Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses
Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses
RAPPORTS ANNUELS
créés en 1880 par F. A. FOREL.
le Dr Paul-Louis Mercanton, professeur à l' Université de Lausanne.
Trente - septième Rapport. 1916, rédigé par
CXXI. Le contrôle du contenu des totalisateurs de précipitations
par l' analyse chimique.
Jusqu' à présent la connaissance du contenu des totalisateurs de précipitations ( système Mougin ) installés en haute montagne a chaque fois exigé qu' on les vidât pour mesurer, en volume ou en poids, ce contenu. Cette vidange et la recharge consécutive du totalisateur en chlorure de calcium, eau et huile de vaseline, est une opération longue, délicate et très onéreuse aussi si on veut la pratiquer fréquemment. C' est pourquoi on se borne généralement à une seule évacuation et recharge par année, à la fin de l' été. De ce fait, le régime saisonnier des précipitations nous échappe complètement et le rendement scientifique de l' installation en est fort amoindri. J' ai suggéré ( XXXVe et XXXVIe rapports, 1914 et 1915, CXVII ) d' améliorer ce rendement en profitant de la présence du chlorure de calcium dans le totalisateur pour déterminer le contenu aqueux de celui-ci. L' augmentation de la quantité d' eau se traduit en effet par une diminution correspondante de la concentration saline. L' analyse chimique volumétrique, à la faveur du procédé de dosage des chlorures si efficacement élaboré par le Dr Mellet, professeur de chimie à l' Uni de Lausanne, fait connaître cette diminution, et par conséquent l' enrichisse de la liqueur en eau, avec toute la précision désirable, en valeur relative d' abord, en valeur absolue ensuite. Le cycle opératoire commence en effet toujours par la mesure exacte de la charge préalable du totalisateur et se termine toujours par celle de son contenu final. Dès lors le processus des contrôles devient le suivant:
On prélève, avec toutes les précautions nécessaires pour assurer l' homogénéité de la solution saline du totalisateur, donc de l' échantillon, quelque 40 à 50 cm3 du liquide. Au laboratoire, cet échantillon, dûment pesé au préalable, est étendu d' eau distillée à la même température ( température du laboratoire en général ) dans des ballons jaugés, au degré de dilution requis par l' analyse. On prélève alors les volumes nécessaires ( 10, 20, 50 c3 ) de la solution diluée et l'on fait la titration dans des capsules de porcelaine par le nitrate d' argent. La concentration de la solution de nitrate peut demeurer indéterminée pourvu qu' elle reste invariable pour toute la série des échantillons prélevés au cours d' une même campagne pluviométrique, du remplissage initial à la vidange finale du totalisateur. L' analyse donne ainsi les titres successifs du chlorure de calcium, en nombres de centimètres cubes de la solution-type de nitrate d' argent nécessaires pour doser 1 gramme ( ou 1 kilogramme ) de l' échantillon.
Théoriquement le calcul des quantités d' eau renfermées dans le mougin à chaque prélèvement pourrait se faire soit progressivement à partir de la charge initiale de l' engin, soit régressivement à partir de son contenu final. L' un des calculs con-trôlerait l' autre et ce ne serait pas le moindre mérite de la méthode. Pratiquement on s' en tiendra au calcul régressif. Pour pouvoir appliquer l' autre mode il faudrait, en effet, qu' on pût prélever un échantillon à l' heure même du remplissage du totalisateur: ceci suppose qu' alors le chlorure de calcium serait entièrement à l' état dissout dans l' eau de remplissage, autrement l' analyse perdrait toute signification. Or, jusqu' ici, pour assurer pendant l' hiver une concentration suffisante de la solution saline, on a toujours mis dans les mougins des masses égales d' eau et de chlorure de calcium et celles-là sont loin de pouvoir dissoudre toutes celles-ci. Il serait certes facile dans bien des cas de diminuer la teneur initiale en chlorure, de manière à en assurer la complète dissolution; on en rajouterait ultérieurement et les conditions requises par la méthode de contrôle chimique seraient remplies dès le début. Pour bien des totalisateurs d' accès difficile et dangereux en hiver cette pratique est malheureusement exclue.
Dans le calcul régressif donc, appelons Pn le poids de la solution ( déduction faite de l' huile ) trouvé à la vidange, pn celui de l' échantillon et Cn leur concentration; appelons Pn_i, pn-i et Cn-i les mêmes grandeurs pour le prélèvement précédent, qui est aussi l' avant. La relation Pn-l = C Pn+Pn Cn—i donne aussitôt Pn! et la différence Pn+pn-.Pn_1 est le poids d' eau emmagasiné par le mougin dans l' intervalle considéré. On en déduira immédiatement la valeur des précipitations recueillies, en centimètres de hauteur d' eau.
Un calcul identique, à partir de Pn_i -f- pn-i et des concentrations Cn—\ et C„_2 donnera PB_2 et le. terme P„_t -f- p„_i — PM_2 pour l' avant intervalle.
Le calcul se poursuivra ainsi de proche en proche jusqu' au premier intervalle dont la précipitation sera donnée par la différence Pi —j—_pi —Po où Po est le poids initial de la solution, poids soigneusement mesuré lors de la recharge du totalisateur.
La précision ( 1 °/«o ) de la titration même, au laboratoire, par la méthode de M. Mellet ne laisse rien à désirer quand on l' applique dans les conditions indiquées par son auteur. Il restait à savoir comment se comporterait le liquide pluviométrique, pendant longtemps emmagasiné sous une couche de l' huile emulsionnable, soumis à des variations de température continuelles, dilué sans cesse par de nouveaux apports soit de pluie soit de neige, en contact avec des parois métalliques altérables, souillé des poussières atmosphériques et des impuretés éventuelles du chlorure de calcirfm. Des essais étaient nécessaires.
Un totalisateur Mougin, obligeamment prêté par le Service fédéral suisse des Eaux, et installé à côté du pluviomètre, à l' Observatoire de Lausanne ( Champ de l' Air ), a fourni les renseignements désirés. Mon ami, M. le professeur Mellet, a bien voulu prendre en mains la partie chimique de ces essais et c' est grâce à sa collaboration dévouée que je puis aujourd'hui énoncer dans ces pages les règles d' application du nouveau procédé.
Il a été fait deux séries d' essais. La première a donné des résultats très encourageants. La seconde a pâti d' une série d' accidents qui lui ont enlevé malheureusement toute portée démonstrative; toutefois les enseignements qui en découlent ne seront pas perdus.
Voici les résultats de la première série ( 1916 ).
