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Le Jura

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

Oswald Heer a livre les résultats scientifiques de ses études botaniques dans les Alpes dans deux publications. En 1836 parut un essai d' ex de géographie botanique des Alpes soulignant l' influence du climat et du sol et intitulé: Les conditions de la végétation dans la partie sud-est du canton de Glaris. Il s' agit d' un travail de pionnier que C. Schroeter a considéré comme la première monographie de botanique géographique des Alpes suisses. Presque cinquante ans plus tard parut, en publication preoriginale, dans les Annuaires du Club alpin suisse, une communication sur la Flore de l' étage nival en Suisse. Oswald Heer ne put malheureusement achever cette étude, qui parut en 1884 dans le 2ge volume des Mémoires -de la Société suisse des naturalistes.

Traduit de l' allemand par P. V.

Le Jura

vuparun varappeur Seraphin Müller, Herzogenbuchsee Montagnes fascinantes dominant le Plateau! On peut employer à bon droit cette expression un peu hyperbolique, quand on se décide, un jour d' automne, à fuir le brouillard de la Vallée de l' Aar pour gagner les hauteurs du Jura, et les mots nous manquent pour décrire le panorama qui s' offre à nous. De la foret merveilleusement colorée, le regard glisse par-dessus l' immense mer de brume jusqu' à l' horizon. Toute scintillante, la chaîne entière des Alpes sort du désert blanc. Sous cet imposant coussin d' ouate se cachent les villes et les villages. On reste là, dans le chaud soleil d' automne et l'on s' étonne de voir tant de beauté s' offrir à nous. C' est à regret, un peu mélancolique, qu' on redescend après de tels moments vers la vallée et son brouillard.

Lorsqu' on habite au pied du Jura, il nous apparait de facon toujours nouvelle chaque fois qu' on lève les yeux vers ses versants coupes de falaises abruptes en calcaire Blanc. Comme la première neige est belle sur les päturages, alors qu' en plaine domine un vert franc! Ou bien si on l' observe au printemps, il se pare lentement d' un bei habit vert. La verdure gagne en hauteur, chaque jour un peu plus. « Le mai monte sur la montagne » disait ma mère lorsque je sortais de la maison le matin pour aller à l' école. Quel joli chemin d' écolier j' avais, le regard tourne vers le Jura.

Lä-haut près des ravines d' un blanc grisätre, qu' on appellerait dans les Alpes « pierriers », mais qui ne sont au Jura que d' étroits couloirs en forme de langue, nous allions chercher de grosses branches de hetre, dont nous remplissions une charrette. En hiver, ces branches remplacaient avantageusement le fourneau à mazout et répandaient une bonne chaleur. Pour nous, les enfants, c' était chaque fois une aventure toute spéciale. Souvent à cette occasion nous grimpions sur un bloc qu' à ce que nous n' osions plus avancer ni reculer, et que notre père nous rappelle à notre täche, certes moins dangereuse, la récolte du bois. Mais notre désir d' abandonner le ramassage du bois pour varapper s' accentuait toujours. Notre geste suivant fut de chiper en secret le cordeau à lessive. Nos fonds de culotte et nos genoux y subirent quelques dommages et certaines de ces excursions d' alpinistes en herbe se terminèrent peu glorieusement pour nous.

Mais l' envie de nous mesurer avec le rocher qui

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i:v^> 3Le premier de cordée est assuré par le second au moyen de la double corde 4Le premier de cordée, sur étriers, assure le second 5Le Rüttelhorn: la Grande Tour, la paroi du Keller et la Petite Arete du Diable Photos F. Hoppe, Berthoud etait à notre porte n' en diminua pas pour autant. Au contraire, une fois libérés de l' école, nous eümes tot fait d' échanger le cordeau à lessive contre une vraie corde de varappe. De bons souliers et meme deux mousquetons ovales en fer vinrent s' y ajouter. Ainsi équipes, nous nous attaquämes à des blocs plus importants, mais souvent nous dümes accepter que des camarades plus expérimentés nous remettent un peu rudement sur la bonne voie. Nos parents n' étaient évidemment pas du tout enchantés de ce hobby. Mon père aurait bien aime me donner plutöt la passion de l' accordéon. Mais c' est en vain qu' il s' y effbrca, l' envie de grimper était devenue trop tenace.

