L'art du relief en Suisse romande
en Suisse romande
Deux heures de voiture à peine de Genève et déjà s' élève le plus grandiose ensemble des monts alpins, la chaîne du Mont Blanc, la plus haute arête des Alpes, la plus haute de l' Europe; un massif granitique issu des temps les plus reculés, aux pointes hardies durement crénelées et qu' inondent les névés couleur d' argent et les cascades de glace.
Bien que les articles de cette publication ne traitent que des reliefs de sommets helvétiques et que le point culminant de la « grande montagne » soit à 17 kilomètres de notre frontière nationale, nous ne pouvons nous permettre d' exclure cette merveille. L' une de ses plus belles cimes d' ailleurs, l' Aiguille d' Argentière, et bien d' autres encore, se trouvent aux confins de la France et de la Suisse. Et la chaîne du Mont Blanc forme le pilier sud-oc-cidental des Alpes suisses.
Le Genevois H.B. de Saussure ( 1740-179g ) fut le premier à l' explorer; et il est à l' origine de la première ascension ( Paccard et Balmat en 1786 ), puis une année plus tard, de Saussure en personne parvenait au sommet, un événement qui déclencha les débuts de l' alpinisme. Les crêtes granitiques, les crevasses de ce massif allaient devenir le terrain de jeu des grimpeurs genevois.
C' est également à un Suisse que l'on doit la première représentation plastique du Mont Blanc. Qui était cet artiste? Quand vivait-il et qu' a produit? Dans la revue mensuelle du CAS, Louis Seylaz a parlé très en détail de ce sujet, sous le titre: Un émule de H.B. de Saussure, Charles-François Exchaquet, ij46-ijg2 ( Les Alpes, :935 P-187)- De Saussure avait vu à Lucerne le relief de la Suisse centrale, œuvre de Pfyffer. Il a été également en relation avec Meyer, à Aarau. De temps à autre, de Saussure et Exchaquet parcoururent ensemble les glaciers du Mont Blanc. Ils franchirent de concert, à partir de Chamonix, le Col du Géant et descendirent jusqu' à Courmayeur. Leurs pensées suivaient les mêmes chemins.
Exchaquet, un Vaudois, naquit à Court dans le Jura bernois. De i 780 à sa mort, il fut directeur général des Mines et Fonderies du Haut-Fauci-gny/Haute-Savoie. En cette qualité, il habitait à Servoz, à l' entrée de la vallée de Chamonix. A côté de son activité professionnelle dans les Mines et Fonderies, il explora avec passion les parages du Mont Blanc. Louis Seylaz le présente comme un homme au grand cœur, toujours prêt à rendre service: « Nul savant, nul touriste ne faisait le voyage aux glaciers sans s' arrêter à Servoz, où Exchaquet les accueillait et les faisait profiter de son expérience. Plusieurs d' entre eux, arrivés en étrangers, repartaient charmés par l' accueil chaleureux, la modestie, le savoir de leur hôte et s' honoraient de le compter désormais comme ami. Ce fut le cas entre autres du pasteur Wyttenbach de Berne, de H.A. Gosse et de H.B. de Saussure qui le tenaient en la plus haute estime, non seulement pour sa science, mais aussi pour la noblesse de son caractère. » Comme pour couronner ses explorations, Exchaquet élabora un relief de la région du Mont Blanc, à l' échelle approximative de 1 144000 à 1150000, aux montagnes très exagérées en altitude. Il est le plus souvent illusoire en pareil cas de préciser les échelles verticales ( comme on le fait souvent dans la littérature professionnelle ), car dans le même relief les valeurs sont fréquemment très différentes. La surface de base du modèle était de 30 cm sur 55 cm. La région reproduite comprenait la chaîne du Mont Blanc ( de l' Aiguille du Tour jusqu' à la cime, même du Mont Blanc ), la vallée de Chamonix ( du col de Balme jusqu' au de Servoz ), ainsi que la chaîne des Aiguilles Rouges jusqu' au Brévent. Il ne semble pas qu' Ex ait procédé à des relevés topographiques comme l' avait fait Joachim Eugen Müller. Il prit pour base ses propres reconnaissances sur le terrain et de nombreux relèvements au compas. Concernant l' exactitude des lieux et des formes, ce premier relief du Mont Blanc se place entre la Suisse centrale de Pfyffer et les modèles alpins de Müller, parfois même en bon rang parmi ces der- niers. Très frappante est la concordance des dates suivantes: de Saussure au Mont Blanc en 1787, relief d' Exchaquet terminé en i 788, Joachim Eugen Müller entame son activité topographique en 1788. En ce temps-là donc, il n' y a pas seulement démarrage de l' alpinisme, mais encore, avec Tralles, Weiss et d' autres, mise à exécution d' une nouvelle topographie à l' échelle nationale. Exchaquet avait reporté très exactement sur son relief l' itinéraire suivi par de Saussure dans son ascension du Mont Blanc. Il eut ainsi le plaisir de voir rejaillir sur lui-même, constructeur de ce modèle, l' intérêt général. Il confia à des sculpteurs sur bois le soin d' exécuter quelques copies pour la vente, mais alors il avait déjà entrepris, comme nous le verrons, la fabrication de nouveaux modèles.