IntervallesPluviomètreMouginEcarts 1° 15 II — 2 III1538 gr1568.5 grf 1.9&
Quoiqu' il en soit quelques précautions s' imposent dans la prise d' échantillons. Avant tout on assurera à la liqueur pluviométrique une concentration saline uni- forme; pour cela on lui fera subir un brassage énergique et réitéré, à l' aide d' un bâton ou d' un manche de piolet ( en se gardant d' endommager les bords tranchants de l' ouverture du totalisateur ). On aura soin en outre, de soutirer à plusieurs reprises un peu de liquide qu' on reversera dans le mougin, ceci pour éviter qu' il reste dans le conduit de vidange de la liqueur trop concentrée voire du chlorure non dissout. Le prélèvement se fera après seulement. Je me suis servi avec avantage d' un pot en aluminium rempli après chaque brassage jusqu' à un repère déterminé et dont je reversais ensuite le contenu dans le réservoir. De la sorte si j' avais eu la malchance de répandre quelque peu du liquide il m' eût été facile d' en connaître la quantité exacte. Dans le même esprit je tenais le récipient au-dessus de la gueule du totalisateur pendant le remplissage des fioles d' échantillons. Celles-ci seront d' une vingtaine de cm3 et au nombre de deux, par crainte de la casse. Dès leur retour au laboratoire on en paraffinera le bouchon et le col et on les gardera jusqu' à la vidange pour faire alors l' analyse de leur série entière.
Un dernier point doit retenir encore notre attention: le chlorure de calcium forme avec l' eau une solution pesante sur laquelle une couche d' eau pure pourra flotter longtemps sans se mélanger. Vienne le froid cette couche, à peine minéralisée par la diffusion trop lente du sel sous-jacent, se congèlera. Ainsi s' explique qu' en dépit de l' abondance relative de chlorure on a trouvé trop fréquemment une couche de glace à la surface du liquide. Si on a du temps devant soi on cassera cette couche et on tentera, par un brassage prolongé de mettre ses débris en contact avec assez de sel pour les fondre. Après liquéfaction complète et alors seulement on pourra opérer le prélèvement. Si le temps fait défaut ou si la dilution de la liqueur est déjà trop grande on renoncera délibérément à prendre un échantillon.
Judicieusement appliquée la nouvelle méthode est susceptible de rendre des services considérables à la climatologie alpine. Ne fît on même qu' un seul prélèvement au premier printemps, on pourrait départir les précipitations de l' hiver et de l' été et ce serait déjà beaucoup. C' est pourquoi j' ai cru bon de la faire connaître en détail dans ces Rapports..P.L. M.
CXXII. Les glaciers du val de Bagnes en 1818 d' après quelques documents inédits.
L' iconographie de nos glaciers au début du XIXe siècle est assez maigre, sauf peut être pour les quelques appareils déjà consacrés par le tourisme restreint de l' époque, comme ceux du Grindelwald et du Rhône. Les documents cartographiques sont plus rares encore. Il convient donc de mettre en lumière tous ceux qui peuvent nous renseigner sur l' extension et les particularités de la grande crue de 1818.
La Bibliothèque cantonale et universitaire vaudoise conserve précieusement, parmi les nombreux volumes manuscrits laissés par le pasteur Jean-Siméon-Henri Gilliéron ( 1779—1838 ) le récit d' un voyage poussé jusqu' au fond de la vallée de Bagnes par Gilliéron, un sien frère et le juge Chappuis, du 5 au 11 août 1818. Ce récit emprunte un intérêt particulier au fait que Bagnes venait d' être ravagée ( le 16 juin 1818 ) par la débâcle subite du lac temporaire du Mauvoisin, conséquence de la crue irrésistible du glacier de Giétroz et à ceci également que le manuscrit porte des annotations, corrections et adjonctions de la main même du célèbre Jean-Pierre Perraudin „ l' inventeur de la théorie des glaciers ". F.A. Forel a consacré une notice 1 ) à une addition autographe de Perraudin au récit de Gilliéron, dans laquelle le montagnard formule avec toute la précision souhaitable son idée de l' ancienne extension des glaciers bagnards. Je n' y reviendrai pas, mon but étant seulement de présenter ici au lecteur un dessin à la plume ( fac-similé en demi-grandeur, fig. 1 ) du même Perraudin intercalé entre les pages 42 et 43 du Manuscrit Gilliéron et représentant le glacier de Corbassière en 1818. Ce croquis cartographique porte au dos, de l' écriture de Perraudin, la mention suivante que je transcris en eu respectant l' orthographe et la forme:
„ représentation du glacier de Corbasière situé entre la valée de la Drance et Paréte qui sapare la valée de Lidde et du Bourg St Pierre il peut avoir 4 heures de long et une dimi heure de largeur dans le bas il a sa plus grande hauteur dans la même Sourse que celui du Montdurant et son pied dans les forêt duquel il sort un torrent très considérable qui desend par une gorge tre rocailleuse formant une terrible cascade et se jette dans la Drance à gauche des granges neuves. "
De nos jours le front du glacier est retiré bien en amont de la zone boisée dessinée par Perraudin.
Le manuscrit Gilliéron renferme encore deux croquis dont l' intérêt glaciologique n' échappera à personne. Ils sont dus tous deux à la plume, moins experte que consciencieuse, de Gilliéron lui-même.
La plus importante ( fac-similé aux @@2/3, fig. 2 ) est un plan de situation des divers accidents topographiques qui ont retenu l' attention des voyageurs, torrents,Bulletin de la Société vaudoise des Sciences naturelles, vol. XXXV, n° 132, 1899.
Les variations périodiques des glaciers des Alpes suisses.
ponts, chalets, glaciers, sommets, etc. Ce qui fait la valeur de cette esquisse c' est qu'„elle a été prise sur les lieux mais visuellement et sans que j' en veuille garantir Les fronts des glaciers de Tsesettaz, de Breney, de Montduran, d' Otemma y figurent dans leurs situations par rapport à la Drance. On y voit que le glacier de Tsesettaz déversait ses glaces jusque dans la rivière; que celle-ci coulait sous les glaciers de Breney et de Montduran, enfin que le glacier de Charmotane ( l' actuel glacier de Fenêtre ) soudait ses glaces à celles du glacier de Chanrion ( l' Otemma ) au pied du Mt Gelé. Sans doute les laisses glaciaires de l' époque nous renseignent P.L. Mercanton.
Il y a beaucoup de choses à tirer d' ailleurs de ce dessin et des notes explicatives du manuscrit: Gilliéron remarque que le glacier de Breney a soulevé en bourrelet devant lui la terre végétale et la pierraille qui gênait son avancement; on lui a certifié qu' une vingtaine d' années auparavant ( donc vers 1800 ) le glacier „ se terminait en pointe dans un étranglement à plusieurs cents toises au dessus de la Drance " ( p. 71 ).
Cette rivière coulait sous le glacier du Montduran sur l' espace d' " un quart de lieue " et „ unes ection qui serait faite dans ce glacier immédiatement sur le lit de la Drance serait à peu près un demi-cercle dont le lit de la Drance serait le diamètre " ( p. 92 ). Cette dernière appréciation de Gilliéron est manifestement erronée; elle conférerait au glacier au-dessus de la Drance une épaisseur exagérée. Elle n' en est pas moins à retenir comme un témoignage de l' accumulation que les glaces du Montduran ont du former en butant contre les rochers de Chanrion.
Signalons encore le lac de bordure que le glacier d' Otemma engendrait au bas du pâturage de la même montagne.
