Congrès d’alpinisme à Innsbruck. Des opinions un tant soit peu élitistes | Club Alpin Suisse CAS
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Congrès d’alpinisme à Innsbruck. Des opinions un tant soit peu élitistes

Des opinions un tant soit peu élitistes

Congrès d' alpinisme à Innsbruck

Annoncé comme une contribution importante à l' Année internationale de la montagne ( AIM ), le congrès international d' alpinisme « Future of Mountain Sports » 1 ( L' avenir des sports de montagne ) a été organisé à Innsbruck, du 6 au 8 septembre, par les Clubs alpins autrichien et allemand. Cet objectif ambitieux s' est toutefois réduit à la discussion d' un ensemble de règles « éthiques » proposées par les responsables du congrès: la « Déclaration du Tyrol ». Ces règles devraient constituer les bases « propres à fonder un comportement éthique dans les sports de montagne ».

En cette Année internationale de la montagne, Innsbruck a offert un cadre agréable, multiple et attrayant à cette rencontre réunissant des alpinistes connus – de nombreuses « légendes vivantes » étaient de la partie – et les représentants de 23 associations alpines. Un document de 16 pages, intitulé « The Mountain Code », avait été préalablement envoyé aux participants pour une prise de position. Celui qui ne se laisse pas aveugler par le concept éculé d'«éthique » constatait rapidement que ce code était avant tout inspiré par la volonté d' une élite d' alpinistes désireuse de délimiter et de préserver ses intérêts.

Alpinisme en crise? C' est ainsi que la « Déclaration du Tyrol » a été présentée lors du congrès. Ce texte est en fait une version remaniée du « Mountain Code », mettant principalement l' accent sur l' esprit d' aventure, l' assurage par ses propres moyens, la « morale », la résistance psychologique au risque et au stress désignés comme niveaux définitivement supérieurs de « l' éthique » alpine. En revanche, tout ce qui pouvait découler d' une pratique élargie, comme l' alpinisme en famille, avec des jeunes ou des enfants, ou encore tout ce qui touchait à la demande d' iti bien équipés et assurés, était pratiquement écarté et ignoré. Rien d' étonnant à cela puisque les hôtes « choisis » qui avaient été invités à Innsbruck partaient du principe que l' alpi est en crise, précisément en raison de la large pratique et de la faveur dont il jouit. Or, c' est justement de cette crise que les « vrais » alpinistes entendaient le sortir grâce à la « Déclaration du Tyrol ». C' était particulièrement vrai pour le groupe de travail censé traiter de « l' éthique ». Mais que faire lorsqu' il n' y a pas de « patient Alpinisme » à soigner? Y a-t-il un sens à vouloir lui injecter, contre sa volonté, une dose d' éthique? Lors d' un sondage organisé sur son site Internet par une revue de montagne, plus de 80 % des quelque 900 personnes qui ont répondu se sont prononcées contre l' établissement de règles en matière de sports de montagne.

Si l' élargissement de la pratique de l' alpinisme avait été pris en compte par les responsables du congrès, la « Déclaration du Tyrol », et tout particulièrement ses composantes élitistes, auraient dû être fondamentalement remises en question. Il en aurait résulté une refonte complète, incluant les questions relatives à un sport dont la pratique s' élargit et se diversifie. C' est aussi un choix très différent des participants qui se serait imposé. Et, en premier lieu, il aurait fallu inviter davantage de participantes. En effet, la gente féminine manquait largement dans cet univers masculin où il n' était question que d'«esprit d' aventure » et de « risques ».

Contre-courants Les nouvelles formes de sports de montagne apparues au cours des dernières années et décennies ont accentué la disparité des conceptions que s' en font leurs amateurs et engendré des idées très divergentes quant à ce qui est « éthiquement » correct. En outre, ces idées se sont à ce point éloignées les unes des autres que la compréhension mutuelle a quasiment disparu.

Tournés vers une image de l' alpinisme faite d' élitisme, d' aventure et d' héroïsme, les tenants d' une façon de voir « idéologique » voudraient que l'on renonce à toute forme d' assurage fixe et autres moyens auxiliaires pour en revenir en quelque sorte aux anciennes pratiques. Face à cela, c' est une position « sportive et pragmatique » qui est défendue – à sa-

1 Voir Internet www.mountainfuture.at Le centre de congrès d' Inns a formé un excellent cadre pour cette manifestation organisée par les clubs alpins allemand et autrichien Premier jour du congrès. Un spectacle multivision a clôturé la soirée: sous la direction de Peter Jan Marthé ( debout à gauche ), l' Orchestre philharmo-nique d' Europe a interprété la Symphony of the Mountains pendant que défilaient sur un écran géant les photographies de Heinz Zack ( debout à droite ) LES ALPES 11/2002

voir l' alpinisme comme sport populaire et comme discipline de compétition – prônant l' optimisation de la sécurité, le plaisir du mouvement et la liberté personnelle dans l' exercice.

