Ascension de la face sud du Täschhorn
Avec 3 illustrations ( 30—32Par Georges de Rham
L' attention du monde alpiniste a été attirée sur la face sud du Täschhorn par l' histoire de la mémorable ascension, la première, réalisée en 1906 par V. J. E. Ryan et G. W. Young avec Josef et Franz Lochmatter et Josef Knubel. Dans l' admirable récit qu' il en a donné 1, G. W. Young a immortalisé l' exploit par lequel Franz Lochmatter sauva presque miraculeusement la caravane d' une situation qui semblait désespérée.
En 1942, au cours d' une ascension de ce beau sommet par l' arête du Diable avec descente par l' arête sud-est, je recueillis quelques aperçus singulièrement suggestifs sur cette face prodigieuse, et, bien que mêlé d' appré, le désir de voir de près ces dalles et ces couloirs enchevêtrés devint irrésistible. Un plan séduisant fut mis sur pied, que j' espérai réaliser encore le même été avec mon ami Alfred Tissières, le compagnon idéal pour ce genre d' entreprises. Ce plan consistait d' abord, pour atteindre Zermatt, à passer par le sommet de la Dent Blanche en y montant par l' arête nord. Si cette première course réussissait et si les conditions restaient favorables, nous ose-rions ensuite nous attaquer à la face sud du Täschhorn. Nous partîmes, mais le mauvais temps et une forte chute de neige nous contraignirent à faire demi-tour déjà à Bricola, et les projets furent remis à l' année suivante.
Le 7 août 1943, nous sommes à Zermatt, Alfred Tissières et moi, avec deux autres amis: André Roch, l' explorateur, alpiniste et guide bien connu, et Gabriel Chevalley, étudiant en médecine comme Tissières et comme lui grimpeur agile et très sûr. Nous venons de réussir plusieurs grandes courses, en particulier la seconde ascension de la Dent Blanche par l' arête nord suivant l' itinéraire I. A. Richard-Jos. Georges. La neige fraîche a disparu des versants sud. Le vent souffle du nord, la température est basse et le baromètre monte. Toutes les conditions jugées nécessaires à une entreprise telle que la face sud du Täschhorn sont réunies. Aussi est-il décidé de mettre à exécution le projet caressé depuis une année. Nous montons au-dessus de la Täschalp et installons nos tentes sur la moraine droite du glacier de Weingarten où nous passons la nuit.
Dimanche 8 août, la sonnerie d' une montre-réveil me tire du sommeil à 2 heures. Je hèle mes amis qui dorment dans une autre tente. « Ohé, debout! » Il y a du brouillard, et même avec la lampe électrique on n' y voit rien. Dans ces conditions, ne faut-il pas attendre encore une heure ou deux? Notre hésitation n' est heureusement pas de longue durée, car le brouillard se déchire et laisse entrevoir un ciel tout étoilé: le beau temps semble assuré. Tissières allume le feu, chauffe le lait que Chevalley a eu la bonne idée de monter la veille de la Täschalp et prépare le porridge; avec une boîte de confiture, c' est notre petit déjeuner. A 3 h. 30 nous partons, emportant 1 Geoffrey Winthrop Young: Nouvelles escalades dans les Alpes ( Editions Victor Attinger ), pp. 133—169.
seulement trois sacs aussi légers que possible, deux piolets, pas de crampons, mais quelques pitons avec des mousquetons et des marteaux. Une lanterne à bougie à la main, André Roch nous conduit dans l' obscurité parmi les gros blocs de la moraine et sur le glacier. Les crevasses nous obligent à faire de nombreux détours et parfois quelque acrobatie sur des lames de glace.