C' est certainement l' œuvre originale d' Excha qui se trouve à Genève; elle appartient à la section Genevoise du CAS ( illustration 86 ). Un second et meilleur exemplaire avec la mention « d' après Exchaquet » a été également conservé. Il est en papier mâché, aux dimensions de 43/67 cm. Propriété de M. de Saussure, à Genève, il est en dépôt à Vufïlens-le-Château ( illustration 87 ). Qui peut bien avoir confectionné ce deuxième relief? Nous ne le savons pas exactement. Dans son article de 1935, L. Seylaz avance le nom d' un élève très doué d' Exchaquet, J.B. Troye, qui devait plus tard émigrer en Angleterre, où il fonda une petite imprimerie et se mit en outre à bricoler des reliefs en papier mâché. Vers 1815, il exposa à Londres des reliefs du Mont Blanc. On a conservé de lui, au moins jusqu' en 1939, deux reliefs, à l' échelle de 1:32000 environ, l' un du Simplon, l' autre du Mont-Cenis. On peut donc dire que Troyeaeule mérite d' introduire en Angleterre fart de modeler des reliefs alpins ( Thorington 1939 ).
Une copie du relief du Mont Blanc par Exchaquet se trouvait à Chambéry jusqu' en 1870 environ. Napoléon doit l' avoir vue lors de son passage dans cette ville en 1805. Il ne s' y est pas intéressé ( Berthaut, tome 1, page 300, 1902 ). Il faut croire que les glaciers crevasses lui semblaient trop froids pour servir de champ de bataille!
Le Musée alpin de Munich en possédait aussi un exemplaire qui fut détruit lors de la Seconde Guerre mondiale.
Chaque fois qu' il livrait ses modèles aux marchands, Exchaquet y ajoutait judicieusement des échantillons des minéraux prélevés dans les territoires concernés.
Au Musée alpin de Berne on peut voir une copie agrandie du relief du Mont Blanc d' Exchaquet; l' auteur en est Charles Dupuy ( 1807, échelle I :40 000 ). C' est le plus ancien des modèles exposés dans cette institution ( fig. 88 ). Il frappe par son « primitivisme », provoquant l' admiration tout en faisant sourire. Techniquement cet ouvrage n' est pas à la hauteur des possibilités de ce temps-là. Pour orner sa vitrine, n' importe quel confiseur est en mesure de faire mieux. Un sac plein de plâtre et un cœur bien disposé sont à vrai dire indispensables à ce genre d' entreprise, mais cela ne suffit pas à en assurer le succès.
Dans les milieux intéressés, la réputation des reliefs d' Exchaquet était largement répandue, preuve en est le fait suivant, rapporté par Hanno Beck, biographe du célèbre géographe allemand Karl Ritter ( 1779-1859 ), pionnier avec Alexandre de Humboldt de la géographie scientifique: Au début d' août 1807, Ritter parvint à se rendre en Suisse.
II s' était préparé comme un explorateur. Par amitié pour lui, Bethmann-Hollweg, en ce temps-là son patron, avait fait venir de Genève plusieurs bas-reliefs de cire ou de plâtre, reproductions fidèles du Pays de Vaud, du Mont Blanc, du Saint-Gothard et du Simplon. Cette enumeration permet de conclure qu' il s' agissait de modèles provenant de l' atelier d' Exchaquet. Le voyage de Ritter se termina par une visite à Yverdon, auprès de Pestalozzi, et à Aarau chez J.R.M.eyer ( Beck 1979 ).
