La Bibliothèque centrale du CAS, sa fondation et son développement
sa fondation et son développement PAR PAUL SIEBER, KÜSNACHT ( ZH )
sa fondation et son développement PAR PAUL SIEBER, KÜSNACHT ( ZH ) Lors de la fondation du CAS furent établies des Archives Communes qui, selon le 4 des statuts devaient garder les « écrits et les cartes » qu' elles avaient reçus. On ne parlait pourtant pas encore d' une bibliothèque commune. On fit un premier pas dans ce sens quand, onze ans plus tard, l' Assemblée des délégués ( AD ) de Sion décida, le 22 août 1874 sur proposition du CC Pilatus, de faire fusionner les Archives avec la Bibliothèque des Glaciers d' alors, et chargea le rédacteur du Livre des Glaciers, J. Siegfried, d' organiser la nouvelle bibliothèque. Quand Siegfried quitta ses fonctions en 1877, la Bibliothèque des Archives fut transférée au siège du CC à Genève. La même année l' AD de Glaris décida de démanteler cette « Bibliothèque centrale » et d' en distribuer les livres aux sections, à l' exception de quelques-uns, qui serviraient de base aux archives cent-trales, et tous les quatre ans accompagneraient les CC dans leurs déplacements. On ne s' étonnera pas que le besoin d' une Bibliothèque centrale en un lieu fixe soit devenu de plus en plus brûlant!
Telle était la situation devant laquelle se voyait placé en 1889 le CC de Glaris présidé par Rudolf Gallati, lorsqu' il décida de poser à l' AD de Zurich la question de la fondation d' une Bibliothèque centrale, en proposant de la faire expertiser par le CC pour la remettre à la prochaine AD. Le vice-président, le pasteur Ernst Buss, parla en faveur de cette fondation, tandis que le conseiller J. E. Grob, pasteur à Zurich, contestait ce besoin. Finalement après examen et rapport, la proposition du CC fut unanimement transformée en résolution.
Ce fut le lundi 13 octobre 1890, lors de l' AD qui se tenait dans la salle du tribunal de Baden, à nouveau sous la présidence du Président central Gallati, que la question de la bibliothèque fut prise comme premier point de l' ordre du jour. Le vice-président Buss présenta de nouveau le rapport au nom du CC. Il s' exprima en ces termes: « C' est un des devoirs fondamentaux du CAS de faire connaître le monde des Alpes aussi à ceux qui ne peuvent pas se rendre dans les montagnes. Ce but peut être partiellement atteint en collectionnant de la littérature, et en donnant aux amis du monde alpin la possibilité d' en faire usage. Le grand public ne peut atteindre les bibliothèques actuelles des sections et du CC. La littérature existante pourrait être assemblée avec des moyens modestes. Afin de donner accès à la nouvelle bibliothèque en formation, le mieux serait de l' annexer à une grande bibliothèque publique. De cette façon le CAS encourra des dépenses moins grandes que si la bibliothèque était établie pour lui seul. C' est à la Bibliothèque centrale que seraient incorporés les ouvrages obtenus par échange, plus encore les ouvrages que le CAS achèterait chaque année. Dans cette intention on devrait ouvrir un crédit de fr. 500 à fr. 1000. » Finalement, Buss recommanda d' approuver le contrat que le CC avait envoyé aux sections par la circulaire du 25 août 1890, avec la bibliothèque municipale de Zurich, qui s' était déclarée prête à se charger de la bibliothèque.
Malgré la proposition du délégué bâlois Th. Hoffmann-Merian de ne pas entrer en matière, alléguant que la « Bibliothèque centrale » coûterait trop cher, ne serait que rarement employée, et pourrait être remplacée par « des circulaires donnant la liste des livres et des cartes reçus », l' entrée en matière fut décidée par 39 voix contre 22. Dans la discussion par articles on s' attacha surtout à la question de la remise gratuite des catalogues aux membres du CAS et à la priorité des membres sur le public pour l' emprunt des livres. L' incorporation dans le contrat d' un crédit annuel de fr. 500 à fr. 1000 fut décidée et le contrat même ratifié. Peu avant la fin, le débat passa par un moment dramatique, lorsque le délégué bernois, le Dr Heinrich Dübi, déclara que la bibliothèque municipale de Berne était prête à se charger de la bibliothèque du CAS aux mêmes conditions que la bibliothèque municipale de Zurich. Par 32 voix contre 31, soit par une seule voix de majorité, l' assemblée vota en faveur de Zurich.