Le croquis de détail du glacier de Tsesettaz ( p. 70 ) ( fac-similé en grandeur naturelle, fig. 3 ) est également précieux. Il nous met en présence d' un véritable glacier remanié, alimenté par les glaces déchiquetées qui s' éboulaient du seuil rocheux du cirque de Tsesettaz. „ ( Les débris ) forment une masse de glace semblable à la moitié d' un grand cône coupé perpendiculairement à sa base et dont la section est appuyée contre la montagne la pointe en haut sous le roc qui soutient le glacier et la base en bas sur le lit de la Drance qui le ronge sans cesse. Les deux cascades entrent sous ce cône à quelque distance de sa pointe et leurs eaux sans se montrer au jour viennent se réunir à la Drance. Il est facile de traverser... le dégorgement de ce glacier parce qu' il n' a pas de crevasses, du moins considérables, et que sa surface est recouverte presque partout de pierrailles qui en font une masse noirâtre " ( p. 68 et 69 ).
Depuis longtemps il n' y a plus là que le sol nu; la carte Dufour, en 1861, n' y indique déjà aucune glace.P.L. M.
CXXIII. Bibliographie glaciologique.
L' année 1916 a vu se produire un événement qui touchera sans doute tous ceux que les questions glaciaires intéressent: les résultats de plus de quarante années de „ Mensurations au glacier du Rhône " viennent d' être publiés par la Société helvétique des Sciences naturelles 1 ).
Il ne saurait être question d' analyser ici cet ouvrage dont la valeur documentaire est considérable. Contentons nous d' en indiquer sommairement le contenu: Après une première préface, déjà ancienne, de feu Rütimeyer et une seconde de M. A. Heim ,'président de la Commission des glaciers et consacrées à l' historique des recherches, viennent une dizaine de pages de M. L. Held, directeur du Bureau topographique fédéral, sur les méthodes géodésiques employées au glacier du Rhône. Le reste du volume, environ 150 pages, est de la plume du professeur P.L. Mercanton, chargé par la commission d' élaborer et de rédiger le copieux matériel d' observation recueilli au glacier du Rhône depuis 1874. Cette partie glaciologique est divisée en huit chapitres: Chap. I. Le glacier du Rhône, situation, dimensions, description sommaire. Chap. II. Les variations de grandeur avant 1874. Chap. III. Les variations de superficie, de volume et de niveau depuis 1874. Chap. IV. Le rythme annuel des variations de longueur. Chap. V. Alimentation et dissipation. Chap. VI. Le „ Mouvement ". Chap. VII. Distribution des filets d' écoulement. Chap. VIII. Observations isolées et recherches spéciales.
Cet exposé est basé sur 74 tableaux de chiffres, où seules les valeurs numériques dignes d' être conservées, ont pris place; Dans l' exécution des levés topographiques et des plans glaciologiques qui forment le portefeuille annexé au volume, le Bureau fédéral suisse s' est véritablement surpassé.
Les „ Mensurations au glacier du Rhône " sont pour l' avenir une mine de documents contrôlés où la glaciologie reviendra puiser sans cesse. Je renvoie le lecteur à l' analyse détaillée de l' ouvrage que renfermera le prochain Annuaire.
M. Frédrik Enquist vient de publier une dissertation académique du plus haut intérêt sur l' influence du vent dans la répartition des glaciers2 ).
Cet ouvrage est divisé en deux parties; la seconde, descriptive, appuie d' exemples pris dans toutes les régions englaciées du globe la thèse soutenue dans la première partie. Cette thèse est que: les glaciers et les champs de neiges pérennelles sont développés principalement aux flancs des montagnes „ sous le vent " des courants dominants amenant de la neige ( in Lee der vorherrschenden schneeführenden Winde ). L' auteur estime avoir démontré cette thèse d' après les glaciers actuels et il en tire des conséquences du plus haut intérêt, tant pour l' explication de la forme spéciale des inlandsis que pour la connaissance générale de la circulation atmosphérique durant l' époque glaciaire.
Le mémoire de M. Enquist retiendra l' attention des glacièristes. P. L. M.
CXXIV. L' enneigement des Alpes suisses en 1916. A. Etat des neiges.
Alpes de la Suisse orientale et nord-orientale. Notre fidèle collaborateur, M. Frauenfelder, de Schaffhouse, n' a pu visiter le Montafon fermé par la guerre, mais il a parcouru la région de l' Albula et y a trouvé aux altitudes moyennes un enneigement intermédiaire entre ceux de 1914 et de 1915. Au-dessus de 2800 m, l' enneigement de 1916 égalait sensiblement celui de 1914. Ces deux enneigements étaient d' ailleurs plutôt supérieurs à la normale.
Au commencement d' août il subsistait encore dans la gorge du torrent de Stuls, entre Runsola et le viaduc du chemin de fer, à 1400 m, d' énormes restes d' une avalanche descendue du Stulsergrat en 1915.
L' enneigement hivernal a été grand en 1916 et s' est traduit par nombre d' avalanches exceptionnellement fortes. Le 16 mars, un de ces torrents de neige, parti du Piz Rosatsch, est descendu près du Kurhaus St-Moritz jusque dans l' Inn, en rasant sur son passage 9 hectares de l' antique forêt d' aroles de St-Gion. Depuis 60 ans aucune avalanche n' était descendue si bas ( Alpina, 15 mai 1916 ).
Le 17 juillet on pouvait descendre directement du sommet du Säntis jusqu' au replat de la Meglisalp ( 1550 m ) sans quitter la vieille neige ( Mercanton ).
Alpes de la Suisse centrale. Le 16 août 1916, le massif des Clarides était notablement plus enneigé que le 15 août 1915; cela se voyait distinctement à l' arête rocheuse qui borde le glacier des Clarides au nord du point coté 2916 m de la carte Siegfried ( Billwiller ).
Le 12 août, il subsistait encore un cône d' avalanche près de Realp, dans le lit de la Reuss. Dans le vallon de Gletsch on voyait encore une demi-douzaine de ces formations au pied du Längisgrat; le sentier menant du Belvédère à Gletsch en traversait un assez grand et l'on passait le Muttbach sur les restes d' un autre. Enfin un petit cône gisait encore sur le flanc droit du vallon en aval de Gletsch ( Mercanton ).
Dans les massifs du Glärnisch et du Mürtschen, la limite des neiges ne s' est pas modifiée du 2 au 23 juillet; les dernières flaques étaient à 2000 m, la couche continue s' arrêtait à 2300 m ( flancs nord et ouest ) ( J. Hess ).
Le 13 août dans la région de la Kehlenalp ( Uri ), la limite du névé était à quelque 2700 m pour l' exposition au sud-est et à 2600 pour les lieux exposés au nord-ouest ( J. Hess ).
Le 23 août, les flaques de vieille neige cessaient à 2300 m aux flancs sud du massif du Ruchi-Hausstock ( J. Hess ).