Une seconde fois encore, nous rencontrons Ritter au sujet d' un relief du Mont Blanc. Le fabricant de globes terrestres et de reliefs Karl Wilhelm Kummer, de Berlin ( 1785-1855 ), avait demandé à ce savant un compte rendu relatif à son modèle. Comme il est d' usage chez les professeurs, Ritter le fit longuement attendre, jusqu'au jour où devait enfin paraître die schöne und lebendig geschriebene « Geographisch-historisch-topographische Beschreibung zu K. W. Kummers Stereorama oder Relief des Mont Blanc-Gebirges und dessen Umgebung » ( Berlin i 824 ). Cet ouvrage, d' une irréprochable ordonnance, est l' un des plus beaux de Ritter. Il devrait compter parmi les descriptions classiques de la géographie ( Schmitthenner 195On sait que le Pays de Vaud était alors ( XVIIIe siècle ) assujetti à Berne. Les salines de Bex se trouvaient aux mains des Bernois. Le Conseil de la République de Berne chargea Exchaquet en i 786 de fabriquer un grand relief du bailliage d' Aigle. Une carte de I.G. de Rovéréaz servit de base à ce travail. Ce personnage, un eminent géomètre, fut directeur des salines de Bex de 1725 à 1758. Il y a là un cas très rare d' un relief topographique engendré par des intérêts industriels et économiques. Pour cet ouvrage, qui mesure environ 133 sur 143 centimètres, Exchaquet à choisi une échelle d' exceptionnelle grandeur: en gros de 1:15400 à i :16600, donc une moyenne de 1: 16000. Exchaquet décrit son échelle de la manière suivante: un pied du Roy carré pour représenter une lieue carrée de surface ( illustration 85 ). Il comprend la plus grande partie des Alpes vaudoises avec la Dent de Mordes, le Grand Muveran, les Diablerets jusqu' au col du Pillon et au-delà les vallées et les hauteurs d' Ormont et d' Ormont. La base en est en bois superficiellement recouvert de plâtre, de cire ou de mastic. Le modelage est admirable. On peut y voir les emplacements des saunages et même les salines dans la plaine du Rhône. Des lignes rouges désignent les limites des paroisses; pointillées en blanc, celles des forêts attribuées aux salines. De petits grains de cristal signalaient les glaciers, les névés furent peints en blanc, les églises, les tours sculptées dans le bois, les localités ou autres lieux, etc. pourvus d' étiquettes numérotées qui renvoyaient à un catalogue explicatif.
Le relief fut d' abord déposé à Aigle. Après la révolution, une fois le Pays de Vaud indépendant, les Bernois emportèrent leur bien à Berne, puis le déposèrent au Musée historique de leur ville. Ils finirent enfin, vers 1900, par le donner à un musée lausannois. En 1964 il parvint à Aigle. On le relégua dans une école où de vilains garnements le traitèrent fort mal. A la dernière minute, le directeur du Musée suisse du sel prit en considération cette merveille. Il en reconnut l' importance, le fit réparer. Aujourd'hui chacun peut le voir librement.
Les choses allèrent plus mal encore pour une copie de ce modèle. Avant que les Bernois n' empor leur relief à Berne, les Vaudois chargèrent Charles Dupuy d' en faire une copie, non pour des raisons historiques ou artistiques, mais encore une fois en vertu d' intérêts économiques. Ce modèle resta au château d' Aigle jusqu' au jour où, il y a une quinzaine d' années, quelques ouvriers du bâtiment le jetèrent par ignorance sur un monceau de décombres. Ce fut la fin.
Charles-François Exchaquet ne pensait pas cependant à se reposer sur ses lauriers. Avec ses amis, les naturalistes Berthoud van Berchem et Henri Struve, il explora la région du Saint-Go-thard du point de vue pétrographique et minéralogique. Il se mit ensuite à reproduire ce territoire en relief. L' œuvre fut achevée en 1791, avec la mention: le Mont Saint-Gothard et les Montagnes et Vallées voisines. Echelle en direction est-ouest: 1:54000 à i :68000; du nord au sud jusqu' à 1:45000, montagnes très exagérées en hauteur. Dimensions: environ 40 sur 50 cm. Délimitation de l' espace: Galenstock - Schöllenen - Fellilücke - Oberalppass - P. Rondadura - Passo dell'Uomo - Val Piora - Ambri - All'Acqua - Gletsch. En plus d' un endroit, surtout dans la région Airolo col du Saint-Gothard -Andermatt, tout est excellemment rendu. Ailleurs, quelques endroits périphériques laissent beaucoup à désirer. Mais c' est le plus ancien relief de la région que traverse ce col fameux ( illustration 89 ). Il nous intéresse donc de très près. Exchaquet fabriqua également un modèle de la même contrée, à plus petite échelle: environ 1 :92000, 24 sur 27 cm. Ces deux ouvrages sont la propriété de la section Genevoise du CAS.