Tout en cheminant, mes pensées se reportent vingt ans en arrière: en août 1923, à la même heure et peut-être le même jour du mois, avec d' autres compagnons, nous nous dirigions vers le glacier des Nantillons; nous étions quatre jeunes alpinistes passionnés et fort peu expérimentés, attirés par le prestigieux Grépon. Mon esprit était surexcité comme aujourd'hui; l' entre réussit, mais elle représentait la limite de nos possibilités. Maintenant, je pressens que la tâche qui nous attend est aussi à la limite de nos moyens. Que nous réserve la journée? N' est pas présomptueux d' espérer réussir cette ascension dont un Franz Lochmatter a dit, en réplique à l' un de ses compagnons lui affirmant qu' il ne ferait jamais rien de plus difficile: « Non, on ne pourrait guère faire beaucoup plus »? Pourtant, depuis 37 ans, l' art et la technique de l' alpinisme se sont tellement développés que la situation est transformée, et puis j' escompte que la montagne se trouve dans des conditions particulièrement favorables, beaucoup plus favorables que lors de la première ascension.
Lorsque le jour apparaît, nous atteignons la cuvette de la branche nord du glacier de Weingarten et nous nous dirigeons vers le contrefort rocheux du flanc sud-sud-ouest du Täschhorn. A 5 h. 15, la rimaye est franchie et l' attaque commence immédiatement. Nous formons deux cordées: Roch part en tête avec Tissières et, derrière Chevalley, je ferme la colonne. Dès le début, les rochers sont malaisés, imbriqués vers le bas. Nous obliquons à droite, puis des vires nous ramènent sur la crête du contrefort par où se poursuit l' escalade. Roch mène avec fougue et l' allure est rapide, un peu trop à mon gré. Plus haut, nous hésitons à obliquer de nouveau à droite, mais finalement nous grimpons à gauche de la crête du contrefort et tout près de celle-ci. Les rochers consistent en dalles très raides, souvent recouvertes de petits cailloux, et toujours imbriquées vers le bas. Près de l' épaule neigeuse formant le sommet du contrefort, ils se redressent et forment un surplomb. Après une vaine tentative de le surmonter directement, Roch change de tactique. Emportant le piolet de Tissières, il oblique franchement à gauche et aborde une pente de glace où il se met à tailler des marches. La glace est dure et la pente fort raide. C' est pour moi l' occasion d' un court mais bienfaisant repos. Afin que Chevalley puisse être assuré aussi, nous réunissons nos deux cordées. A 9 h. 40, Roch a fini la taille de la pente de glace qui l' a conduit sur l' épaule neigeuse où nous sommes tous réunis à 10 heures.
De bon matin, une immense mer de brouillard, atteignant le niveau de notre campement, recouvrait la vallée de Zermatt. Au lever du soleil, des nuages très élevés sont devenus rouges bien avant les sommets, puis le Cervin s' est mis à fumer vers le sud et le ciel s' est blanchi. Une journée froide est à prévoir, je m' en réjouis parce que cela écartera le danger des chutes de pierres et de glaçons.
La crête neigeuse de l' épaule va buter contre le corps de la montagne. Nous passons au-dessous d' une grosse corniche penchée sur le versant est. Un couloir monte à droite de l' épaule et continue jusqu' au pied d' un grand mur vertical dominé par les corniches de neige de l' arête du Diable. Il est au premier abord assez engageant, mais un examen attentif me convainc qu' une tentative de rallier cette arête serait vouée à l' échec. Il faudra traverser le couloir et monter obliquement à droite pour rejoindre le grand dièdre dans l' axe du sommet. On devine, plus haut, de l' autre côté du couloir, une vague fissure au fond d' un dièdre oblique et obtus formé par l' inter d' une dalle très inclinée et de la paroi supérieure verticale; elle semble offrir le seul espoir d' un passage.