Le 26 août, le névé temporaire du côté sud du col de Segnes descendait jusqu' à 2100 m, tandis que durant les étés chauds, il disparaît entièrement ( J. Hess ).
variations périodiques des glaciers des Alpes suisses.
Alpes de la Suisse méridionale. A la fin d' août 1916 il régnait encore dans les massifs du Piz Cristallina et du Basodino des conditions presque de fin de printemps. La tombe au sud de la Forcla di Cristallina gisait encore complètement sous la neige et le lac Scinudran était entièrement congelé. Le sommet rocheux du Basodino était couvert de verglas tandis que dans le Val Bavona des cônes d' avalanche se pressaient jusqu' au de Campo, à 1400 m. La forêt de hêtres entre Campo et San Carlo montrait partout les traces désastreuses des avalanches d' un printemps anormalement neigeux; l' été était resté trop froid pour venir à bout de ces masses de neige ( Billwiller ).
Alpes de la Suisse occidentale. Dans le Val d' Hérens, le 15 juillet, les flaques de neige étaient plus grandes qu' à l' ordinaire. A l' Alpe de la Coûta un névé partant du Mont de l' Etoile descendait à 2400 m soit à une centaine de metres plus bas que de coutume; l' été le fondit d' ailleurs en partie. Il en fût de même au col d' Hérens dont les rochers du versant sud, très enneigés à la mi-44 juillet, étaient dégagés le 20 avril ( J. Guex ).
Les flaques de neige au flanc nord des Grandes Autannes ( Col de Balme ) et celles du pâturage de Catogne, à l' ouest de la Croix de Fer étaient, le 17 septembre, bien plus grandes qu' en 1915 ( J. Guex ).
Le 16 septembre 1916, il y avait encore un fort cône d' avalanche dans le lit de l' Eau d' Orny, à l' issue inférieure de la gorge, vers 1750 m.
Un vieux névé se voyait sous les Chevrettes descendant jusqu' au petit pâturage plat, au-dessus des Echelets, à 2300 m environ. Quant au névé sis immédiatement sous la jonction des chemins de la Breya et de la Combe d' Orny, il paraissait s' être allongé vers l' aval et épaissi; son bord supérieur affleurait le sentier de la Breya.
Il n' y avait plus de neige sur le plan même de la jonction, mais bien aux flancs des Chevrettes au pied desquels les névés semblaient en passe de se souder en un liseré continu.
Sous la cabane d' Orny ( 2760 m ) s' étendait un long névé et la „ tine " était remplie de neige, mais cependant pas jusqu' aux bords. Un névé descendait dans le lac à son extrémité W.; enfin, il y avait encore de la vieille neige sur la rive et sur le flanc gauche du glacier, au droit de la cabane.
Au pied du col de la Breya dans le premier creux du côté d' Arpettaz, à 2300 m, s' étendait encore un petit névé.
Le glacier d' Orny était enneigé assez bas. Au col d' Orny, la crevasse visible en 1915 s' était dédoublée, sans beaucoup s' élargir d' ailleurs. Une nouvelle grande crevasse-rimaie commençait à se dessiner sur le col en amont de l' accoutumée.
La grande falaise de souflure au nord de la cabane Julien Dupuis s' est beaucoup développée depuis 1915. Son rebord supérieur s' est rapproché, en porte-à-faux, du pilier granitique qui lui fait face. Son extrémité sud formait en septembre 1916 un rempart dominant déjà la terrasse de la cabane. Au droit de la façade septentrionale de celle-ci, il fallait descendre du glacier sur la dite terrasse. Le fond de la soufflure s' est remblayé également, d' autre part, des fissures arquées commencent à désagréger les flancs de la falaise en plusieurs points. Il semble que la soufflure soit en passe de se combler par effondrement de ses bords neigeux. On comparera utilement, sur ce point, la présente fig. 4 avec la fig. 1 du précédent Rapport ( Mercanton ).
Aux Diablerets, l' enneigement était énorme en 1916. Les 23-25 septembre 1916 il subsistait beaucoup de vieille neige autour de la cabane ( 2490 m ).
La ligne de faîte qui s' étend du Dôme au sommet du Diableret était à tel point envahie par la neige, que non seulement on n' y voyait plus de roc nu sur son bord occidental comme en 1911, mais que son flanc oriental commençait à s' enneiger sérieusement, par éboulement graduel des corniches de l' arête. C' est ainsi qu' une énorme masse de neige était prise dans une anfractuosité juste au-dessus du nivomètre. Le remblai neigeux du sommet du Diableret s' est fortement accru en hauteur et en largeur. L' arête qui, du sommet principal, s' en va rejoindre le sommet schisteux méridional, s' est également très remblayée depuis 1915.
Le Rasoir était très élevé et son flanc oriental montrait de fortes crevasses. Toutefois dans leur ensemble les crevasses du glacier du Diableret béaient moins qu' en 1915, à la même époque; la longue fissure qui le sépare en deux à la hauteur du nivomètre, par 3030 m, était moins accentuée. Il semble que l' enneige ait combattu victorieusement la tendance à la fissuration, maîtresse en 1915. Sans doute le tassement du névé sous la charge progressive de ces dernières années a-t-il momentanément pris fin. Nulle part dans les Alpes l'on a signalé l' apparition des doubles rimaies si caractéristiques de l' automne 1911.
L' arête du Scex Rouge était très enneigée. Il y avait encore deux longs névés sur le flanc SE de la Becca d' Audon et une longue corniche de neige garnissait son arête W ( Mercanton ).
Depuis 1913, un névé persiste au Col des Martinets ( Dents de Mordes ). Le glacier même des Martinets n' a jamais été découvert en 1916 et c' est tout juste si pendant une semaine, au cœur de l' été, le bord supérieur de sa moraine fronto- latérale gauche s' est désenneigé sur une dizaine de mètres de hauteur ( Wilczek ).
B. Relevés nivométriques.
Groupe nivométrique d' Orny. La campagne nivométrique au glacier d' Orny a eu lieu les 16, 17 et 18 septembre 1916. Mon fidèle ami et vieux collaborateur M. Edouard Correvon ( Jaman ), MM. J. Briod et Schumacher, de Lausanne, enfin Mlle A. Morel y ont pris part avec moi. Qa' ils me permettent de les en remercier très vivement ici.
Nivomètre. Il n' a pas subi de modifications en 1916, à cela près que les traits 18 à 29 ont reçu en automne une couche de peinture fraîche.Voici les relevés' des trois dernières années. Ils sont dus pour la plupart au dévouement du gardien de la cabane, M. Joseph Joris, que je remercie aussi.
Tandis que le minimum de 1915, n° 17, s' est produit à la fin d' août et a persisté jusqu' à la fin de septembre, celui de 1916, n° I8.5, a tardé jusqu' à cette dernière époque. Le maximum de 1916 ne nous est pas connu; le 2 juillet, l'on ne voyait encore rien du nivomètre et son émergence graduelle a été plus lente qu' en 1915. Le tableau en donne le bilan pour les 4 dernières années. Celui de 1916 solde en bénéfice comme les deux précédents.