Malheureusement pour notre enquête, on n' en retrouva qu' un seul. On se réjouirait fort si ces précieux et rares objets pouvaient trouver place dans un musée approprié, en exposition permanente et publique... C' est manifestement après avoir termine le plus grand de ces deux reliefs qu' Excha, Struve et van Berchem dressèrent une carte pétrographique de ce territoire. Elle a paru en 1792. Ils rédigèrent aussi un Itinéraire du Gothard, d' une partie du Valais et des contrées de la Suisse que l'on traverse ordinairement pour se rendre au Gothard, accompagné d' une carte lithographique des environs de cette montagne ( Bâle, 1795 ).
Il faut encore signaler, avant de nous séparer d' Exchaquet, qu' il a confectionné des reliefs en porcelaine à partir de quelques-uns de ses modèles, et ensuite probablement du Pays de Vaud. Il avait à cet effet fondé à Genève, en 1790, une manufacture de porcelaine, qui produisait aussi des articles de faïence. Ces objets de petite taille et solides devaient se vendre plus facilement. On pouvait les emporter dans un sac de voyage comme des cartes de géographie et les consulter sur les lieux mêmes. Il ne reste pas une seule de ces « choses » aujourd'hui.
En 1792 Exchaquet fut enlevé prématurément par la mort, alors qu' il était encore en pleine activité. Il ne devait pas connaître les succès matériels et spirituels de son œuvre de créateur. Mais pour nous, en ce qui concerne la confection de reliefs alpins topographiques en Suisse, il compte parmi les tout grands pionniers, aux côtés du lieutenant-gé-néral Pfyffer et de Joachim Eugen Müller.
Bien peu des ouvrages d' Exchaquet ont été conservés, et pourtant cet homme, connu et aimé, était un magistral artisan en reliefs. Le nombre des exemplaires dont il est l' auteur n' est certainement pas négligeable. D' autres reliefs cependant, des modèles de grande taille, disposant à Genève de pavillons d' exposition édifiés tout exprès, ne nous sont encore connus que par des descriptions reproduites dans des opuscules ou des revues scientifiques.
Un des anciens artistes suisses dans ce domaine fut Léonard Gaudin ( i 762de Genève, qui fabriqua plusieurs reliefs ( Simplon, Jura, Léman, régions alpines, Saint-Gothard ), parmi lesquels un ou deux aux dimensions extraordinaires: celui du Mont Blanc exposé à Genève en 1816, et La Suisse entre Zurich et le Mont Blanc, environ 6 m sur 7 m. Après son exposition à Genève, ce modèle parvint à Londres vers 1820. Revendu en 1835, il fut transporté à Paris. Rien ne demeure aujourd'hui de cette merveille. ( Graf 1 goo et Switzerland in Miniature ).
Etienne Séné de Genève ( 1784-1851 ) modela, lui aussi, des reliefs alpins, entre autres celui du Simplon au 1: 16000, du Mont Blanc, des Alpes centrales. Son Mont Blanc de 1844 était à I' échelle de 114000et mesurait 6,5 m sur 4,7 m. Perron en fit la description en 1904. Cette pièce a également disparu. Le fabricant berlinois W. Kummer avait sur sa liste de vente pour 1822 ( nous dirions maintenant son catalogue d' ouvrages scolaires ) un choix de vingt reliefs et de divers globes terrestres. Un seul de ses reliefs a survécu: celui du Mont Blanc ( 52/42 cm ). Il se trouve dans la Bibliothèque Nationale à Paris. ( Kummer 1822, Reinganum 1831 etPappenheim 1963. ) Les frères Hermann ( 1826-1882 ) et Robert ( 1833-1885 ) Schlagintweit de Munich, tous deux géographes et explorateurs de l' Asie, entreprirent des mensurations au Mont Rose, dont ils tirèrent un relief en 1855 ( 1:50000, 46/46 cm ). Pour le préserver de la destruction, ils en firent des moulages en zinc galvanisé... Tout a disparu. ( Funke 1855. ) Viennent maintenant des temps plus récents, celui des chemins de fer, de la photographie, et celui de cartes topographiques plus précises.
