Jean-Jacques Rousseau au Val d'Anniviers ou «Les lettres sur le Valais»
ou « Les lettres sur le Valais »
PAR MAX LINIGER
ou « Les lettres sur le Valais » Avec 1 illustration ( 44 ) Lorsqu' au début du siècle l' éminent maître de la géographie humaine que fut le professeur Jean Brunhes publia sa courte étude sur les villages du Val d' Anniviers, l' insérant par la suite dans sa Géographie humaine, il était certainement très loin de se douter qu' une faute s' était glissée dans son travail qui, cinquante ans plus tard, devait conduire sur les traces de Jean-Jacques Rousseau. Voici le passage incriminé:
« Par toutes ses habitudes, par toutes ses préférences, cette population est restée primitive. C' est par certains côtés un coin du XIIIe ou du XIVe siècle qui s' est conservé là, et J.J. Rousseau, qui dans ses Lettres sur le Valais, nous fait connaître les Anniviards et vante leur simplicité et leur hospitalité, ne s' y sentirait pas dépaysé1. » Lettres sur le Valais?
Les diverses publications des œuvres complètes de Rousseau ne signalent nulle part l' existence d' un tel écrit. Le hasard, ce guide de notre ignorance, m' amena, quelques jours plus tard, à consulter une brochure intitulée Au Val d' Anniviers 2. Quelle ne fut pas ma surprise d' y découvrir dans le chapitre traitant des mœurs et coutumes, après un éloge de la rèze, le fameux vin du glacier, le paragraphe suivant:
« II ( Jean-Jacques Rousseau ) raconte dans ses „ Lettres sur le Valais " une mésaventure qui lui arriva dans le Val d' Anniviers. On le reçut avec tant d' amitié, que par pure reconnaissance il se laissa aller à boire plus que de raison. Et comme il n' avait pas d' argent, il paya sa consommation du sacrifice de sa lucidité genevoise 3. » 1 Brunhes J. et Girardin P., Les groupes d' Habitants du Val d' Anniviers. Annales de Géographie, t. XV, Paris 1906.
a Chastonay P. de, Au Val d' Anniviers, 2e édition, sans date ( environ 1940 ), St-Maurice.
3 Ibid. Chastonay P. de, p. 41-42.
Dans Les Alpes, revue du Club Alpin Suisse ( Noms de lieux alpins, Berne 1948, XXIV, p. 34 ), M. J. Guex écrit: « N' y a-t-il pas quelque impertinence à convier le lecteur à me suivre dans le Val d' Anniviers? Depuis Jean-Jacques Rousseau, à qui le fendant joua un bien vilain tour... » D' où pouvaient bien provenir ces lignes? M. P. de Chastonay, comme beaucoup d' autres auteurs plus ou moins occasionnels, n' indique pas de bibliographie. Est-ce donc une honte de donner ses sources? Ou sont-ils si nombreux, ces farceurs qui, à l' instar de notre Bourrit national, reproduisent sans vergogne, sous le couvert de leur nom, les textes des autres?
Au gré de mes recherches, j' en vies à consulter un article sur les habitants du Val d' Anniviers publié par le Journal de Genève en 1887, dans le cadre du feuilleton où l'on retrouve le refrain: « J.J. Rousseau se plaint grandement dans ses lettres sur le Valais... i », que l' auteur F.O. Wolf reprendra d' ailleurs en 1895 dans Y Europe touristique 2. Remontant les ans je fus amené à interroger un autre texte, paru dans l' annuaire du Club Alpin Suisse de 1878, où réapparaissait le même sujet, mué cette fois en « Briefe über das Wallis 3 ». Cet article offrait l' avantage d' une longue citation, sans référence toutefois, extraite de l' œuvre mystérieuse et inaccessible que je désespérais de découvrir.
