La Jungfrau
Vue de la Wengernalp. Par E. L. Budry.
Reine de l' Oberland, ô Jungfrau, noble cime, Qui pourrait dignement célébrer ta beauté, Ton aspect à la fois gracieux et sublime, Ta souveraine majesté!
10 Les rochers, à ta base, en assises puissantes, Dressent leur masse énorme et leurs parois géantes. Nul gazon ne revêt leur sombre nudité. Plus haut, c' est le glacier qui suspend sur tes pentes Ses créneaux de séracs, ses crevasses béantes Et coule sur tes flancs comme un fleuve argenté; Plus haut, c' est la blancheur des neiges éclatantes, C' est un monde sans tache où tout est pureté; Plus haut, c' est le sommet, c' est l' arête suprême, C' est le front de la Vierge au brillant diadème; Heureux qui peut l' atteindre et qui, victorieux, Voit de là tout un monde étalé sous ses yeux.
En tout temps, ô montagne, on t' admire et l'on t' aime Et tes aspects divers font battre notre cœur.
Tantôt sous un ciel clair, ô Vierge radieuse, On te voit rayonner au soleil de midi Et de ton Silberhorn la coupole neigeuse, Eblouissante et pure, à nos yeux resplendit.
Tantôt sous un dais sombre et dans un jour de brume, L' arc tout à coup illuminant le val Dessine sur tes rocs un porche triomphal.
Tantôt c' est l' alpengliibn dont le baiser allume Une vive rougeur sur ton front virginal.
On t' aime quand, la nuit, sous un rayon d' étoile, Confuse et vaporeuse à peine tu parais, Quand sous un blanc nuage, étendu comme un voile, Tu dérobes ta face aux regards indiscrets.
On t' aime quand, paisible, en ta beauté sereine, Tu sembles nous sourire, ô Vierge, et nous t' aimons Quand le noir ouragan sur tes flancs se déchaîne, Quand l' avalanche gronde en sa chute soudaine Et roule dans l' abîme et fait trembler les monts.
Que tu sois gracieuse ou terrible, ou sauvage, Glorifiant toujours le grand Dieu créateur, C' est la Patrie en toi dont nous voyons l' image, Et c' est elle par toi qui parle à notre cœur.