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A la Patrie!

Remarque : Cet article est disponible dans une langue uniquement. Auparavant, les bulletins annuels n'étaient pas traduits.

par M. B. Grivel, président de la section des Diablerets du C.A.S., le 13 septembre 1925,

Nous sommes heureux de présenter à nos lecteurs le résumé de la belle allocution prononcée à la Petite Scheidegg, à l' occasion de la Fête centrale du Club Alpin Suisse.

Une tradition bien naturelle veut que dans nos fêtes la patrie soit célébrée. En effet, à travers et par le culte de la montagne, celui de la patrie est à la base de notre association; l' idée de patrie lie le faisceau de nos groupements.

Le visage de la patrie est, pour tout Suisse, la montagne, dont il garde l' image empreinte pour toujours dans la rétine du souvenir. Aux horizons qu' il évoque lorsqu' il pense à son pays, toujours, pour un Suisse, se superpose la cime blanche. La montagne est son rempart, comme elle a été le berceau de son indépendance; comme l' a dit le poète, la liberté aime y à poser ses pieds nus et sauvages.

Nous, alpinistes, nous sommes des privilégiés: la montagne nous donne nos plus belles joies, sa paix, sa sérénité, sa beauté; nous y reprenons conscience de nous-mêmes et confiance en nous-mêmes; l' effort qu' il faut pour la conquérir est récompensé par le bonheur physique du grimpeur, par une euphorie puissante, comme par la joie grave que suscite la contemplation des plus grands spectacles de la nature. Ni l' âge, ni la maladie ne peuvent nous ravir le souvenir des heures d' or passées là-haut.

Si nous ne cherchons à la montagne que des jouissances pures, salutaires, et désintéressées, ce sont quand même des jouissances égoïstes, qui peuvent illuminer notre vie, mais ne rayonnent pas au-delà de nous-mêmes. En re- tour de ses dons magnifiques, nous devons à la montagne, c'est-à-dire à notre pays, l' hommage actif de notre bonne volonté. Mais comment le rendre?

Chacun déplore les déficits et les difficultés du présent: baisse de la conscience professionnelle, désir effréné de gain et de jouissances, désarroi moral, désordre intellectuel, contradictions des systèmes qui s' affrontent. Et beaucoup se découragent, renoncent à un effort qu' ils ne savent pas où diriger.

Pourtant, rien n' est perdu. L' avenir dépend de nous, il est en nous, et il sera meilleur si nous le voulons meilleur. Au surplus, notre pays a traversé des crises plus graves; aussi n' avons pas le droit de désespérer de l' avenir d' une patrie que tous les peuples nous envient, parce qu' elle assure à ses citoyens un maximum relatif de paix, de sécurité et de justice sociale.

Il en est ici comme de la montagne, que la nuée et l' orage peuvent cacher et rendre inabordable pour un temps, mais qui reparaît, plus brillante et plus belle.

Si nous voulons lui témoigner notre gratitude, nous n' avons qu' à recueillir et à mettre en pratique son enseignement. Lorsque nous gravissons un sommet, nous regardons de temps à autre vers lui pour assurer notre direction et mesurer le chemin parcouru, mais avant tout, nous fixons nos regards à nos pieds, devant nous, pour diriger l' effort immédiat et surveiller le travail effectif.

Ceux qui se découragent dans l' effort social font comme ceux qui se contentent de lever les yeux vers la cime sans regarder à leurs pieds le chemin pour y atteindre. Ils cherchent aux difficultés présentes des solutions trop théoriques et trop lointaines. La solution ne serait-elle pas simplement dans l' exécution consciencieuse du devoir de chaque jour? Si chacun, dans son rayon d' activité, remplit complètement et proprement son devoir, si humble soit-il, il aura beaucoup fait. Du travail consciencieux à l' usine, au champ, au bureau, à l' école; du travail honnête et un esprit de gentillesse et de bienveillance vis-à-vis du prochain, du compagnon de labeur: voilà la marche pas à pas, efficace, que la montagne nous apprend, et voilà aussi comment nous pouvons être plus et mieux que des amis et des admirateurs de la montagne: des citoyens qui travaillent à créer plus de bonheur autour d' eux, et à maintenir, par leur exemple, ces traditions d' honnêteté et de conscience qui restent encore notre plus grande richesse nationale.

B. Grivel, Président de la Section des Diablerets.

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