Entre Entlebuch et Emmental Flâner à raquettes de Sörenberg à Kemmeriboden
Entre les vallées de l' Emme et de la Waldemme s' étend un paysage varié, fait de sommets attirants, de forêts denses et de hauts-marais zébrés d' ombres légères. Cette région offre un cadre idéal aux randonnées à raquettes, mais il ne faut pas oublier de respecter une faune sensible.
C' est dans le magasin Volg de Sörenberg que nous établissons le premier contact avec la réserve de biosphère de l' Entlebuch. Sur les rayons, du « Biosphäre-Brot » cuit par le boulanger du Rothorn établi au village. Il s' agit de respecter le slogan « Think global, act local » et de consommer les produits régionaux. C' est bon pour l' environnement et cela soutient l' économie locale. En plus des articles de boulangerie et pâtisserie, on pourrait se laisser tenter par nombre d' autres produits de la marque « Echt Entlebuch », par exemple un délicieux fromage de brebis ou un salami fumé à l' épicéa. On peut aussi se procurer une eau-de-vie carabinée de l' Entlebuch, qui n' est toutefois pas à conseiller comme boisson fortifiante en course.
Ayant fait le plein de provisions, nous prenons la direction du Haglere. Partant derrière l' église, l' itinéraire emprunte une petite route montante, que l'on quitte après les dernières maisons pour chausser les raquettes. Dès lors, il s' agit de jouer les yétis en ouvrant sa trace dans les pâturages. C' est une montée facile jusqu' au chalet d' alpage Mittlist Gfäl, suivie d' une pente courte, mais raide, jusqu' à Dählebode. La déclivité est suffisante pour qu' il puisse y avoir danger d' avalanches. Il reste 150 mètres de dénivelé en pente douce jusqu' à la croix sommitale. Du Haglere, qui n' atteint même pas 2000 mètres d' altitude, on jouit d' un panorama étonnamment vaste: d' un côté le Brienzer Rothorn, de l' autre le Pilatus, le Fürstein, au loin le Stanserhorn et de nombreux autres sommets de la Suisse centrale. Rassasiés de contemplation et de pique-nique, nous suivons à la descente la longue arête nord en direction du Bleikechopf jusqu' à l' alpage de Rohr, puis le chemin d' été vers Flühli.
Le car postal nous attend ici pour nous conduire à Sörenberg, d' où nous prenons un minibus pour Salwidili. La dernière course quitte le village vers 16 h. Si l'on a pris du retard dans l' excursion au Haglere, il vaut mieux redescendre par l' itinéraire de montée pour ne pas avoir à bivouaquer à Flühli. A l' alpage de Salwidili, on peut passer la nuit au Berggasthaus Salwideli ou à la Bauernhof Salwideli ( ferme ). Cette dernière propose des chambres confortables avec petit-déjeuner. Ceux qui le souhaitent peuvent préparer leur souper dans une cuisine prévue pour eux.
Après une nuit tranquille dans le silence hivernal suivie d' un plantureux petit-déjeuner paysan à la table de la famille Rychener, nous abordons une région écologiquement fragile. Le début de l' itinéraire est balisé pour la pratique de la raquette jusqu' à l' alpage de Schlund. Il n' est ensuite pas nécessaire d' aller jusqu' au chalet d' alpage. On prendra à gauche dans une trouée de la forêt, avant de gagner la selle située entre le Böli et le Schibengütsch. Cette zone est au centre de la réserve de biosphère de l' UNESCO, et il convient de se montrer particulièrement discret. En effet, on y trouve diverses espèces de tétraonidés comme le tétras-lyre ( voir Les Alpes 12/2009 ) et même le grand tétras, presque éteint en Suisse. A l' ouest de la selle se dresse le Schibengütsch, dont on laissera l' accès escarpé aux skieurs. Les raquetteurs se tourneront à l' est vers le Böli qui leur conviendra mieux. La pente est moins raide, mais seulement du côté nord-ouest. Les trois autres côtés sont des flancs très pentus, voire même des parois verticales de rocher. C' est pour cela aussi que la vue sur le Mariental et le village de Sörenberg est si impressionnante.
Du Böli, l' itinéraire revient à la selle, puis au sud-ouest à Chlus, un chalet d' alpage où commence une autre piste de raquette retournant à Salwidili. Elle commence par une courte pente jusque sous les rochers du Böli, suivie d' une descente vers la route que l'on emprunte jusqu' à Schneebärgli. La trace suit alors un chemin étroit et enneigé le long des pentes abruptes du Schibengütsch jusqu' au restaurant de Kemmeribodenbad.
Comme son nom l' indique, le lieudit Kemmeribodenbad ( bains de Kemmeriboden ) présente une source sulfureuse et ferrugineuse exploitée pour des bains médicinaux depuis le début du 19e siècle. La source a toutefois été découverte vers 1750 déjà, sous l' Ancien Régime. C' est une puissante concurrence qui empêcha son exploitation commerciale durant quelque quatre-vingt ans. Comme l' eau de Kemmeriboden est d' une qualité comparable à celle de Gurnigel, l' octroi d' une patente au propriétaire de la source se heurta à une forte opposition. L' établissement de cure de Kemmeriboden ne fut construit qu' à la fin du 19e siècle, comme on peut le lire sur un carton affiché dans le restaurant. L' ensemble des bâtiments est aujourd'hui placé sous la protection de Patrimoine suisse. D' autre part, on peut lire dans les nombreux guides du CAS qu' il y a dans les environs suffisamment de sommets à conquérir. Par exemple, le flanc nord saupoudré de neige du Schnierenhörnli, qui apparaît sur la carte 1: 50 000 sous le nom de Schnierenhireli, attire le regard à l' arrière du Hohgant. Plus loin et au nord-ouest, la croupe aplatie du Wachthubel promet derrière Schangnau de belles heures de balade aux raquetteurs. Mais ce sera pour une autre fois.