Un jour, nous sommes parvenus, tout fiers, au sommet du Bubikopf dans la cluse d' Oberdorf, au pied du Weissenstein. Nous avions réussi une verkable ascension pour laquelle il avait fallu planter quatre pitons. Bombant le torse, nous regardions le pays à nos pieds, des méandres de l' Aar jusqu' aux lacs de Bienne et de Morat. « Troisième et quatrième degré de difficulté », lit-on dans le Guide d' escalades dans le Jura' qui n' existe malheureusement encore qu' en fran~ais. C' est dommage...

Restons encore dans la cluse d' Oberdorf, mais sautons quelques années et aussi le lent apprentissage qui fit de nous des varappeurs entraînés. Bien des voies nouvelles sont venues entre-temps s' ajouter aux anciennes. Nous avons mis notre point d' honneur à explorer ce terrain d' escalade et à ouvrir de nouvelles voies partout où c' était possible. On trouve de tout là-bas, de la varappe libre et classique à l' artificielle. Les departs sont indiqués par des flèches de couleur.

Quittons maintenant la cluse d' Oberdorf pour nous tourner vers Test. La Balmfluh est un contrefort de la chaîne du Weissenstein. Vue de Soleure, c' est un versant en dévers coupe de bandes rocheuses et tourne vers le sud. Du village de Balm, on traverse la foret odorante et on parvient au pied des parois de la Balmfluh. II y 1 M. Brandt: Guide d' escalades dans le Jura ( 2 vol. ). Editions du CAS, 1966 r45 en a quatre, et chacune compte quelques jolies voies avec plusieurs variantes. La première qu' on rencontre, la Paroi difficile, peut etre con-tournee par la gauche, mais il est plus payant de l' attaquer directement. Viennent ensuite la deuxième, la troisième et la quatrième paroi et enfin, avant d' atteindre le bout, la Traversee de Maidegger, un passage très fin, qu' on accomplit en escalade libre de droite ä gauche.

Nous nous trouvons maintenant au bout de la paroi. Mais les possibilités de varappe ne sont pas épuisées. Une voie plus facile, mais très aérienne, l' arete est, nous mène au Balmfluhköpfli. En redescendant légèrement depuis le bas de cette voie, on arrive au pied de la grande tour. Son escalade est assez difficile; on compte quatre longueurs de corde pour aboutir aussi au Balmfluhköpfli. Une traversée de 40 metres, très aérienne, mène au premier relais, situé au milieu de la tour. De là, on suit une fissure delicate qui conduit au prochain relais, près d' un petit sapin. Avant de pouvoir, comme si souvent dans le Jura, s' agripper à ce sapin qui se dresse hors de la paroi, il faut franchir une petite vire particulièrement difficile. Une autre traversée plus facile, suivie d' un passage vertical, nous mène au Köpfli. De ce promontoire, on a une vue splendide sur tout le Plateau et les Alpes.

