La période de 1830 à 1870
de 1830 à 1870
Si l'on recherche actuellement des reliefs alpins des années 1830 à 1870 dans les musées, les écoles ou d' autres lieux, le résultat est assez maigre. C' était pourtant l'«âge d' or » de l' alpinisme, et la Suisse de cette époque constituait un but très recherché des touristes et visiteurs de tous pays. Aussi demandait-on nombre de documents topographiques d' orientation et d' autres souvenirs de ce genre. On peut donc s' interroger sur l' activité des auteurs de reliefs d' alors.
Une étude bibliographique plus approfondie révèle toutefois que l' intérêt à la création de maquettes de montagnes n' était pas aussi émoussé qu' il le semble à première vue. Mais quantité d' oeuvres de cette époque ont simplement subi le sort de toute chose terrestre: la destruction ou la disparition.
La construction d' un bon relief de montagnes présuppose un levé précis des détails topographiques. Au cours du XIXe siècle, les exigences concernant la richesse du contenu des cartes et leur exactitude augmentèrent fortement. Il en résulta un extraordinaire surcroît de travail qui, fourni auparavant par des personnes privées, fut assumé par l' Etat. Certains cantons, puis l' ancienne Confédération Suisse, sous la direction déterminée du général Dufour, organisèrent des levés topographiques. Il fallut tout d' abord construire des réseaux de points fixes s' étendant à toute la Suisse ( réseau de triangulation et de nivellement ), puis exécuter, sur leur base, des levés à grande échelle ( i :250000 ou 1: 50000 ).
Les constructeurs de reliefs n' étaient donc plus obligés de connaître personnellement la morphologie de chaque coin de montagne. Il incombait dorénavant aux topographes professionnels d' ef ces travaux.
Ceux-ci ont demandé des années, voire des décennies, jusqu' à la livraison d' assemblages de cartes de grandes dimensions, en occupant les rares spécialistes de cette époque. Les constructeurs de reliefs, sans grandes connaissances topographiques, ont réalisé leurs maquettes, contrairement à Pfyffer, Müller et Exchaquet, au moyen des cartes existantes. Les nouvelles cartes topographiques détaillées se faisant attendre, et celles d' ensemble ne suffisant pas à la confection de maquettes à grande échelle, on se tourna vers la reproduction de régions étendues à petite échelle. De nombreux reliefs créés ici et là ont disparu. La majorité de ceux qui restent ne retiennent guère l' attention aujourd'hui. Cependant, dans nos musées, on compte quelques œuvres témoignant d' un travail excellent et soigné. Les premières maquettes en gradins, construites d' après les premières cartes comportant des courbes de niveau, datent aussi de cette époque.
Karl August Scholl, qui vivait au milieu du XIXe siècle ( 1810-1878 ), mérite une mention particulière. Originaire de Steinmaur ( ZH ), il fut d' abord constructeur de fourneaux à Zurich. Puis, de 1856 à 1877, il devint professeur de modelage et de gymnastique à l' Ecole cantonale de Saint-Gall et obtint la bourgeoisie de cette ville en 1861. Il eut un certain succès comme auteur de maquettes topographiques. Il confectionna des reliefs au I: 100000 des cantons de Saint-Gall et de Thurgovie, un relief au 1: 125000 de la Suisse centrale, un autre encore au 1:25000 des montagnes entourant Zermatt, et deux au r :500000 environ, l' un de l' Oberland bernois, l' autre de la Suisse entière.
II créa également des « mini-reliefs » de régions touristiques très prisées à l' échelle de: 500000 et qui mesuraient 12 sur 16 cm environ. Quelques-uns de ses travaux sont exposés au Musée historique de Saint-Gall, d' autres au Musée alpin de Berne, à Engelberg et en d' autres lieux.
Sa célébrité tient surtout à ses deux grands reliefs, celui de l' Alpstein ( région du Saentis ) et celui des cantons de Saint-Gall et d' Appenzell.
