La question de l’âge est un sujet délicat… Celles et ceux qui ont déjà fêté quelques anniversaires ronds le savent bien. Dans notre société, avoir l’air plus jeune est presque une obligation, et vieillir aussi, mais sans devenir vieux. Pour certaines choses, c’est exactement pareil - ou justement l’inverse. Les amateurs d’art diront d’un tableau dont la peinture est sèche depuis au moins 200 ans, que c’est une « ancienne pièce de maître ». En même temps, lorsque les hommes admirent une voiture de collection, ils ont déjà les yeux qui brillent. Mais parfois, il arrive que la première impression soit trompeuse, l’œuvre d’art est une bonne imitation, comme la nouvelle via ferrata avec déjà plus d’un siècle au compteur. En ce qui concerne la via ferrata de Pinut, à travers les falaises du Crap da Flem, il s’agit de ce genre de faux vétéran. Les prairies de Pinut étaient déjà exploitées vers l’an 1800 par les paysans de Fidaz, mais le foin ne suffisait probablement que pour une vache. « ’s Bettla versumt » (reste plus qu’à mendier) dit-on dans ce cas. Mais Christian Meiler-Brun, hôtelier à Flims, avait une autre idée pour cet îlot de verdure suspendu entre les falaises grises au-dessus des toits de Flims. Avec l’Italien Maurer Alberto Daloli, il ouvrit en 1907 une via ferrata à travers les 500 m de la paroi S du Flimserstein, ralliant les prairies de l’Alp Stavel Sut, comme attraction touristique ! Encore en 1949, l’office du tourisme décrivait « l’ascension par les tunnels naturels dans les rochers et par des échelles en acier » comme une « expérience inoubliable ». Par contre on faisait aussi peu mention des lièvres et des marmottes délogés par le dynamique hôtelier, que des mélèzes ou des arolles qu’il avait fait planter là-haut sur la montagne. La via ferrata au tracé audacieux passait au-dessus de la paroi de départ, à travers un tunnel naturel, ce qui donna l’idée à Christian Meiler-Brun d’y installer une solide porte. Pour visiter le Pinut, il fallait donc chercher la clé à son hôtel – moyennant une obole bien entendu. Mais cet habile entrepreneur avait compté sans la réaction d’un visiteur, pardon d’un chasseur qui s’était trouvé devant la porte fermée. On entendit certainement la détonation jusqu’au village, et le trou de la balle dans la porte (maintenant toujours ouverte) est encore visible… Au final, l’entreprise Pinut ne fut pas un grand succès. Avec la Première Guerre mondiale, le tourisme dans les Alpes vécut une période creuse, et par la suite l’historique via ferrata tomba petit à petit en ruine. Ce n’est que depuis quelques années que les habitants de Flims se sont souvenus de ce monument culturel. Depuis l’été 2007, la nouvelle vieille via ferrata est praticable sans problème par tous les adeptes d’aventure qui ne souffrent pas de vertige.