Balise. D' année en année, cet engin, entraîné par les glaces du plateau du Trient, auquel il est incorporé depuis 1911, s' inclinait davantage vers le col d' Orny. Lorsque nous l' avons visité, le 17 septembre 1916, sa tige faisait avec la verticale un angle de quelque 57°, tandis qu' il n' excédait pas 36° en 1915. Elle saillait du névé sur 77 cm de longueur, soit de 234 cm de moins que le 7 octobre 1915. Le calcul, pour autant qu' on peut tenir compte de l' inclinaison grandissante de la balise, indique un accroissement du névé de 1.3 m environ entre le 7 octobre 1915 et le 17 septembre 1916. J' ai mesuré, d' autre part, au clinomètre, l' angle de dépression du pied de la balise par rapport au bloc-repère situé à l' angle SW de la terrasse de la cabane. Le calcul indique un relèvement de la surface glaciaire d' environ 1 m, valeur qui s' accorde bien avec celle indiquée par le nivomètre tout proche.
Le névé du col d' Orny s' est donc épaissi en 1916.
L' inclinaison de la balise métallique était trop grande pour qu' on pût songer à la rallonger davantage. Elle a donc été abandonnée à son sort et est enfouie définitivement à l' heure présente. Sur son emplacement, MM. Briod et Schumacher ont bien voulu aller le 18 septembre dresser une balise de fortune, hâtivement confectionnée à l' aide de lattes à toiture, dénichées dans la cabane d' Orny et assemblées au moyen de fil de fer. Cette balise, longue de 353 cm, enfoncée de 54, émergeait verticalement du névé le 18 septembre 1916, à 17 h., de 299 cm. Elle était attachée à la partie saillante de l' ancienne balise; à peine dressée, elle a résisté vaillamment à la bourrasque des 18 et 19 septembre. L' hiver l' aura épargnée aussi?
La balise métallique va poursuivre sa descente par le Trient. Nous n' avons, hélas! aucune chance de la revoir nous-mêmes; nos successeurs, lorsqu' ils la retrouveront au front du glacier, instruits par les documents que sa tige renferme, se reporteront à ces Rapports qui les éclaireront sur les origines lointaines de leur trouvaille.
L' expérience a condamné, pour le col d' Orny tout au moins, le type de balise métallique à rallongement continu d' Hamberg; l' écoulement glaciaire influe trop défavorablement sur sa stabilité. Nous nous contenterons à l' avenir de simples perches de bois, longues de 3 à 4 mètres, solidement fichées dans le névé et remplacées, par d' autres chaque deux ans, voire chaque année, au fur et à mesure de leur enfouissement, comme on le fit au glacier du Rhône. Ce sera moins coûteux, aussi simple et tout aussi efficace. En outre, les déversements graduellement croissants de l' engin et les inconvénients qui en résultent seront supprimés 1 ).
Totalisateur. Pour vider le totalisateur, nous avons utilisé cette fois-ci non la méthode volumétrique préconisée par le Service fédéral des Eaux, mais la méthode gravimétrique, déjà recommandée par M. Mougin. J' avais fait construire dans ce but par Scholl, à Genève, une balance romaine légère et robuste, capable de peser à moins de 10 gr près jusqu' à 6 kg. Un récipient de quelque 5 litres, en aluminium, s' y accrochait. Le poids de ce matériel ne dépassait guère 2 kg. Il s' est montré d' une rare commodité; la vidange a dure 11/2 heure seulement, le remplissage ultérieur 1 heure. En 1915, ces opérations avaient dure 6 heures; il est vrai qu' une couche de glace dans le totalisateur avait entravé notablement les opérations. qu' il en soit l' expérience est favorable à la méthode gravimétrique, tant en raison de sa rapidité que de son exactitude. On n' a pas à se préoccuper de la température du contenu pluviométrique; en outre l' usage d' une balance permet le remplissage à l' aide de neige là où il n' est pas aisé de se procurer l' eau nécessaire à la recharge du totalisateur. Enfin en rapprochant l' instant de la pesée du matériel de recharge et celui de son utilisation on supprime du même coup les conséquences fâcheuses d' un accident de transport. Je ne puis donc que recommander vivement la méthode gravimétrique.
Il n' y avait pas de glace dans le totalisateur le 17 septembre 1916, lors de son contrôle; il en était resté en revanche quelque 1 kg lors de la vidange précédente, le 7 octobre 1915, c' est pourquoi le résultat pour cette période de 346 jours est un peu incertain. L' incertitude ne dépasse cependant pas 11/20/o. Elle est en- tièrement levée si l'on considère la période de deux ans allant du 11 octobre 1914 au 17 septembre 1916 ( 707 jours ). On trouve en effet:
du 11 octobre 1914 au 17 septembre 1916: 653 cm d' eau, qui se répartissent comme suit, approximativement:
du 11 octobre 1914 au 7 octobre 1915: 289 cm dn 7 octobre 1915 au 17 septembre 1916: 364 cm.
Je donne ces hauteurs d' eau en cm; les indiquer en millimètres comme on le fait trop souvent serait se leurrer vis-à-vis d' une grandeur aussi variable et aussi mal définie que la précipitation neigeuse.
Le totalisateur dûment vidé, rincé et égoutté, a reçu, le 17 septembre 1916, une nouvelle charge de 2290 gr d' eau de neige, 5990 gr de chlorure de calcium fondu, purifié, en grains, et 485 gr d' huile de vaseline claire, soit 12765 gr de matière.
Afin de diminuer dans une certaine mesure les chances de congélation du contenu en facilitant réchauffement du réservoir par les rayons solaires et le brassage par convection thermique corrélatif, j' ai peint en noir la surface cylindique du réservoir. Il faut en effet tout mettre en œuvre pour activer ce brassage, autrement une chute de neige un peu forte tend à superposer au contenu ancien du totalisateur une couche d' eau insuffisamment minéralisée qui gèle trop facilement.
Levé du front du glacier d' Orny. En connexion avec le contrôle de l' enneige du haut glacier d' Orny, nous avons établi, le 18 septembre 1916, devant la partie orientale de son front un ensemble de repères qui serviront à en étudier les variations. Comme en 1915, des clichés photogrammétriques ont été faits du haut de la moraine des Chevrettes, les 16 et 18 septembre. Comparés à ceux du 8 octobre 1915, ils décèlent un gonflement et une avance bien reconnaissables du front.
Nivomètre du Diableret ( 3030 m ). Le 24 septembre 1916, avec l' aide de M. Jean Briod, lie. ès-sciences, de Lausanne, que je remercie ici de son zélé concours, j' ai repeint cette échelle. Elle émergeait du glacier à partir du n° 87. La peinture des nos 87, 88 et 89 a été rafraîchie; le n° 90, effacé, a été rétabli un peu à gauche de son ancienne position. Le chiffre 1 du no 91 et le trait correspondant ont été ajoutés au nivomètre; enfin, un svastika j—|—I rouge a été peint dans la paroi un peu au nord et au-dessous de l' échelle, aux fins d' en signaler mieux la présence aux passants.