En 1820, les Editions Orell Füssli de Zurich firent paraître un minuscule volume anonyme, Helvetischer Almanach 4, consacré entièrement au canton du Valais. Et là il me fut donné de retrouver in extenso le texte cité par l' article du Club Alpin; au chapitre des coutumes on évoque l' hospitalité des Anniviards, les visites de caves, puis on ajoute:
« J.J. Rousseau in seinen Briefen über das Wallis rüget wo er eben so wahrhaft als dankbar von der uneigennützigen und gutmüthigen Gastfreundschaft dieser Alpenbewohner spricht; seine andere Beschwerde betrift die ungebührliche Länge dieser Gastgebothe, und die Verbindlichkeit der Gäste, mit ihren Wirthen köpfbrechenden Weine an einer Tafel zu trinken, wo kein Wasser aufgetischt wird. » Aber fügt er hinzu, « wer dürfte wohl so gute Menschen entzürnen?... Ich berauschte mich also aus Dankbarkeit und zahlte meine Zeche, da ich es nicht mit dem Beutel thun durfte, mit meiner Vernunft 5. » Ce texte, publié par le Helvetischer Almanach, se révèle être la traduction fidèle de l' Essai statistique sur le Canton du Valais », paru à Zurich en 1820 également, sous la signature du Doyen Bridel. Evoquant les mœurs des Valaisans, cet auteur, parfois bien imprécis, et qui sacrifie plus facilement aux muses qu' à la vérité historique, écrit: « J.J. Rousseau se plaint dans ses lettres sur le Valais... 6 » Ayant entrepris de me familiariser un peu avec la vie de J.J. Rousseau, de suivre l' idéaliste dans ses voyages, je fus surpris de ne trouver signalé nulle part son passage dans le vallon de la Navisence. S' il est vrai que Rousseau a passé en Valais au retour de Venise, qu' il s' est arrêté à Sion, qu' il y a séjourné près de deux semaines, rien ne permet de croire qu' il ait fait étape dans la Noble Contrée et porté sa curiosité en terre anniviarde. C' est ce que confirme M. L. Lathion dans son intéressante étude sur J.J. Rousseau et le Valais:
« Au cours de son voyage, en descendant la vallée du Rhône, il n' est pas vraisemblable qu' il se soit détourné de sa route pour excursionner dans le val d' Anniviers. Il y a en cela une impossibilité matérielle. Jean-Jacques était à bout de ressources en arrivant en Valais 7. » 1 20 et 21 décembre 1887.
s Les vallées de Tourtemagne et d' Anniviers, Orell Füssli & Cie, Zurich 1895, p. 388.
3 Schiess-Gemuseus, Aus dem Eifischthal, Berne 1878.
4 Helvetischer Almanach für das Jahr 1820, Zurich 1820.
6 Ibid. Helvetischer Almanach, p. 376. P. 355.
7 Lathion L., Jean-Jacques Rousseau et le Valais, Etude historique et critique, Lausanne 1953, p. 191. En Valais avec Jean-Jacques Rousseau, Les Alpes, revue du Club Alpin Suisse, XXV, 1949, Berne.
Ceci est si vrai que Rousseau en arrivant à Sion fut fort heureux, ignoré des autochtones, d' être gratifié de l' hospitalité de M. de Chaignon, résident français dans cette ville. Jamais plus il n' aura l' occasion de revenir en Valais.
Dans le chapitre « La lettre sur le Valais », M. Lathion me donna enfin la réponse à mes questions en m' apprenant que le seul écrit important sur cette région est constitué par la lettre XXIII au Livre I de la Nouvelle Héloïse. Donnons la parole à Rousseau lui-même:
« La seule chose sur laquelle je ne jouissais pas de la liberté était la durée excessive des repas. J' étais bien le maître de ne pas me mettre à table; mais, quand j' y étais une fois, il fallait rester une partie de la journée, et boire d' autant. Le moyen d' imaginer qu' un homme et un Suisse n' aimât pas boire? En effet, j' avoue que le bon vin me paraît une excellente chose, et que je ne hais point de m' en égayer, pourvu qu' on ne m' y force pas. J' ai toujours remarqué que les gens faux sont sobres, et la grande réserve à la table annonce assez souvent des mœurs feintes et des âmes doubles. Un homme franc craint moins ce babil affectueux et ces tendres épanchements qui précèdent l' ivresse. Mais il faut savoir s' arrêter et prévenir l' excès. Voilà ce qui ne m' était guère possible de faire avec d' aussi déterminés buveurs que les Valaisans, des vins aussi violents que ceux du pays, et sur des tables où l'on ne vit jamais d' eau. Comment se résoudre à jouer si sottement le sage et à fâcher de si bonnes gens? Je m' enivrais donc par reconnaissance; et ne pouvant payer mon écot de ma bourse, je le payais de ma raison 1. » L' examen de cette lettre inspire à M. Lathion les réflexions suivantes: «... sa lettre n' a nullement la valeur d' une dissertation documentaire. Elle est d' une telle imprécision»en ce qui concerne la description des qu' on a même peine à lui accorder une valeur autobiographique. En se ressouvenant des Valaisans douze ans après la visite qu' il leur fit, il a surtout voulu étayer une thèse. Il a voulu retrouver en eux l' homme naturel, non corrompu par la société 2 ». Nous avons donc affaire là à un texte « demi factice, demi sincère ». La première partie non publiée ici ne saurait s' appliquer au val d' Anniviers ni à aucune autre vallée méridionale du Valais. L' hypothèse d' une description de la région du Simplon semble parfaitement plausible.