C' est ainsi que naquit la « Bibliothèque du CAS ». Ce fut son nom officiel jusqu' en novembre 1914 lorsque, sur proposition du bibliothécaire principal de la bibliothèque municipale de Zurich, le Dr Hermann Escher, qui craignait une confusion avec la bibliothèque de la section Uto se trouvant dans le même lieu, son nom prit sa forme actuelle de « Bibliothèque centrale du CAS ».
A la suite de cette mémorable session de Baden, le CC de Glaris annexa à son procès-verbal les « Règlements concernant la bibliothèque du Club alpin suisse ». Ils comprenaient: 1° le « Contrat entre le CAS et la bibliothèque municipale de Zurich; 2° les « Règles sur son utilisation par les membres du CAS comme aussi par le public en général »; 3° les « Règles sur l' utilisation de la bibliothèque municipale de Zurich par le CAS ».
Le CC ratifia la création d' une « Bibliothèque générale pour la connaissance de la montagne et du tourisme », de même que la conclusion du contrat, et fit connaître la nomination de la commission de la bibliothèque prévue sous chiffre 6, comprenant le pasteur Ernst Buss de Glaris comme président, le professeur Emil Walder de Zurich comme secrétaire et Hans Lavater-Wegmann de Zurich comme assesseur. Les deux bibliothécaires de la bibliothèque municipale de Zurich furent adjoints à la commission avec voix consultatives. Par la suite la commission travailla pendant cinq séances à la rédaction du Règlement de l' utilisation de la bibliothèque que le CC transmit alors aux sections « pour connaissance et application ».
Les règlements présents du Contrat du 1 er novembre 1890 se présentent comme suit: 1° La bibliothèque est la propriété du CAS; 2° le CAS en assume la gestion et se charge des dépenses d' achat, de reliure, de catalogues et d' assurances; 3° la bibliothèque municipale de Zurich se charge en contrepartie de l' administration, de la mise en catalogue, de la présentation, du prêt et de la réception gratuits des livres; 4° les membres du club et les lecteurs de la bibliothèque municipale de Zurich peuvent utiliser gratuitement la bibliothèque du CAS, en réciprocité; 5° l' organisme administratif de la bibliothèque est la commission de la bibliothèque; 6° en cas de dissolution, la bibliothèque du CAS devient la possession de la bibliothèque municipale de Zurich; 7° le contrat sera conclu pour une période de six ans avec un délai de résiliation de un an, et renouvelé tacitement. Le professeur G. von Wyss et R. Hirzel le signèrent au nom de la bibliothèque municipale de Zurich, et au nom du CAS le Président central Gallati et le secrétaire central Edwin Hauser.
Le « Règlement de l' utilisation de la bibliothèque » prévoit: l' utilisation gratuite, le prêt d' un maximum de six volumes, un délai de prêt de deux mois, des mesures de censure ou de protection pour des livres et des manuscrits rares ou de valeur. Il s' occupe de remplacer les livres endommagés ou perdus, de les réclamer pour les revisions, et prévoit de punir les retards.
La fondation de notre bibliothèque du CAS a été volontairement décrite dans tous ses détails, d' une part parce que l' attitude spirituelle des fondateurs est exemplaire, d' autre part parce que l' organisation de la bibliothèque au moyen du contrat et des règlements est encore valable d' hui, pas seulement comme un tout, mais aussi dans ses diverses composantes: une preuve de plus de la prévoyance de chacun de ces hommes! Qu' ils aient dès le début cherché à annexer la bibliothèque à une grande bibliothèque publique déjà existante, démontre bien leur sens pratique.
Tournons-nous maintenant vers le développement de la bibliothèque!
En 1890, l' année de sa fondation, l' état de ses livres était plus que modeste. Ils tenaient dans une caisse, avec les restes lamentables des archives du CAS, que le CC de Glaris avait envoyée comme « dot ». Ils comportaient essentiellement des revues « parmi lesquelles ne s' en trouvait pas une seule complète, pas une fois un Annuaire complet du CAS ». D' où le principal souci de la commission de rendre la bibliothèque présentable, puis par une circulaire de demander aux éditeurs d' œuvres alpines de leur en fournir gratuitement et aux sections de se débarrasser des exemplaires en sus. Les résultats ne répondirent pas à l' attente: quelques libraires firent toutefois des envois. Avec un crédit annuel de fr. 500 à fr. 1000 on ne pouvait aller loin, d' autant plus que la première année déjà on se plaignit que les frais de reliure dépassent plus de la moitié du budget des livres.
Au début, on se contenta d' acheter et de compléter les revues alpines et de se procurer des ouvrages onéreux que les bibliothèques des sections ne pouvaient acquérir. C' est seulement plus tard que put prendre corps la conception première d' une collection englobant tous les domaines de l' alpinisme, conception dont la réalisation est dirigée aujourd'hui consciemment et avec persévérance dans le sens d' archives de toute la littérature alpine.