C' est bien là que Roch se dirige. Après être monté d' une longueur de corde sur la rive droite du couloir, il le traverse en taillant des marches dans la glace, escalade les rochers de la rive gauche et attends Tissières pour être assuré avant d' effectuer une traversée à droite, fort exposée, jusque dans la fissure. Chevalley et moi traversons aussi le couloir, puis nous devons attendre longtemps, accrochés à des prises minuscules, pendant que Roch travaille inlassablement dans la fissure. Nous ne pouvons le voir, mais de temps à autre nous l' entendons dire: « C' est mauvais, c' est très mauvais. » Je souffre du froid et je regrette de ne pas avoir emporté des vêtements plus chauds. Chevalley me donne des fruits que je mange avec plaisir. Soudain, je l' en pousser une exclamation de désespoir; instinctivement je me cramponne au rocher, prêt à subir la brusque tension de la corde au cas où il aurait lâché prise... Mais le choc ne se produit pas, Chevalley n' a pas lâché prise, il n' a lâché que son sac qui tombe dans le couloir et disparaît. Je suis soulagé de voir que mon compagnon n' est pas tombé, tandis qu' il est navré d' avoir perdu son sac. Pour le consoler, je lui promets qu' au retour nous inspec-terons la base de la montagne et, qui sait? nous retrouverons peut-être ce beau sac tout neuf dont il était justement fier. En fait, hélas, nous ne devions jamais le revoir!
Enfin l' ordre nous vient de monter. La fissure est haute d' au moins 20 mètres; elle est remplie de glace dans laquelle le leader a taillé des encoches; là où c' était possible, il a posé des pitons. Etant le dernier, je les ramasse en montant aussi vite que je peux. Après la fissure, une dalle, une arête penchée à droite, une cheminée avec des surplombs et une courte traversée avec redescente à droite nous amènent dans un terrain plus facile. Roch éprouve alors le besoin de manger quelques aliments. Comme il a fourni un effort considérable en menant sans relâche, j' ai cru devoir lui crier que, quand il en aurait assez, un autre pourrait prendre sa place. Mais à peine l' ai rejoint qu' il repart avec les pitons que j' ai rapportés. Je n' insiste pas, sachant que si je passe devant, la progression sera plus lente, tandis qu' il n' y a pas de temps à perdre. D' autre part, je ne trouve pas du tout désagréable de monter le dernier, bien assuré, ayant vu en regardant mes compagnons comment passer avec le minimum d' efforts. Et le froid m' a un peu engourdi.
La traversée ascendante se poursuit par des vires et des gradins jusqu' au grand dièdre dans l' axe du sommet. Il est 13 h. 15. La brume nous enveloppe complètement; comme le Cervin, le Täschhorn s' est mis à fumer. Des remous du vent du nord arrivent jusqu' à nous. Le givre se dépose sur les rochers, sur nos vêtements, il blanchit les cheveux et les sourcils de mes compagnons. Je grelotte. L' atmosphère glaciale déteint sur le moral de la cordée, toute velléité de rire et de plaisanterie a disparu depuis longtemps. Nous sommes saisis par la sévérité, la méchanceté de ces parois rocheuses qui ne présentent que des surplombs où pendent de gigantesques stalactites de glace.
Roch, qui n' a pas répondu à ma proposition de le relayer, attaque résolument le dièdre et s' élève d' environ 20 mètres. Puis il s' arrête et dit: « Il faut que de Rham passe devant, j' ai des crampes, mes mains se ferment et je ne peux plus les rouvrir. Mais ça doit aller. » Alors nous changeons la disposition des cordes. Il convient en effet que la corde soit double entre les deux premiers et simple entre les suivants. L' intervalle d' attache est de 20 à 25 mètres. Je laisse mon sac à Chevalley et je fixe à ma ceinture un marteau, des pitons et des mousquetons. Enfin tout est prêt, je peux partir et je rejoins Roch. Avec une voix d' une douceur étrange, il me demande comment ça va. Je lui réponds que ça va bien, sans lui dire que je suis transi. Malgré l' inconfort de sa position, il accepte d' y rester aussi longtemps qu' il faudra, sa patience semble sans limite. Je remonte l' angle dièdre, qui devient surplombant, jusque sous un grand plafond où pend une forêt de glaçons. Il faut les casser, ce qui n' est pas sans danger pour mes compagnons. Seul Chevalley en reçoit un qui, heureusement, ne lui fait pas trop de mal. Le plafond est impossible a surmonter, mais en me transportant horizontalement de deux mètres à droite, je pourrais m' échapper en gagnant le dessus d' une sorte de toit. Le passage est tellement exposé et risqué que je n' ose pas m' y lancer avant d' avoir fixé un solide piton d' assurage, de manière à parer aux fâcheuses conséquences d' une chute éventuelle. Mais cela n' est pas facile, les fentes s' élargissent lorsque le piton s' y enfonce et la roche se désagrège. Enfin, après un long et malaisé travail, trois pitons sont posés. J' espère qu' à eux trois ils tiendraient en cas de chute et j' eutre la traversée. Horreur! La première prise repérée se révèle illusoire, ce n' est qu' un morceau de roche détaché. En m' allongeant davantage, je peux saisir la seconde prise qui est heureusement solide, et je me rétablis sur le toit où les semelles de caoutchouc permettent d' adhérer. Encore quelques pas et le passage est franchi.
