Lorsque le risque quadruple Nouvelles conclusions de l’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches (SLF)
Le danger d’avalanches existe lors de chaque course à skis. L’évaluation de 784 accidents d’avalanche et de 20 000 kilomètres de traces GPS a permis de préciser son degré à différents endroits.
Quand on se rend en montagne en hiver, on s’expose au danger d’avalanches. Le risque personnel dépend des pentes que l’on traverse et des conditions. Le seul moyen d’atteindre la sécurité absolue, c’est de renoncer totalement à la course. Mais pour profiter de descentes dans la poudreuse tout en gardant un niveau de sécurité suffisant, il convient d’éviter les pentes dangereuses. Plus on les identifie de manière fiable, plus on cible (et donc on réduit) les cas où il faut renoncer.
Les particularités d’une pente précise doivent être évaluées sur place. Mais avant de se soucier des caractéristiques de cette pente, il faut d’abord connaître le risque auquel on doit s’attendre. En principe, plus le degré de danger est élevé dans une région, plus nombreux sont les endroits où la couverture neigeuse est assez fragile pour qu’une avalanche puisse être déclenchée. Le risque que le déclenchement se produise au moment où l’on traverse une pente augmente donc aussi. Ce danger d’avalanches statistique peut être calculé en divisant le nombre d’accidents par le nombre de passages.
Le degré de danger est important
Dans le cadre d’une étude scientifique1, 784 avalanches ayant entraîné des dommages, répertoriées dans la base de données du SLF, ont été mises en corrélation avec plus de 20 000 kilomètres de traces GPS correspondant à des courses à skis. Ces données ont permis de tirer des conclusions intéressantes: le danger d’avalanches est multiplié par quatre en passant d’un degré de danger au suivant (courbe noire, ill. 4).
Jusqu’à présent, cette incidence a été sous-estimée: on supposait généralement qu’il doublait2.
Le niveau de danger ne s’applique qu’aux pentes mentionnées dans le bulletin d’avalanches en ce qui concerne l’altitude, mais aussi l’exposition. Le risque y est six fois plus élevé que dans les autres pentes. La règle de base selon laquelle le danger est inférieur d’un degré aux autres expositions et altitudes est toujours valable. Les données examinées ont même indiqué deux degrés inférieurs pour les pentes qui ne remplissent aucun des deux critères.
Le problème de la neige ancienne en particulier est redouté, à juste titre: pour le même degré de danger, le risque est une fois et demie plus élevé que pour les autres situations avalancheuses typiques3.
Plus la pente est raide, plus le risque est élevé. Les accidents se produisent le plus souvent dans des pentes dont l’inclinaison est d’environ 36° 4 (courbe orange, ill. 2). Les pentes peu inclinées sont bien plus souvent traversées que celles qui sont raides (courbe bleue). Le risque croît donc fortement avec l’inclinaison (courbe rouge), et ce à tous les degrés de danger.
Le risque augmente avec l’altitude. Le danger d’avalanches monte en flèche entre 1600 mètres et 2700 mètres (ill. 3).
Le risque est supérieur dans les pentes nord, mais pas autant qu’on le supposait jusqu’à présent. Les accidents se produisent le plus souvent dans les pentes nord, mais on y recense aussi plus de passage. Le risque dans les pentes nord (moitié nord, W-N-E) est donc 1,7 fois plus élevé que dans les pentes sud (ill. 1). Au lieu du facteur de réduction «Renoncer au secteur nord» bien trop élevé de la méthode de réduction professionnelle (MRP)5, il est plus judicieux de prendre en compte les expositions indiquées dans le bulletin d’avalanches.
L’évaluation n’est jamais totalement sûre
Les calculs de l’étude se fondent sur des accidents réels qui ont été causés par différentes personnes, débutantes à expertes. Les chiffres montrent que l’évaluation n’est jamais totalement sûre, et que les erreurs augmentent fortement lorsque les conditions sont mauvaises et le terrain défavorable. Idéalement, on choisira donc dès le départ une zone où la situation avalancheuse est favorable. La sécurité y sera plus élevée et on devra moins renoncer. Si l’on est déjà sur le terrain et qu’il faut composer avec les conditions, mieux vaut choisir un itinéraire qui ne passe pas par les expositions et altitudes indiquées dans le bulletin et qui n’est pas trop raide.
On peut évaluer les possibilités envisageables grâce à la méthode graphique de réduction. Ou opter pour la solution de facilité et choisir une course proposée sur la plateforme skitourenguru.ch. Celle-ci calcule le risque statistique d’avalanches à partir d’un nombre encore plus élevé de facteurs, et les itinéraires sont affichés dans une certaine couleur en fonction du risque.
On peut aussi prendre ce risque calculé statistiquement comme valeur de référence pour chaque pente. Sur le terrain, on rassemble les informations et on corrige la valeur de référence en fonction. Plus les informations sont claires et mieux elles peuvent être évaluées, plus on peut les intégrer à l’évaluation. Et en principe, il faut déjà de bonnes raisons pour traverser une pente très raide à l’altitude et à l’exposition critiques en cas de degré «élevé», car les mauvaises évaluations ont été plus fréquentes dans ces pentes qu’ailleurs par le passé.
Un avis au CAS:
Marcel Kraaz*, les nouvelles conclusions sur le risque d’avalanches vous ont-elles surpris?
En 1997, lors du cours d’aspirant-guide, j’ai appris avec Werner Munter en personne que le risque d’avalanches doublait entre un degré de danger et le suivant. Jusqu’à récemment, rien n’avait changé dans cette hypothèse pour moi. Ce quadruplement du risque démontré par cette étude scientifique me surprend donc.
Ces informations ont-elles un impact sur votre comportement?
Je garde comme référence le bulletin d’avalanches et la méthode de réduction graphique pour la planification et sur le terrain. Pour être du «bon» côté, cependant, il faut interpréter avec prudence le degré de danger annoncé dans le bulletin d’avalanches. Pour moi, le quadruplement du danger d’avalanches signifie en tout cas que je fais encore plus attention aux signes sur le terrain et que je suis aussi attentivement l’évolution du danger d’avalanches au fil de l’hiver. C’est la condition pour s’aventurer dans une pente raide par danger marqué en prenant un risque acceptable. Ces nouvelles conclusions signifient aussi que l’étendue du risque au sein des degrés de danger est encore plus grande. Par conséquent, il y a danger marqué et danger marqué.
Que conseillez-vous aux adeptes de sports d’hiver?
Planifier sa course à l’aide des outils de base que sont le bulletin d’avalanches et la méthode de réduction graphique est élémentaire et devrait toujours être effectué. La plateforme skitourenguru.ch, qui se fonde sur les mêmes outils, peut aussi être utile. Les adeptes de sports d’hiver doivent toutefois vraiment comprendre le bulletin d’avalanches et pouvoir adapter leur comportement sur le terrain en fonction. Même pendant la course, le bulletin d’avalanches et la méthode de réduction graphique restent les références. Sur cette base, en combinaison avec l’évaluation de la pente, on peut prendre les bonnes décisions. Et il ne faut pas oublier de toujours écouter ses tripes!
*Marcel Kraaz est chef du domaine Sport populaire au CAS.