, en mètres, en Glaciers1926 19271928 Firnälpli E12812,5 Griessen6224 Kartige1967 Wallenbühl ( Voralp ).. .71,5811 Kehlefirn14,5717,5 Schlossberg14,5 2,56,5 Hüfi5 84 Brunni1194,5 Schiessbach32,52831 Damma1310,54 St-Anna110,5 Tiefen7,55 IV. Bassin de la Linth.
Sulz31,5 Clarides — 340En outre, le Firnälpli W est en décrue, le Glärnisch aussi.
Les glaciers d' Uri continuent, par les soins de notre collège Oechslin, à nous offrir le plus instructif tableau des fluctuations d' un groupe naturel de glaciers de dimensions modestes et la valeur synoptique de tels contrôles est considérable.
Le front du Schlossberg a reculé de 19,5 m. à droite et avancé de 13 m. à gauche. L' extrémité frontale est recouverte d' un bandeau morainique.
On admettait jusqu' ici que la langue du Brunni avait une grande épaisseur terminale; l' observation a révélé en 1928 que celle-ci ne dépassait pas 10 à 20 m ., le glacier coiffant le rocher d' une nappe plutôt mince. Le côté gauche du Kartigel s' est beaucoup crevassé. L' extrémité du Schiessbach s' étend, en lame mince aussi, sur une pente rocheuse accentuée; son recul n' en est rendu que plus facile. Le glacier a abandonné sa moraine frontale de 1926 et a laissé en reculant un champ de cailloux uni. A en juger par son appareil morainique frontal, le recul du Kehlefirn a été coupé de retours offensifs: il a abandonné en effet de petites moraines à 15, 19, 30 et 35 m. de la frontale de 1927; ces vestiges se reconnaissent bien à ce que les dalles de gneiss y sont dressées comme dans une clôture faite de main d' homme.
Le Damma a avancé de 11 m. sur la droite de son front et reculé de 15 m. sur la gauche. Au Saint-Anna, l' extrémité du glacier et sa laisse ont été balayées par une avalanche printanière énorme et qui a rasé la moraine frontale encore bien visible l' automne précédent. Au Tiefen, 1a couche de glace supérieure qui en 1927 avait glissé sur celle du fond a succombé presque entièrement à l' ablation. Une rangée de gros blocs se dressent entre la langue et le rocher Albert Heim.
Seul le glacier de Wallenbühl ( Voralp ) est en crue, avec une avance maximum de 21 m. Le front est bombé, le portail, double en 1927, est maintenant unique et très imposant.Oechslin. ) Le Firnälpli W a beaucoup maigri.
Au Glärnisch, 1e Kalttälifirn est séparé du glacier en amont par du rocher nu, ce qui ne s' était plus vu depuis 1921. La surface frontale du glacier s' est abaissée de 3 m. environ. Au Claridenfirn, la béance des rimayes et l' affais de leur lèvre inférieure prouvent celui du névé; cependant vers 2900 m ., on remarque un gonflement très apparent.Streiff-Becker. ) Grâce aux efforts de M. l' inspecteur en chef Enderlin et de son personnel, les glaciers grisons nous fournissent les nombreuses constatations que voici:
V. Bassin du Rhin.
Tableau I. Variations, en mètres, en Glaciers192619271928 Sardona9216 Piz So111,514,5 Punteglas52,511,5 Ober-Segnes56Vorab96,5Lauaz55,510,5 Tambo1011 Zapport11 1410 Porchabella814,5 Paradies72121 Uertsch515 Verslankla3010 Lenta1015 VI. Bassin de l' Inn.
Morteratsch998 Roseg3234,524,5 Jenaisch413,58,5 Lavin4,55,517 Lischanna28,5265,5 Schwarzhorn2 22,5 Picquog11,510,516,5 Tiatscha29,557VII. Bassin de l' Adda.
Forno5 Palü4,55 Albigna3,58 Bondasca150 Cantone64 Tableau XXII ( suite ).
VIII. Bassin du Tessln.
Variations, en mètres, en Glaciers Rossboden
Muccia
Bresciana
Basodino
1926 1927 1928 12 - 34 - 4,5 15 -(111,528,5 50,534 79 En decrue: Cengalo.
Le Lavaz recule sur une pente abrupte et prend l' aspect d' un glacier suspendu. L' allongement de 57 m. du Tiatscha est donne par les forestiers comme douteux, la fonte complete des neiges en 1928 a montre, sous le revêtement morainique frontal, de la glace insoupçonnee en 1927. ( Vital. ) La langue du Basodino, comme celle du Bresciana, s' est amaigrie.
Le front du Cengalo est rendu inaccessible aux mesures directes par les chutes de pierres, mais le glacier a certainement recule de quelques metres. D' apres le guide Klucker † tous les glaciers de la Haute-Engadine etaient anormalement crevasses dans leurs regions superieures. ( Vogt et Meisser. ) Le tableau XXIII recapitule toutes ces observations. Tableau XXIII.
Bassins Nombre de glaciers observes en erue statiannaires en décrue Rhone...
41 16 6 3 4 1 31 12 Aar
Reuss
13 3 12 8 6 4 1 0 2 2 0 0 0 0 0 0 1 0 12 3 10 6 5 4 Linth
Rhin.
Inn
Adda
Tessin
Totaux
103 14 6 83 % en 1928
14 22 5 7 81 71 % en 1927
Différences en %
— 8 — 2
+ 10
Donc, en 1928, de 100 glaciers des Alpes suisses, 14 seulement etaient en crue, 5 etaient slationnaires et 81 etaient en decrue. Le régime de decrue prevaut donc completement.P.L. M.