Le peintre Maurice Mathey
Par Emile Hornung.
Il est rare qu' on puisse dire d' un peintre que sa conception artistique n' a jamais varié. Je ne sais pas de plus bel éloge de sa personnalité ni de preuve plus éclatante de sa probité.
Maurice Mathey est de ceux-là.
J' eus le plaisir — voici hélas pas mal de lustresd' être son camarade d' études à l' Ecole des Beaux-Arts de Genève. Déjà à cette époque où nous nous efforcions, toute une bande de jeunes rapins, de nous découvrir quelque talent, nous enviions à Mathey la franchise de sa touche et son sens de la simplification. Déjà, dans les pochades faites aux environs de Genève pendant un adorable printemps de 1905, se marquait chez lui cette décision du trait, cette clarté et ce choix net de la couleur, qualités que nous retrouvons aujourd'hui, plus épurées encore, plus ordonnées, dans l' œuvre créée en pleine maturité de son talent.
Mathey a trois amours: le Jura, la Bretagne, le Valais.
Natif du Lode, il connaît à fond son Jura neuchâtelois. Il en a peint tous les aspects, en toutes saisons, sous la neige ou le soleil d' été, il en a dit aussi la tragique beauté dans sa toile « Désolation », qui est la propriété de la Confédération.
Ce tragique, il en a retrouvé l' écho en Bretagne, au bord de l' océan. A Camaret-sur-Mer — son coin préféré — où plane encore l' ombre de Cottet, dont il fut l' élève, l' artiste a maintes fois amarré sa toile. Accroché comme il peut sur une falaise, sans souci des embruns et du vent, il observe et note avec la même justesse les jeux de la lumière sur les rochers bruns ourlés d' écume qu' il le fait des roches du Doubs environnées de sapins noirs. Ici comme là il est à l' aise, il s' emballe et son tempérament se lâche à toute bride devant ces vastes horizons. Nous n' oublierons pas de sitôt les magnifiques séries que ces pays lui ont inspirées.
Mais à tant de puissantes visions il fallait un correctif plus tendre. Le Valais, aimablement, le lui a fourni.
Dans la région de Sierre — dont il a fait en quelque sorte sa patrie d' élec — la lumière est déjà presque méridionale, les tons s' apaisent, les montagnes fuient sans dureté et si, au loin, apparaissent les hautes cimes, elles semblent, dans ce décor si riant et si chaud, montrer quelque honte de leur austérité.
Mathey l' a admirablement compris. Il n' est pour s' en convaincre que de regarder la planche ci-contre où, dans le dénudement coloré des vignobles, deux petits lacs sont piqués comme des turquoises entre les buissons roux. Toute l' âpre richesse des coteaux valaisans — et leurs promesses! —toute leur poésie est là.
Si je disais au début qu' il est rare qu' un peintre trouve sa forme d' emblée, il ne l' est pas moins que ce peintre ait su trouver les motifs les plus propres à l' inspirer.
Maurice Mathey, décidément, doit être un peintre heureux...
Die Alpen — 1939 — Les Alpes.26