Il importe ici de souligner combien les descriptions des montagnes dispensées par le « Français de Genève » ne sont en fait que l' expression d' une véritable obsession des Alpes, dont celui-ci était affligé - cela même lors de ses séjours à l' étranger. Bien souvent les commentaires des mœurs montagnardes ne furent pour lui que l' occasion de fournir un argument à ses thèses sur le second Age d' Or et la pureté originelle de l'«homo alpinus ». Qu' on ne s' y méprenne pas; en réalité Rousseau ne séjourna qu' une infime partie de son existence, non seulement en Suisse, mais dans les Alpes surtout, et connaissait le Valais davantage par ses lectures nombreuses qu' au travers de son expérience 3. S' il avait eu la possibilité d' accéder au vallon de la Navisence, on peut supposer qu' il en aurait parlé lui-même en prenant argument des mœurs de cette vallée, plus archaïques encore que partout ailleurs.
Remarquons en passant que l' hospitalité valaisanne et les vertus de l' Age d' Or furent fréquemment mises en relief par les voyageurs du XVIIIe siècle notamment. C' est ainsi que dans les Lettres sur l' Etat politique, civil et naturel de la Suisse de W. Coxe on découvre ce passage caractéristique, sous la plume du traducteur Ramond:
1 Oeuvres complètes de Jean-Jacques Rousseau. Ed. Musset-Pathay V.D., Paris 1823, t. I, p.103/104.
2 Lathion L., op. cit ., p. 84/85.
.'Stutzer W., Jean-Jacques Rousseau und die Schweiz. Zur Geschichte des Helvetismus, thèse, Zurich 1950.
« C' est dans les vallées méridionales, dans ces retraites où les Voyageurs ont peu pénétré, qu' il faut chercher cette simplicité, ces mœurs patriarcales, qui ont fourni au peintre de Julie l' un des plus touchants tableaux. C' est que se sont réfugiées ces vertus primitives, qui ont fui devant nos lumières, & qui bientôt abandonneront ce dernier asyle; car c' est fait de l' innocente que l'on commence à remarquer. Si vous voulez donc vous retracer l' image, non de l' âge d' or & de la belle nature, mais de la simple nature & de la probité de nos ancêtres, hâtez-vous, cherchez ces vallées privilégiées, mais n' en sortez pas pour voir si le reste du Valais leur ressemble; hors de ces retraites tout va comme dans le reste du monde 1. » Cette innocence originelle conservée dans les vallées reculées a été diversement évoquée. C' est ainsi qu' au début du XVIe siècle chez Pierre Davity ( qui décrit les treize louables cantons ) nous trouvons déjà l' antienne, qui s' adresse fort probablement aux Valaisans, buveurs de vin, souvent reprise depuis lors, et dont Rousseau s' inspira très fidèlement. Qu' on en juge:
« Ils ayment extrêmement à faire carous, & y passent les iournées & les nuicts entières, & ceste fureur & vilainie est venue si avant qu' on ne sçauroit faire aucune affaire, ni contracter amitié qu' en beuuant à tout reste, veu que ceux qui boivent d' auantage, ou qui s' enyurent sont estimés plus francs, & plus hommes de bié que les autres, qui refusent de faire ces excez dommageables au corps & à l' esprit. Et mesme ils ne se contentent pas seulement de cela, comme on fait en Flandres, & en tous les Pays-bas, mais encor si quelqu'un refuse de se noyer de vin, ils lui porterôt soudain le poignard à la gorge, & ce qui lui deuroit seruir de gloire, luy sert de suiect de querelle2. » Mais revenons à la Lettre sur le Valais elle-même pour faire l' inventaire des fautes commises:
1° En 1820, le Doyen Bridel appelle « lettres sur le Vallais » le passage ci-dessus reproduit, d' après une source qu' il se garde bien d' indiquer, mais qu' on peut supposer être Bourrit 3; 2° en 1878, M.Schiess-Gemuseus reprend le texte sans contrôle et sans critique personnelle; 3° en 1887, le Journal de Genève, sous la plume de F.O. Wolf implante l' idée des « lettres sur le Valais » dans l' esprit du grand public; 4° dès 1895, par Y Europe touristique, toujours sous la plume de M. Wolf, toute l' Europe est désorientée; 5° en 1906, les professeurs Brunhes et Girardin se basant sur l' un ou l' autre des précédents propagent l' idée des « Lettres sur le Valais » dans les milieux français; 6° vers 1940, M. P. de Chastonay commet l' erreur semblable très probablement d' après M. Schiess-Gemuseus; bien d' autres encore suivent la même trace 4; 1 Lettres de Coxe W. sur... Et augmentées des observations faites dans le même Pays, par le traducteur [Baron L.F.E. Ramond de Carbonnières], t. II, p. 62/63, Paris 1782.
