© Günter Schmudlach
La méthode de réduction à l’ère de l’ordinateur Une nouvelle méthode de réduction permet de sélectionner les itinéraires de randonnée à skis présentant un faible danger d’avalanches.
La méthode classique de réduction a maintenant une héritière: la méthode quantitative de réduction (MQR), qui affiche pour la première fois le risque statistique de déclencher une avalanche. Il est ainsi possible d’inspecter chez soi, au chaud, les pentes avalancheuses. Cela ne dispense pas d’examiner la situation sur place pour prendre une décision responsable.
La méthode de réduction de Werner Munter et toutes celles qui en sont dérivées, telles la «méthode graphique de réduction», «Stop or go» ou «Snowcard», associent le danger d’avalanches à la déclivité de la pente: le parcours doit emprunter des pentes d’autant plus faibles que le degré de danger d’avalanches est plus élevé. Une application informatique de la «méthode graphique de réduction» est proposée depuis quatre ans sur la plateforme en ligne www.skitourenguru.ch. On y trouve, pour 1000 itinéraires, une mise à jour quotidienne de l’évaluation du risque fondée sur le bulletin d’avalanches actualisé et sur des données topographiques numériques. Les résultats sont représentés sur une carte, en plages de couleur: vert (risque faible), orange (risque augmenté) et rouge (risque élevé). Werner Munter avait imaginé un slogan: «Calculer pour économiser la pelle! » Maintenant, on peut même économiser le calcul grâce à l’ordinateur. Il s’en charge dans une version modernisée de la «recette Munter»: la méthode quantitative de réduction (MQR). A la différence de la méthode classique de réduction, elle est dérivée directement du Big Data. Elle a été présentée cet automne dans le cadre de l’International Snow Science Workshop à Innsbruck.
Sur quoi se fonde la MQR?
L’Institut pour l’étude de la neige et des avalanches (SLF) a établi une base des données relatives à quelque 1500 événements d’avalanches. Elle a permis de calculer le degré de danger d’avalanches en relation avec la nature du terrain où elles pourraient se déclencher. Dans la plupart des cas, les accidents se produisent en terrain à caractère avalancheux bien établi et lorsque le degré de danger est élevé (ill. 3). En revanche, il est très rare que des randonneurs déclenchent des avalanches en terrain extrêmement raide et par «grand» danger d’avalanches (degré 4). Ce serait une erreur fatale de conclure qu’il n’y a pas de danger dans de telles conditions. L’absence d’accidents tient alors à ce que le degré 4 n’est que rarement pronostiqué, et qu’aucun randonneur ou presque ne se risque alors à traverser des pentes extrêmement raides. Pour connaître les risques statistiques, il ne suffit pas d’étudier les accidents. Il faut encore mettre leur occurrence en relation avec la fréquence des parcours.
C’est pourquoi les développeurs du programme de calcul se sont demandé dans quelles conditions les randonneurs avaient parcouru les différents terrains où des accidents s’étaient produits. A cet effet, ils ont dépouillé les données de 48 000 kilomètres de traces GPS de randonnées accomplies en Suisse. Ils ont relevé pour chaque point GPS le caractère éventuellement avalancheux du terrain et le degré de danger du moment. Il s’est avéré que les parcours empruntaient principalement des terrains de caractère faiblement avalancheux dans des conditions de danger jugé faible (ill. 4). Cela s’explique par le fait que même des courses difficiles se déroulent en terrains non exposés sur de longues distances, et que les randonneurs se déplacent souvent hors des zones présentées par le bulletin d’avalanches comme particulièrement problématiques. La MQR est ainsi établie sur la relation entre les données des accidents et la fréquence des parcours (ill. 1): pour un degré de danger donné et sur un parcours précis, le programme établit le risque statistique de déclenchement d’une avalanche.
Les évaluations du site www.skitourenguru.ch sont calculées selon la MQR depuis novembre 2018. Celle-ci est fondée sur le bulletin d’avalanches et sur une classification du terrain. Cette dernière exprime la prédisposition du terrain au déclenchement d’avalanches, prenant en compte la déclivité et l’ampleur de la pente, sa forme et sa couverture forestière. Le programme de calcul découpe l’itinéraire prévu en portions de 10 mètres et détermine pour chacun de ceux-ci le degré actuel de danger. Le calcul prend en compte aussi les données d’altitude et d’expositions critiques fournies par le bulletin d’avalanches. Le risque statistique d’avalanches peut être ainsi évalué pour chaque portion de l’itinéraire, grâce à la MQR. L’ensemble des risques de chaque portion est un indicateur du risque présenté par l’itinéraire dans son ensemble.
Renoncer à bon escient
La MQR révèle que la moitié des accidents d’avalanches se produisent sur une petite portion des distances parcourues (2%) (ill. 2). Aucune méthode ne peut cependant protéger entièrement des avalanches; seul le renoncement à toute course en montagne le pourrait. Son but est de réduire le risque d’avalanches à un minimum acceptable, en évitant autant que possible de renoncer à des courses. La notion d’«acceptable» n’a pas la même signification pour tous et doit être déterminée par le randonneur lui-même ou par le chef de courses. Ce qu’il faut savoir: plus la méthode distingue précisément les pentes risquées de celles qui le sont moins, plus il y a de chances de ne pas être contraint au renoncement. Et s’il faut choisir le renoncement pour un itinéraire donné, c’est avec un gain considérable de sécurité. Le réglage de la MQR est paramétré sur les situations suivantes: avec un renoncement au rouge, 60% des accidents ne se seraient pas produits, et 80% si le renoncement s’était fait au vert.
Comme toutes les méthodes de réduction, la MQR est une «recommandation de promotion de la santé». Dans l’intention de ses développeurs, elle ne fixe pas «une limite de ce qui est juridiquement acceptable». Si c’était le cas, le conseil de renoncement au «rouge» entraînerait une pénalisation judiciaire pour 60% de toutes les victimes d’accidents. Une telle utilisation condamnerait l’adoption de la méthode dans la communauté des randonneurs à skis, mettant en péril son efficacité préventive. Il convient donc de traiter les recommandations de cette méthode comme d’autres relatives à la santé: il est indubitablement salutaire de manger des pommes, d’emprunter l’escalier plutôt que l’ascenseur et donc d’utiliser la méthode de réduction. Qui ne s’y conforme pas vivra peut-être moins longtemps, mais c’est une décision personnelle.
Instrument classique de préparation de courses
Si l’on calcule le risque d’avalanches pour chaque point des Alpes suisses (et non seulement pour chaque portion d’un itinéraire), on obtient une carte des risques. De telles cartes sont publiées, pour certains degrés typiques de danger, sur le site www.skitourenguru.ch. On peut y voir quelles devraient être les conditions favorables à une course envisagée, et quel est l’itinéraire optimal à prévoir lors de la planification de la course. Les indicateurs de risque et les cartes des risques donnent de bons repères lors de la préparation, mais leur fiabilité n’est pas suffisante pour décider sur place de traverser une pente. Il en va de même du bulletin d’avalanches, dont la validité s’étend à de grandes régions et s’avère insuffisante pour un itinéraire précis. A cette lacune s’ajoutent les incertitudes de la modélisation de classification du terrain. Il convient donc d’en rester à la recommandation des spécialistes de la formation en matière d’avalanches: utiliser la méthode de réduction lors de la préparation et la compléter en route par l’évaluation classique. Sur place, cette dernière exige encore et toujours beaucoup de connaissances et d’expérience.