En 1916, le nivomètre a fourni les trop rares relevés suivants: 18 juillet90 ( enfoui ) [Reber, guide], 10 septembre 86Briod], 24 septembre 87Briod et Mercanton].
Comme il marquait, le 22 septembre 1915, le chiffre 87, le résidu de 1916 est doncO.s m, ce qui signifie qu' au cours de l' année le névé a continué à subir un tassement qui a abaissé la surface glaciaire un peu plus que l' ali ne l' a relevée.
P.L. Mercanton.
Toutefois le divorce, énorme en 1915, entre la paroi rocheuse et le glacier m' a paru moins accentué et le gros paquet de neige demeuré depuis le printemps dans une anfractuosité dominant de très près le nivomètre, fait craindre à bref délai un nouvel enfouissement de l' appareil.
Totalisateur du Diableret ( 3248 m ). Cet engin a mal débuté. A la suite d' une bourrasque, en décembre 1915, il s' est coiffé d' un placage, de givre probablement, bientôt renforcé par les neiges de l' hiver, de telle sorte qu' en janvier 1916 déjà, des touristes en ont trouvé la gueule complètement obstruée. Cette obstruction a duré vraisemblablement plusieurs semaines, les difficultés et les dangers de l' ascen du Diableret à la fin de l' hiver s' opposant à une tentative de déblaiement que la moindre tempête pouvait rendre vaine d' un instant à l' autre. Il convient cependant de remarquer que depuis son dégagement naturel, au premier printemps, le totalisateur est resté libre, comme il ressort des examens fréquents de son état par M. Beauverd, instituteur aux Diablerets, à l' aide d' un télescope puissant.
Le totalisateur du Diableret a donné lieu à la première application de la méthode de contrôle chimique du contenu des mougins que j' ai décrite au CXXI. Le 18 juillet 1916, le guide E. Reber a bien voulu me rendre le signalé service de soutirer un échantillon du contenu du totalisateur; j' en ai moi-même prélevé un autre le 24 septembre et M. Hellet a déterminé leurs concentrations relatives. L' épreuve a donné finalement pour la quantité d' eau emmagasinée dans le mougin du 18 juillet au 24 septembre 1916: 16 cm avec une erreur limite de 1 %. Pour le même laps de temps, M. Beauverd a trouvé dans le pluviomètre du village des Diablerets, à 1165 m d' altitude, 25 cm d' eau. La différence est notable; elle est au détriment du totalisateur. Est-il réellement tombé moins d' eau au sommet de la montagne qu' à son pied pendant cette période estivale? Est-ce un effet particulier de la situation du mougin, en vedette sur une arête très dégagée? L' avenir seul peut répondre.
Les opérations de vidange et de remplissage à nouveau ont pu se faire, le 24 septembre 1916, par un temps idéal. Fig. 5. Aucun souffle d' air n' a contrarié les pesées, aucun nuage n' a masqué les rayons réconfortants du soleil. A pareille altitude et en pareille saison, les conjonctures météorologiques pourraient entraver fâcheusement la réussite des opérations. Nous nous sommes servi, M. Briod et moi, du même matériel qu' à Orny. Le résultat des pesées a été que, du 22 septembre 1915 au 24 septembre 1916 ( 368 jours ), le mougin a emmagasiné 263 cm d' eau, dont, comme nous venons de le voir, 16 depuis le 18 juillet. Ce chiffre de 263 cm semble faible; l' obstruction hivernale du totalisateur en est responsable et ne permet pas d' en tirer aucune conclusion sûre.
L' appareil ne renfermait pas de glace lors de son évacuation. Il a reçu, après égouttage soigneux, une charge nouvelle composée de:
La surface extérieure du réservoir a été peinte au vernis noir, comme à Orny. Du 22 septembre 1915 au 24 septembre 1916, le pluviomètre des Diablerets-Village a recueilli 148.5 cm d' eau.
Nivometro de l' Eiger. Il a été observé presque quotidiennement par le personnel de la station Eismeer du chemin de fer de la Jungfrau, sous l' impulsion de M. le directeur Liechti. Je leur exprime ici ma reconnaissance très vive, car non seulement la Compagnie de la Jungfrau assure la continuité des observations mais encore maintient le nivomètre en parfait état de fonctionnement. Il a été prolongé en 1912 jusqu' au degré 60. Voici le résumé des. contrôles pour les trois dernières années:
Minimum absolu de 1915: 13.5 ( octobre ). Maximum absolu de 1916: 58 ( mars-mai ). Minimum absolu de 1916: 22 ( août ).
Maximum et minimum absolus ont été tous deux supérieurs aux extrêmes correspondants de 1915. En outre, le maximum de 1916 s' est maintenu pendant quelque deux mois, de mars à mai, tandis que le minimum s' est produit déjà en août, époque après laquelle il n' y a plus eu de minimum relatif notable. Le tableau IV, qui résume les principales fluctuations de l' enneigement, les montre d' ailleurs peu nombreuses.
Ce changement de signe au profit de l' enneigement signifie l' arrêt de l' affaisse de la surface du collecteur glaciaire du Grindelwalder Fiescherfirn.
Le 16 septembre 1911 le nivomètre de l' Eiger marquait —26 degrés, le 16 septembre 1916 il marquait +24. Cette variation correspond à un épaississement de 25 mètres du glacier au pied de la paroi de la station Eismeer. ( Liechti. ) Nivomètres de l' Aletsch. Le „ Service des Eaux du Département suisse de l' In " a poursuivi ses relevés nivométriques au grand glacier d' Aletsch. Je remercie ici son directeur le Dr L. Collet qui, comme précédemment, veut bien confier à ces „ Rapports " le soin de publier ces observations précieuses.
Malheureusement les relevés n' ont pu se faire qu' une fois en 1916, le 13 octobre, et le nivomètre de l' Eiger nous enseigne qu' à cette époque l' étiage annuel était passé et que le réenneigement avait fait des progrès notables. Les résidus automnaux calculés seront donc entachés d' erreur; non toutefois tant que leur examen soit dépourvu d' intérêt. Voici l' ensemble des observations de 1916 et les résidus des trois dernières années.
Le résidu moyen a été de 1.4 m, en 1916 à la Concordia à 2860 m environ. Au lac de Märjelen, bien que plus faible de moitié, il est cependant positif aussi.
Le Service des Eaux entretient dans la région deux totalisateurs. L' un, à 2850 m, sur la terrasse de la cabane Concordia, a emmagasiné 324 cm d' eau du 20 octobre 1915 au 13 octobre 1916; le second, à l' Hôtel Jungfrau-Eggishorn ( 2195 m ) en a capté 149 pendant le même temps.
Le totalisateur, si intéressant par sa situation et son altitude, que le Bureau météorologique central avait placé au Col de la Jungfrau a malheureusement été victime d' une avalanche imprévisible.