Ne trouvant pas de point d' appui naturel pour assurer mes compagnons, je fixe encore un piton. Chevalley monte avec un sac et un piolet, puis c' est le tour de Roch, et lorsque Tissières arrive en récupérant tous les pitons, sauf un seul qui est abandonné pour les éventuelles caravanes futures, je suis déjà reparti et à bout de corde. Il est 15 heures passé, il faut nous hâter. Plus haut, nous sommes ramenés dans l' axe du dièdre. Puis nous devons franchir un mur vertical, avec des prises minuscules, peu solides et déversées; les mains sont tantôt insensibles à cause du froid, tantôt affreusement douloureuses, les extrémités des doigts étant écorchées par le rocher; malgré l' assurance douteuse offerte par un piton branlant, le passage de ce mur me paraît terriblement exposé. J' ai l' impression d' être trop lent, je voudrais aller plus vite. Mais en imaginant les conséquences de la moindre faute, je réalise que le temps ne compte pas et que la seule chose qui importe est de passer sans tomber.
Plus haut, je repars encore à droite de l' axe du dièdre, espérant atteindre une zone moins raide. Mais la paroi surplombe toujours à nouveau, et au-dessus du surplomb, au lieu du replat désiré, il n' y a que la simple verticalité. Mal engagé, je suis sur le point de redescendre pour retourner dans l' axe du dièdre, lorsque j' aperçois, plus bas à droite, une fissure glacée qui, me semble-t-il, permettra peut-être de rallier l' arête sud-est. Chevalley s' y engage pendant que je peux l' assurer d' en haut, il disparaît derrière un angle de rocher et après un certain temps, nécessaire pour franchir une gorge difficile, il nous crie: « Je crois qu' on peut sortir. » Gonflé d' espoir, je le rejoins aussitôt. Il avait raison: une rainure dans du rocher désagrégé jaune orange m' amène sur la côte de l' arête sud-est. On devine à travers le brouillard la tour sommitale qui semble toute proche. Mais, vu l' heure avancée ( déjà 17 h. 35 ) et l' incertitude de la descente par l' arête sud-est, avant même de m' avoir rejoint, d' un ton grave et ferme, Roch propose de renoncer à la visite du sommet pour descendre immédiatement. Je m' associe à sa proposition, en réalité non sans regrets: j' aurais voulu franchir et mesurer la courte distance nous séparant du sommet. Mais j' ai conscience d' avoir conduit trop lentement la dernière partie de l' escalade, et avec Chevalley nous avons parfois perdu un temps précieux à démêler les cordes que nous avions maladroitement embrouillées. Roch a eu la gentillesse de ne laisser percer aucune marque d' impatience, je me sens obligé en échange de m' associer à sa proposition, d' autant plus qu' avec la brume et le froid présents cette visite sommitale ne nous donnerait aucun agrément et serait parfaitement vaine.
Après avoir ingurgité quelques aliments et boissons, nous commençons la descente, formant deux cordées comme le matin. La brume se dissipe, l' Alphubel, le Mont Rose, le Cervin, le Weisshorn, une multitude de sommets et de glaciers apparaissent à perte de vue, bientôt colorés par un glorieux soleil couchant. La nuit nous surprend sur la branche nord du glacier de Weingarten, mais un clair petit croissant de lune facilite notre marche à travers les gros blocs de la moraine jusqu' au campement que nous atteignons à 22 heures.