Parmi tous les faiseurs de reliefs qui ont consacré leur talent aux montagnes de la Suisse romande, un homme, aujourd'hui injustement oublié, doit être mentionné: Joseph Reichlin ( 1872-1927 ), originaire d' Arth, dans le canton de Schwytz. Citons entre autres réussites les reliefs de l' Aiguille Verte au 1:30000 et 1:5000, de l' Ai des Charmoz ( 1 :5ooo ). Ils figurent parmi les meilleurs dans le domaine des Hautes-Alpes.
Xaver Imfeld ( 1853-1909 ) s' attaqua à la fabrication d' un grand modèle du Mont Blanc, échelle de 1: 10000. La maladie et la mort ne lui permirent pas d' achever cette œuvre. Nous reviendrons dans un autre chapitre sur ces deux artistes.
Dans les années 1930-1940, le Municois Otto Raab modela, outre un assez grand nombre de reliefs des Alpes orientales, un exemplaire de la chaîne du Mont Blanc à l' échelle 1: 25000, maintenant exposé à Innsbruck. La Suisse possède de cet artiste, au Musée alpin de Berne, un modèle du glacier du Rhône, au 1:10000. Le massif de la Silvretta ( i: 25000 ), de ce même Raab, se trouve à Coire au Musée d' histoire naturelle, récemment transformé. Un autre tout pareil est à Innsbruck.
A la même époque, vers 1938, alors qu' Otto Raab érigeait à Munich sa chaîne du Mont Blanc, un peintre, sculpteur et photographe faisait de même à Courmayeur: Alessio Nebbia. Il créa un grand relief à l' échelle de 1:10000, se limitant toutefois à la partie centrale de la chaîne. Cet exemplaire occupe une surface de 106 cm sur 145 cm. Il a trouvé place, en 1938, au Musée du Duc des Abruzzes à Courmayeur. Marcel Kurz a traité de ce grand œuvre dans la revue du CAS: « Alessio Nebbia, travailleur acharné, passionné, jamais satisfait, a voulu faire plus encore pour la gloire du Mont Blanc. Par ses aptitudes de peintre et de sculpteur, il fut amené tout naturellement à modeler le relief de la grande montagne qui domine son village. Durant deux ans Nebbia est resté courbé sur son relief, scrutant, modelant, burinant sans relâche. Deux mille photographies ont été compulsées: que de patience, de précision et d' amour ce labeur n' a pas exigé! Dans ces détails si fidèles on sent que Nebbia a mis tout son cœur et toute son âme. C' est ainsi que naissent les d' œuvre » ( Les Alpes, 1938, p. 230. ) Alessio Nebbia avait déjà plus d' une fois fait ses preuves dans l' art du relief alpin. Dans la Rivista del Club alpino italiano, ( vol. 46, 1927 ), le professeur Ubaldo Valbusa parle de lui avec beaucoup d' es dans un article sur les Plastici del Cervinio e del Dente del Gigante. Les photographies jointes au texte montrent qu' il s' agissait de réussites excep- tionnelles. Le relief du Cervin est au i: to oooo, celui de la Dent du Géant à l' échelle extraordinairement grande de i:iooo.
Aujourd'hui, la Chaîne du Mont Blanc d' Excha est devenue surtout une rareté historique intéressante. Les modèles de Reichlin ( Aiguille de Charmoz et Aiguille Verte ) sont limités à des sommets isolés. La tentative d' Imfeld de bâtir la chaîne tout entière à grande échelle fut déjouée par sa mort prématurée. Le relief d' Alessio Nebbia dans le lointain Courmayeur n' embrasse que la portion centrale de la chaîne. Quel artiste topographe, quel sculpteur de montagnes ne pourrait être animé du désir d' imiter plastiquement la chaîne entière, gigantesque et déchiquetée? Cela devrait devenir un immense monument, un édifice qui s' épanouirait devant nos yeux, mais pas une montagne -jouet, sur laquelle on se penche pour y jeter les yeux d' en haut. Si Imfeld a osé une fois, pourquoi n' y aurait-il pas de nos jours un homme aussi courageux? Les techniques modernes d' arpentage, les photographies, l' aviation offrent des conditions auxquelles les Anciens n' au jamais pu rêver. Mais encore? Et l' espace nécessaire à l' exposition d' une telle œuvre? C' est toujours, hélas! le talon d' Achille de telles entreprises! Mais enfin! Les palaces scolaires et bancaires sont aussi devenus plus grands.
Trad. E.L. Paillard