Groupes nivométriques de la Commission zurichoise des glaciers [Z.G.K.]. Grâce au dévouement de ses membres, cette commission a pu maintenir son activité en dépit de conjonctures défavorables; je transcris ici les principaux résultats de ce labeur, renvoyant pour plus ample information au rapport complet que M. Rutgers donne chaque année au „ Jahrbuch des Schweizerischen Skiverbandes ":
Clarities. MM. Billwiller et de Quervain ont eu à déplorer l' enfouissement de la balise mobile inférieure. Comme le montre le tableau VIII, l' alimentation du névé des Clarides a été très forte en 1916, tant à 2700 qu' à 2900 mètres.
Les résidus mesurés sont décidément bien grands, surtout comparés à ceux observés ailleurs! S' agit là de facteurs tout locaux? Il convient toutefois de remarquer que le totalisateur du Geissbützistock, à 2720 m, a recueilli du 9 août 1915 au 14 août 1916 401.5 cm d' eau. A Auen, dans le Linthtal, à 728 m, on a noté 187 cm pendant la même période.
Les prélèvements de névé à la sonde de Church ont mis encore une fois en évidence le désaccord, déjà constaté l' année précédente, entre l' alimentation du glacier et la précipitation. Le résidu d' enneigement, traduit en hauteur d' eau sur la base d' une densité moyenne de 0.55, n' a été en effet que de 242 cm. Cette discordance répétée parait propre au névé des Clarides. Elle ne s' est pas révélée an glacier du Silvretta.
Silvretta. MM. J. et A. Piccard, M. Cherbuliez, M. et Mme de Quervain ont procédé du 4 au 6 août aux opérations de contrôle de ce groupe nivomètrique. Ils ont installé une nouvelle balise au col du Silvretta, à 3010 m.
Le résidu d' alimentation a donc été de 172 cm, mesuré à la balise. La couche d' ocre déposée sur la neige le 26 septembre 1915 s' est retrouvée toutefois à 200 cm de profondeur. Il y a donc eu un tassement des couches antérieures du névé le long de la balise, qui n' a ainsi pas marqué exactement l' épaisseur d' alimentation du névé.
Il y a là, contre l' usage de balises incorporées au glacier et indéfiniment ral-longées un argument sérieux: la balise, devenue par son pied solidaire de couches du névé déjà très tassées 1 ), fonctionne vis-à-vis des couches de neige nouvelles comme une échelle fixe par rapport à laquelle non seulement la surface libre du névé, mais encore le niveau des surfaces des années immédiatement antérieures peut s' abaisser encore. Cette cause d' erreur grave sera écartée par l' emploi des balises de bois annuellement renouvelées, ou encore en poudrant la surface avec une matière. colorante insoluble, comme le font nos collègues zurichois, ocre ou suie, par exemple. M. Hamberg, en Laponie, déposait sur la neige, lors du contrôle, un disque de tôle mince enfilé sur la balise par un trou central.
La densité moyenne du matériel glaciaire a été au Silvretta: 0.57. En admettant une alimentation de 200 cm, cela fait 114 cm d' eau pour la période du 26 septembre 1915 au 5 août 1916. Pendant ce temps, le totalisateur de la cabane du Silvretta ( 2370 m ) emmagasinait 120.5cm et le pluviomètre de Klosters ( 1194 m ) en recevait 126.
L' enneigement au Säntis et au St-Gothard. Les relevés aux balises fixes que la Z.G.K. a érigées près des cabanes des Clarides, du Silvretta et du Parsenn sur Wolfgang n' ont pas fourni des résultats significatifs. Le regretté F.A. Forel et moi, nous avons démontré par notre étude de l' enneigement temporaire du Val d' Entremonts ( XXXIIP Rapport, CXIII ), tout l' aléa de ces sortes de mensurations.
Plus instructifs, parce que plus continus, sont les relevés nivométriques du Säntis et du St-Gothard que le Bureau météorologique central fait faire depuis longtemps.
Au St-Gothard ( 2100 m ), l' enneigement a débuté à la fin de septembre 1915; le 31 décembre, il y avait déjà 210 cm de neige au point repéré. Le maximum a été atteint le 31 mars 1916 par 670 cm. Le 20 juillet toute la neige avait disparu.
Au Säntis ( 2500 m ), l' enneigement, qui avait débuté le 26 septembre 1915, a atteint, le 10 mars 1916, au point considéré, un maximum relatif de 634 cm et après une période de désenneigement un nouveau maximum, absolu cette fois, de 638 cm. Le 23 juin la neige avait disparu.
Conclusion. L' enneigement a été fortement progressif en 1916, tant en raison de l' abondance des chutes de neige hivernales et aussi printanières qu' à cause de la brièveté du désenneigement estival. Les névés ont gagné de l' épaisseur et l' affaisse de leur surface, très nette en 1915, semble s' être, sinon arrêté, du moins très ralenti. Le collecteur glaciaire se recharge.P.L. M.
CXXV. Chronique des glaciers suisses en 1916.
Les mensurations de 1914 et 1915, en dépit de leur nombre restreint, décelaient si nettement une tendance générale à la crue de nos glaciers suisses qu' il convenait de mettre tout en œuvre pour étendre et préciser en 1916 le contrôle de ces appareils. Grâce aux instructions pressantes de l' inspecteur en chef fédéral des Forêts, M. Maurice Decoppet, au zèle des agents forestiers et à la collaboration bénévole de personnes compétentes, 63 glaciers ont pu être, sinon tous mensurés, du moins observés assez soigneusement pour que le sens de leur variation soit déterminé sûrement. En 1915, 38 glaciers seulement avaient pu entrer en ligne de compte, en 1916, 63, encore le désenneigement insuffisant de l' automne a-t-il mis obstacle aux mensurations de certains appareils; la mobilisation du personnel forestier y a contribué aussi. Il y a d' ailleurs encore beaucoup à faire pour donner au réseau des contrôles l' ampleur et l' homogénéité voulues. Certaines régions sont complètement négligées: nous ne savons rien de précis des glaciers de Bagnes, par exemple, ni du massif des Dents du Midi, ni de certaines parties des Alpes bernoises. Un seul des glaciers de la vallée de Zermatt, le Gorner, a été l' objet d' une surveillance régulière durant ces dernières années.
, De telles lacunes doivent être comblées. L' observation a démontré, en effet, que si, dans leur ensemble, les glaciers suisses accusaient une tendance générale à la crue ou à la décrue, leurs „ tempéraments individuels " maintenaient toujours entre eux des divergences d' allure accentuées. Il importe donc de soumettre à une surveillance serrée le plus grand nombre possible des glaciers d' un même massif, d' une même montagne. On ne peut songer évidemment à imposer cette tâche aux seuls agents forestiers, bien que l' exemple des Alpes vaudoises, dont tous les appareils sont surveillés par eux, soit encourageant, mais nos collègues clubistes pourraient nous donner ici une aide efficace. Si quelques-uns d' entre eux voulaient bien, après avoir fait choix d' une région qui leur convînt, s' astreindre à en visiter chaque année les divers glaciers, non seulement ils nous apporteraient un concours précieux, mais encore, j' en suis bien sûr, ils y trouveraient très vite un plaisir singulier. Notre fidèle collaborateur, M. Jules Guex, qui, dès sa prime jeunesse, surveille an après an le glacier de Trient, sera, sans doute, le dernier à me conti edire. Le rédacteur de ces „ Bapports " donnera, avec quel empressement! toutes les indications requises sur les régions à choisir, sur la manière d' installer les repères de contrôle, d' organiser celui-ci, etc., aux collaborateurs bénévoles que le présent appel susciterait.