C' était la troisième ascension de cette face. La deuxième avait été réalisée par les guides de Zermatt Alexander Taugwalder et Karl Biner, le 28 juin 1935, et la quatrième, la dernière à ce jour, a été réussie par les alpinistes genevois René Aubert, René Dittert et Francis Marullaz, le 17 août 1943 1.
1 Cf. Guide des Alpes Valaisannes, vol. III b, par Marcel Kurz, p. 382. André Roch: Les Michabel-Täschhom ( Akademischer Alpen-Club Zürich, 48. Jahresbericht 1943, pp. 21—31 ).
René Dittert: La face sud du Täschhorn ( à paraître dans Alpinisme ).
Notre itinéraire ne semble différer de celui des premiers ascensionnistes que dans sa section moyenne. La célèbre cordée Ryan-Young-Lochmatter-Knubel quitta en effet la crête du contrefort au-dessous de l' épaule neigeuse qui en forme le sommet, pour franchir le couloir et entreprendre la traversée ascendante qui les conduisit au grand dièdre dans l' axe du sommet. Dans la partie supérieure, à l' endroit où il fallut casser les glaçons, nous croyons avoir reconnu le passage décrit par G. W. Young ( loc. cit. p. 148—166 ), passage qui fut alors franchi en tête par Franz Lochmatter, en souliers à clous, sans pitons, pendant qu' il neigeait. Même avec les ressources de la technique moderne, pitons, mousquetons et semelles de caoutchouc, et bien que les rochers fussent secs, j' avoue qu' il m' a paru d' une très grande difficulté.
Les guides de Zermatt, ainsi que les alpinistes genevois, suivirent un itinéraire sensiblement différent. Quittant plus tôt la crête du contrefort, ils effectuèrent la traversée ascendante à droite plus bas et la poursuivirent plus loin que les premiers ascensionnistes. Puis ils escaladèrent la partie supérieure de la muraille à droite du grand dièdre, entre celui-ci et l' arête sud-est. Les quatre caravanes sortirent sur cette arête non loin du sommet.
Dans une face comme celle-là, où il y a tant de couloirs et de fissures, il est difficile de décrire un itinéraire avec une précision suffisante pour qu' aucune équivoque ne soit possible. Deux semaines après notre ascension, nous eûmes l' occasion, Tissières et moi, de retourner au Täschhorn. En montant depuis le Mischabeljoch, nous avons reconnu sans erreur possible l' épaule neigeuse et le dièdre sommital, mais, sur le trajet les reliant, nous n' avons pu identifier aucun point de repère. Nous avons évalué à une cinquantaine de mètres la distance séparant du sommet l' endroit où nous étions sortis sur l' arête sud-est.
Comme aux premiers ascensionnistes, les chutes de pierres nous furent épargnées, tandis que les guides de Zermatt et surtout les alpinistes genevois y furent sérieusement es posés. A mon avis, cette différence tient un peu aux itinéraires choisis et beaucoup aux conditions météorologiques. Je pense que nous avons bénéf cié d' une journée exceptionnellement favorable et que, par un jour de beau temps sans brouillard, le soleil réchauffant la paroi et y provoquant le dégel, les chutes de pierres seront toujours fort redoutables. En ajoutant à cela le manque de solidité de la roche qui est dans un état de désagrégation assez avancé, on s' explique l' impression de danger ressentie par chaque caravane. :< Jamais on n' y mènera des clients », ont déclaré les guides de Zermatt. « On peut trouver plus difficile, mais pas plus traître et dangereux », s' est exclamé André Roch en débouchant sur l' arête sud-est, avec un sentiment de profond soulagement. Et René Dittert a répété ce mot de Josef Knubel, avec lequel je crois que nous sommes tous d' accord: « Une course que l'on ne fait qu' une seule fois dans sa vie. »