L' intérêt dominant se tourna vers les publications alpines suisses, y compris les statuts, règlements, comptes rendus annuels, publications de fête, etc., des sections, comme aussi les tarifs de guides. Pour la littérature étrangère on se limita aux ouvrages que les particuliers ne pouvaient pas s' offrir. Mais, dès les premiers débuts, on avait eu en vue l' achat de publications anciennes où -trait typique des années de fondation - les essais purement scientifiques avaient le premier rang, en se souvenant « que c' étaient justement des hommes de science d' avant qui les premiers avaient conduit leurs pas dans les montagnes et décrit leurs découvertes ». A cela s' ajoutaient aussi les anciens récits de voyage dans les Alpes suisses et leurs environs.
En second rang, il fallait considérer la littérature englobant les Alpes dans leur ensemble et en particulier ce qui touchait au massif du Mont Blanc et aux Alpes orientales. Parmi les montagnes extra-européennes, l' intérêt se porta d' abord sur le Caucase et les Andes, puis plus tard sur l' Hima que des pionniers suisses amenèrent dans notre champ visuel par leurs expéditions et leurs descriptions.
Mais il fallait prêter attention à la géologie, la minéralogie, la zoologie et la botanique alpines, à l' histoire et l' ethnographie des pays alpins. Même le roman alpin ne devait pas manquer. Enfin fut commencée une collection de panoramas de montagne, dont la base fut une collection de 87 pièces léguées par le dessinateur de panoramas Johann Jakob Müller-Wegmann, de Zurich, à quoi s' ajoutèrent de nombreuses œuvres des Zuricois Melchior Ulrich et Heinrich Zeller-Horner.
L' acquisition de cartes fut longue à venir. Cette brèche importante fut comblée par le Bureau topographique fédéral qui offrit gracieusement l' Atlas Siegfried. La bibliothèque doit au même geste généreux l' ensemble des feuilles de la Nouvelle Carte nationale du Service topographique fédéral. En 1937 furent achetées des cartes des territoires alpins français et italiens proches de la frontière.
L' Alpinisme à ski trouva aussi sa place chez nous avec la littérature technique de la bibliothèque de Y Association suisse de ski. Cette collection spéciale, forte de 88 volumes, fut annexée à la bibliothèque du CAS à la suite d' un accord conclu en 1913; elle reste propriété de l' ASS mais est à disposition de tous les membres du CAS.
1928 est marqué d' une pierre blanche dans l' histoire de la bibliothèque: environ 4000 publications furent rachetées de la bibliothèque de l' alpiniste et historien anglais W. A.B. Coolidge, avec sa correspondance. Grâce à cet appoint notre bibliothèque est au premier rang en ce qui concerne l' ensemble de la littérature de l' aube de l' alpinisme et de son « âge d' or », et pour ce qui touche au Dauphiné et au Mont Blanc.
Une bibliothèque spéciale comme la nôtre n' aurait jamais pu atteindre ses dimensions actuelles d' environ 16 430 numéros si elle n' avait pas développé systématiquement les échanges entrepris dès 1890 avec des sociétés alpines de Suisse et surtout de l' étranger. C' est un fil rouge dans l' histoire de la bibliothèque. En échange, d' abord contre Y Annuaire et Alpina, maintenant contre Les Alpes sont troquées des revues étrangères, vrais réservoirs de l' alpinisme mondial. Elles n' y sont de loin pas toutes, ni sans trous, mais nous avons les plus importantes. Un règlement particulier sert depuis peu à assurer leur arrivée régulière.
Le manque de place nous empêche de décrire encore le rôle d' intermédiaire joué par le service de prêt et le catalogue, les personnalités marquantes de la bibliothèque, et aussi le nerf de la guerre - le crédit de la bibliothèque. Nous ne pouvons pourtant pas terminer cette brève promenade dans son histoire sans remercier les 23 Comités centraux et les nombreuses Assemblées des délégués, nos « souveraines », qui ont contribué de façon décisive à la croissance de la bibliothèque en lui accordant des crédits ordinaires et supplémentaires, sans remercier aussi les innombrables donateurs, et tout particulièrement les deux bibliothèques zurichoises qui nous ont accordé leur hospitalité.
Notre bibliothèque du CAS incarne l' idée alpine dans sa croissance et son devenir. Comme le montre la parution d' un nouveau catalogue dans l' année jubilaire, sa commission est consciente de son devoir de conserver pieusement l' héritage des fondateurs du CAS et de sa bibliothèque, de l' augmenter et de la transmettre aux générations à venir.Trad. P. Vittoz )