Il est juste de dire que ceux-ci n' ont pas fait défaut complètement. M. Leupin, du Bureau topographique fédéral, a continué, en 1916, pour la Commission suisse des glaciers, le lever usuel du front du glacier du Rhône. Le Service des Eaux de la Confédération nous a renseigné sur l' état de quelques glaciers de la vallée de Saas, et M. Jules Guex sur celui du glacier du Trient. M. de Janczewski ( Lausanne ) a exécuté un levé sommaire du front du Findelen; j' ai moi-même établi des repères devant celui du glacier d' Orny, lobe oriental. Enfin, la Commission zurichoise des glaciers a pu nous éclairer sur le sens de variation des glaciers de Silvretta et des Clarides.
Voici maintenant le détail des observations. Quand la variation ne peut être traduite par une valeur numérique, elle est indiquée par son signe.
Le front du glacier du Rhône a recouvert de nouveau 6820 m2 de terrain; il a progressé de 15 mètres en moyenne, du 24 août 1915 au 7 août 1916 ( Leupin ).
Le glacier de Schwarzenberg a été reconnu en crue par M. Lütschg, comme son voisin d' Allalin dont le Service fédéral des Eaux poursuit l' étude détaillée. Le glacier de Fee est également en forte crue ( Collet ).
Il semble en être de même des glaciers de Findelen ( de Janczewski ), Giétroz et Noir ( Tour Sallières ). Les cônes d' éboulis de ces deux derniers en tout cas se sont fort accrus depuis 1915 ( Collet ).
Les clichés photogrammétriques du front du glacier d' Orny décèlent un gonflement et une avance de celui-ci ( Mercanton ).
Le glacier du Dard s' est accru considérablement et sur son front entier. Le front du glacier de Trient s' est énormément bombé et par endroit s' enfonce verticalement dans la moraine qu' il semble bousculer. C' est particulièrement le cas pour la partie gauche du front, qui est très crevassée et a avancé au maximum ( 19 mètres ) ( J. Guex ).
Le glacier Supérieur du Grindelwald a réoccupé presque tout le terrain perdu depuis 1899. Quand nous le visitâmes MM. Collet, Lütschg et moi, le 6 février 1916, ses glaces étaient en train de démolir lentement mais implacablement le soubassement en maçonnerie du péage de la défunte grotte de glace. Des débris de toute nature, planches, ferraille, feuilles de carton bitumés, étaient encore visibles sous le glacier qui allait les recouvrir. Mais le spectacle le plus singulier et aussi le plus instructif était offert par la couche même de neige, épaisse d' une vingtaine de centimètres dont le mois de janvier avait recouvert la région: dans sa lente mais continue progression le glacier l' avait refoulée en la plissant de rides régulières. En un point la couche soudée par le gel à la glace sus-jacente et arrachée du sol avait formé trois énormes rouleaux, distants d' environ un mètre, épais d' une cinquantaine de centimètres, alignés l' un derrière l' autre, comme trois gros tapis enroulés. La figure 6 reproduit une photographie prise par les soins du Service suisse des Eaux.
Le glacier Inférieur en recul est revenu à son stade de 1911.
Le glacier de l' Eiger s' accroît lentement depuis 1914 surtout au milieu et à droite de son front. Le glacier de Tschingel dont on était sans nouvelles précises depuis longtemps a reculé de quelque 150 mètres de 1911 à 1916. Nous ne sommes pas fixes sur sa tendance actuelle.
Les agents forestiers avaient signalé une énorme progression du glacier du Wildhorn de 1913 à 1915: son avance aurait été de 117.5 mètres, pendant ce laps de temps; pour 1916 ils indiquent un recul de 55 mètres. N' y a-t-il pas eu là quelque erreur ?: les observateurs remarquent qu' une forte couche de vieille neige rendait en 1915 le contrôle très peu sûr! D' après eux le recul de 1916 serait dû à la disparition de la mince lame de glace qui prolongeait le glacier en 1915; cette lame existait-elle bien? Quoiqu' il en ait été le front actuel, abrupt et épaissi, porte jourd' hui tous les stigmates de la crue. L' avenir éclaircira peut-être la question.
Dans le bassin de la Reuss ( tableau XI ) le lobe occidental du Firnälpli, en allongement, s' est épaissi aussi. Le glacier des Clarides paraît en crue active; un puissant système de crevasses s' est ouvert sous le Bocktschingel et l' abrupt glaciaire du Geissbützifirn du côté de la Sandalp est en poussée rapide ( Billwiller ).
Nous avons heureusement recouvré des observations sur toute une série de glaciers des Grisons, non des moindres et dont le contrôle régulier s' impose. Le tableau XII donne ces observations:
Enfin après trois ans d' interruption le contrôle des glaciers tessinois de Basodino et de Kotondo a pu être repris. Le premier semble être resté plutôt stationnaire avec pourtant une légère tendance à la crue ( 2.5 m de 1913 à 1916 ); le second a progressé considérablement. Son front s' est avancé de 43.5 m en moyenne de 1913 à 1916 et son niveau s' est exhaussé de quelque 2 mètres ( Bovet ).
Le tableau XIII récapitule les contrôles de 1916. Pour la continuité j' y ai cru devoir maintenir la tripartition de Porel en variations douteuse, probable et certaine, bien qu' elle ne se justifie guère vis-à-vis de crues caractérisées.
On voit immédiatement qu' en 1916 la tendance à la crue, manifeste depuis 1914 déjà, s' est accusée fortement et dans l' ensemble des glaciers suisses. Le petit tableau XIV le montre avec plus de clarté encore.
Il est instructif de rapprocher ces chiffres de ceux qu' ont fourni les glaciers les Alpes orientales pendant la même période. M. le professeur Dr Brückner, de Vienne, a bien voulu me les communiquer, ce dont je le remercie ici.
Sur 100 glacier des Alpes orientales il y en a eu:Tableau XVI.
Il s' agit en réalité d' une quarantaine de glaciers mensurés avec soin. La tendance à la crue y est manifeste comme en Suisse mais elle ne s' est affirmée nettement que depuis 1914 et la légère fluctuation qui en Suisse a diminué en 1913 le nombre des glaciers en crue, ne s' est dessinée chez les glaciers estalpins qu' en 1914, une année après. Ce léger retard des crues estalpines avait déjà été observé dans des phases de crue générale antérieures. Il semble avoir une origine climatique, dont l' intérêt n' échappera à personne.P.L. M.
III.
Kleinere Mitteilungen.