Aujourd'hui, c' est la position « sportive et pragmatique » qui gagne de plus en plus d' adeptes, et ce, grâce à un développement orienté vers une pratique large et ouverte. Les partisans des vues « idéologiques » estiment, quant à eux, que cette position remet de plus en plus en cause l' alpinisme « pur et dur » – à savoir sur des parois où il n' y a aucun assurage fixe en place – et donc les valeurs de ceux qui le défendent. Le congrès d' Innsbruck a été l' expression de cette attitude de défense, soutenue par le programme établi et le choix des participants. La partialité qui en a été la conséquence est, et reste, le défaut majeur de la « Déclaration du Tyrol ».

La position du CAS Tant au cours de la procédure de consultation du « Mountain Code » que pendant le congrès, le CAS s' est efforcé de mettre en évidence les aspects de l' alpi entendu comme sport populaire. Par ailleurs, l' utilisation inflationniste et sans nuance de l' idée d' éthique a été critiquée par le CAS. Il est apparu tout au long du congrès que la grande majorité des participants – pas une seule femme dans le groupe de travail « Climbing Ethics » ( éthique de l' escaladeavaient une idée très vague des développements de sport de masse que prend l' alpinisme. Ainsi, seule la Suisse s' est démarquée comme représentante d' un sport pour chacun et comme pays offrant de nombreux itinéraires équipés de bons points d' assurage. Que l' alpinisme populaire soit venu de France et d' Italie et qu' il se soit imposé dans une grande partie de l' Europe du Sud n' a pas été mentionné, ce qui n' avait rien d' étonnant puisque la France n' était même pas représentée. Il n' était pas moins stupéfiant de constater que, lors de ce congrès, l'on ignora tout simplement le fait que des milliers d' Allemands et d' Autrichiens, mais également de Britanniques, pratiquent en France, en Italie et ailleurs, une forme de sport de montagne jugée comme « éthi-quement de moindre valeur » par « The Mountain Code ».

Les propositions du CAS, ainsi que son projet de directives plus succinctes et plus ouvertes à l' égard du sport pour tous, ont été accueillies positivement et soutenues de divers côtés. Mais, elles n' eurent aucune chance face à une déclaration qui d' emblée s' était positionnée de manière totalement différente.

Conclusion Les clubs alpins autrichien et allemand ont eu le courage, pour l' Année internationale de la montagne, d' organiser un congrès. Il faut les en remercier. Comme la petite délégation du CAS a dû se concentrer sur un seul groupe de travail 2, on ne peut donner ici une vue d' ensem de tout ce qui s' est passé. Tout comme le congrès qui a été marqué par une certaine partialité, ce compte rendu, par la force des choses, n' en est pas totalement exempt.

La suite de la « Déclaration du Tyrol » et même son contenu définitif, au moment de mettre sous presse, ne sont pas encore fixés clairement. Contrairement à ce qu' affirme la direction du congrès dans son communiqué final, il n' y a d' ailleurs aucune obligation pour les associations d' alpinisme « de se charger de l' application dans le monde entier de la déclaration». a

eg ( trad. ) 2 Il s' agissait du groupe de travail « Climbing Ethics ». Précisons qu' il y avait encore quatre autres groupes: « Risk, Responsibility and Social Con-duct », « Special Problems of Alpine Interaction », « Access and Conversation » et « Climbing and Eco-nomy ». Le groupe de travail « Climbing Ethics » était, quant à lui, un groupe très important puisque c' est lui qui fournissait les thèmes que les autres groupes avaient à traiter. C' est la raison pour laquelle le CAS s' est surtout concentré sur ce groupe.

Lors de la soirée d' ouverture, on a pu entendre Reinhold Messner ( que l'on voit sur l' illustration ) et Alexander Huber Chaque groupe de travail a rédigé des textes sur différents thèmes. Les questions de fond de la « Déclaration du Tyrol », ses contradictions ainsi que la problématique relative à la terminologie utilisée n' ont pas fait l' objet d' un débat Le premier jour du congrès, ouvert à toutes les personnes intéressées, a été suivi d' une introduction à la thématique samedi et d' une présentation finale dimanche, dans le cadre d' une assemblée plénière comprenant autour de cent invités Pho to s:

« kle tte rn » /V olke r L eu ch sne r LES ALPES 11/2002

Escalade libre / Compétition

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