Agonie
«Au moins 1100 glaciers suisses auront disparu d’ici 2100.» Le pronostic «robuste» du glaciologue Matthias Huss de l’EPFZ est sans appel. La fonte des glaces s’accélère partout. Dans les Alpes, les Andes et en Himalaya, en Arctique et en Antarctique, la réalité dépasse toutes les prévisions des modèles les plus sophistiqués.
Je songe à ces initiatives consistant à couvrir un bout de glacier d’une bâche de feutre épais à la couleur blanche pour mieux réfléchir le soleil. Des actions censées freiner la fonte. Ici, pour protéger une grotte glaciaire aménagée en site touristique; là, pour préserver un tronçon dédié au ski. Comme si l’on donnait les soins palliatifs à un mourant maintenu dans des draps sales. Ces tentatives d’exploiter la disparition de nos glaciers me semblent toujours plus absurdes. Fichons-leur la paix! Laissons-les mourir en silence!
Ni cet artifice dérisoire, ni les discours sur le développement durable, ni les actions spectaculaires des écologistes radicaux ne sauveront nos glaciers. C’est foutu. Alpinistes, nous observons les paysages de désolation laissés par le récent retrait des glaciers. Quand des fatras d’éboulis terreux forment une couverture brunâtre là où scintillait la glace. A l’approche des refuges ou sur les voies d’ascension, combien d’itinéraires classiques déjà réinventés pour éviter des chutes de pierres devenues incessantes? L’agonie des glaciers impacte nos pratiques, le château d’eau se vide lentement. Vertige!
Solidaire du peuple inuit, je voudrais défendre le «droit au froid». La reconnaissance du bien-être environnemental comme un droit humain fondamental. Cependant, je sais que nous avons la Terre que l’on mérite. Depuis trop longtemps, nous sommes collectivement sourds et aveugles aux indices du changement climatique. Nous ouvrons à peine les yeux, et… Qu’il est difficile de ne pas nous mentir! Bien sûr, la technologie aidera à limiter la casse, elle créera de nouvelles opportunités. Mais nous pressentons que sauver la planète sans réformer en profondeur nos modes de vie, ça ne marchera pas.