Plus à Test, entre de gras päturages, voici les rochers du Rüttelhorn, un terrain d' escalade ideal au-dessus des prés couverts de gentianes de la Schmiedenmatt. Celui qui veut grimper dans le Jura devrait absolument accorder une visite au Rüttelhorn. On y trouve un grand nombre de jolies voie. Allons tout d' abord jusqu' à l' endroit nommé la Cave. Au lieu de descendre, comme le nom le ferait supposer, nous montons par le bosquet de hetres jusqu' à un lieu entouré d' imposantes parois de rocher qui nous bouchent le passage. En un tournemain, nous nous encordons, et nous voilà prets à remonter de la Cave vers le soleil. Une dizaine de voies conduisent sur la crete boisée du Rüttelhorn. Par exemple, la fissure de Bra- wand: le départ en est assez scabreux; nous le prenons en Dülfer et suivons ensuite les pitons bien places, tantöt à l' intérieur de la fissure, tant& au dehors. Mais surtout, pas d' échelle... c' est de la varappe libre. Pour les débutants, on trouve à cote de cela quelques passages d' exer mieux appropriés. Plus en arrière et à Test se trouve la petite arete du Diable. Une jolie voie, qui n' a rien de diabolique. Nos regards toujours en quete de nouvelles aventures se fixent inévitablement sur le pilier vertical et massif du Rogwiler. Cette arete aérienne, avec ses deux passages du Ve degré, est certainement la plus belle escalade du Rüttelhorn, mais elle demande de la pratique et le sens de l' équilibre. II vaut mieux s' y préparer d' abord sur des voies plus faciles. Un soupir de soulagement nous échappe quand nous avons achevé cette escalade presque sans prises.

Terminons notre varappe au Rüttelhorn par l' escalade du Nez, le bien nommé. Ce pilier d' angle est situé à Test; avec sa partie supérieure pareille à une tete posée sur un socle et ressemblant de loin à un immense nez pointe en avant, ce colosse ne peut passer inaper$u. Nous commencons notre escalade au bas du socle. C' est une varappe artificielle, car de prises, pas trace! Aux deux tiers, on se glisse sur le relais, juste sous le Nez proprement dit. Alors commence une véritable gymnastique sur les échelles. On vole littéralement en se hissant le long du puissant nez. C' est une montée extremement vertigineuse, au-dessus des cimes des hetres et des sapins. Ce genre de varappe exige de la force et des connaissances techniques, mais nous pouvons les acquérir dans notre Jura.

Quittons le Jura soleurois par la cluse de Balsthal et ses deux jolis châteaux de Neu- et Altfalkenstein, tout en accordant encore un regard aux rochers de la cluse elle-meme. Nous sommes maintenant dans le canton de Bale. Mais oui, vous avez bien entendu; les Bälois ont aussi leurs terrains d' entrainement à la varappe. Le Bärenfels, la Falkenfluh, le Langer Mann, le Pelzmühletal, le Hoher Fels et bien d' autres sont de magnifiques rochers d' exercice au milieu des fraiches forets jurassiennes. Duddingen, Seewen, Grellingen et Dornach sont le point de départ d' autres jolies escalades. La aussi, le choix est grand, et il y en a pour tous les goüts. Le Bärenwirt, l' Affenfelsen, la Paroi de Grellingen sont parmi les courses le plus appréciées. La Voie volante, dans la paroi de Grellingen, ne doit pourtant pas vous inciter à voler! La fissure du Feierabend est une jolie voie classique, mais elle met vraiment nos connaissances à l' épreuve, surtout dans sa partie supérieure. II ne faut pas oublier la paroi de Santamaria ni le Holzer, qui appartiennent également à Bäle-Campagne. Bien que les voies y soient courtes en comparaison du Raimeux ou du Schilt ( Reuchenette ), elles conviennent très bien comme terrain d' exercice. Ainsi, celui qui veut travailler avec des échelles trouvera au Langer Mann des possibilités suffisantes pour mesurer ses forces.

Que ce soit au Raimeux, au Rüttelhorn ou à la Falkenfluh, le calcaire blanc du Jura nous invite partout à grimper. On peut commencer l' entraînement tot dans la saison, alors que les Alpes sont encore plongées dans l' hiver. C' est une excellente préparation aux grandes courses en haute montagne. Nombreux sont les guides de premier plan et les varappeurs patentés qui sont passés par l' école - ou plutöt par le vaste champ de varappe du Jura. Et celui qui a appris à aimer le Jura avec ses hauteurs boisées et ses rochers blancs, y reviendra toujours, pour grimper ou simplement pour se laisser charmer au cours de longues promenades.

Traduit de l' allemand par Annelise Rigo

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