Le relief de l' Alpstein était construit au i :6000, échelle étonnamment grande pour l' époque, et mesurait environ deux mètres de côté. Scholl s' est fondé sur un levé topographique de cette région, effectué en commun par le colonel ingénieur Johann Ludwig Merz ( 1772-1850 ) et son fils Ludwig Merz ( cf. bibl. Rudolf Wolf, 1879 ) et terminé en 1847. Il eut cependant recours à un grand nombre d' observations personnelles détaillées.
Cette grande maquette fut exposée en public pour la première fois à Saint-Gall en décembre 1850. Elle suscita l' admiration générale, ainsi qu' en témoigne un article du Tagblatt de la ville de Saint-Gall, date du 23 décembre 1850.
On transporta ensuite cet objet de curiosité à Londres pour le présenter dans une exposition in- dustrielle où on lui décerna une médaille d' or. Depuis ce moment-là, on a perdu sa trace.
Une remarque consignée dans le journal du poète Théodore Fontane lors de son deuxième voyage en Angleterre pourrait peut-être nous remettre sur la bonne piste. Le 12 mai 1852, il écrit en effet: « Passé la soirée au Coliseum ( Regent' s Park ). Particularités: la salle des statues, le cyclorama, le panorama de Paris, la reproduction d' un paysage de la Suisse, etc. » Cela se passait une année après l' expo du relief Alpstein de Scholl à Londres. Il est donc fort probable que ce paysage de la Suisse soit la maquette de Scholl elle-même ( édition Nymphenburg des œuvres de Fontane, Munich 1963, vol. 17, page 514 ).
La seconde œuvre importante de Scholl, le relief des cantons de Saint-Gall et d' Appenzell, réalisé vers 1853, aussi à une échelle particulièrement grande ( I: 16000 ), n' a guère subi un sort meilleur. Il était construit sur la base de la première carte officielle de ces cantons, dressée peu avant par Johannes Eschmann ( 1808-1852 ), l' un des géo-désiens suisses les plus brillants de son époque et qui a seconde le général Dufour pendant de nombreuses années. Une nouveauté: la carte d' Esch comprenait, en plus des hachures traditionnelles, des courbes de niveau de oo mètres d' équi. Cette particularité facilita et améliora la construction de cette grande maquette. A l' origine, ce re lief d' importance historique se trouvait à Saint-Gall, dans le bâtiment du gouvernement cantonal, puis à l' école des garçons. J' ai appris récemment qu' il n' y était plus. Un employé de maison, qui en avait apparemment assez de le nettoyer, l' avait jeté sur un tas d' ordures.
Edouard Beck ( 182o—I 895 ), né à Bruchsal près de Karlsruhe et résidant à Berne depuis 1841, est le second créateur de très bons reliefs. Il en a fait son occupation principale. Des témoignages de son talent existent encore ici et là, surtout au Musée alpin suisse de Berne où ils sont particulièrement nombreux. Ce sont les pièces suivantes exposées dans ce musée: Glacier d' Aletsch au 1:50000; Saint-Gothard au r :50000; Savoie du Nord au t: 250000; chaîne du Stockhorn au I: io000 ( ina-chevéLac des Quatre-Cantons au 1:37500; Wildstrubel - Lac des Quatre-Cantons au 1: 100000; Savoie au I 11250000; Oberland bernois au :40000; Vallée des Dappes au 1: 25000; le Pilate au 1 :5000c La plupart de ses travaux se distinguent d' œuvres plus anciennes par une exactitude fortement accrue grâce aux cartes fédérales récemment parues.
La représentation plastique des montagnes et des vallées apparut, pour la majorité des gens de ce temps-là, comme une nouveauté extraordinaire. Des pièces, fabriquées par des dilettantes et qui passeraient inaperçues aujourd'hui, provoquaient même l' admiration d' une population qui n' avait encore jamais vu la géographie des paysages d' une manière aussi concrète. Ces reliefs, de qualité variable, ont entretenu une activité artistique de valeur qui n' a, ainsi, pas complètement disparu et qui allait bientôt se ranimer.
Trad. C. Aubert