2 Les Estats, Empires et principauté! du monde, p. 833, Genève 1619, lre éd.
3 Lathion L., ibid. p. 109: « Au reste, celui qui a accrédité la légende du passage de Rousseau dans le val d' Anni est bien connu. C' est le Genevois Marc-Théodore Bourrit, qui n' en est pas à une mystification près. Il avait visité cette intéressante région peu avant 1789. Il monta même alors jusqu' à Chandolin... Partout au cours de cette randonnée il croit suivre les traces de Jean-Jacques Rousseau. Partout il s' imagine avoir mis ses pas dans les pas de son illustre compatriote qu' il pille d' ailleurs avec une rare désinvolture. » Bourrit écrit effectivement: «... c' est ainsi qu' ils avaient reçu Jean-Jacques Rousseau... » Nouvelles descriptions des Vallées de Glace et des Hautes Montagnes qui forment la chaîne des Alpes Pennines et Rhétiennes t. I, p. 197, Genève 1783.
4 M. Gyr, La vie rurale et alpestre au val d' Anni viers ( Valais ). Monographie anniviarde basée sur le patois de St-Luc, thèse, Zurich 1942, a copié simplement J. Brunhes, p. XXXV.
Ch. Nussbaum, La vie nomade de certaines populations du Valais et ses répercussions sur le service postal, Revue des PTT, nos 2 et 3, Berne 1942, p. 23, copie probablement M. P. de Chastonay ou M. J. Brunhes. ( V. suite p. 107. ) 7° en 1948, dans Les Alpes, grâce à M. J. Guex, Jean-Jacques Rousseau fait à nouveau un voyage imaginaire au val d' Anniviers.
Tous ces auteurs semblent admettre, sciemment ou non, la thèse romanesque et erronée du sieur Bourrit1.
Mais une faute supplémentaire qui ne peut être excusée par une bonne foi surprise et trompée, une faute très grave parce qu' elle trahit l' esprit même de la lettre XXIII, Livre I de la Nouvelle Héloïse, mérite d' être signalée. Si nous reprenons le texte de M. P. de Chastonay, nous lisons: « Et comme il n' avait pas d' argent, il paya sa consommation du sacrifice de sa lucidité genevoise. » Curieuse interprétation du texte original en vérité! Le traducteur anonyme de l' ouvrage du Doyen Bridel, publié en 1820, quelque zurichois qu' il semble être, montre une meilleure compréhension des propos de Saint-Preux: « Ich berauschte mich also aus Dankbarkeit und zahlte meine Zeche, da ich es nicht mit dem Beutel thun durfte, mit meiner Vernunft. » Voilà qui est juste; dans la lettre XXIII Rousseau fait dire, en effet, à Saint-Preux: « Je m' enivrais donc par reconnaissance; et ne pouvant payer mon écot de ma bourse, je le payais de ma raison. » Nous savons que Rousseau était démuni en arrivant à Sion, ce qui explique sa hâte de rejoindre le Léman; il est donc fort improbable qu' il ait songé à se hasarder dans un vallon latéral. Dans la Nouvelle Héloïse, Jean-Jacques nous donne un souvenir embelli de ses pérégrinations; ce n' est plus lui qui parle, mais Saint-Preux. Et n' oublions pas que ce dernier disposait de la bourse que lui remit Julie pour son voyage en Valais. « Il avait amplement de quoi payer son écot 2. » Dans Un petit peuple montagnard ( 1887 ), F.O. Wolf lui, s' il répand l' idée de « lettres sur le Valais », ne commet heureusement pas d' autres impairs d' interprétation, et c' est ainsi qu' il fait dire à Rousseau: « Je m' enivrais donc en reconnaissance et payais mon écot, n' osant le faire de ma bourse, avec ma raison. » La dernière faute commise n' est donc pas seulement celle qui consiste à flatter le touriste du val d' Anniviers en lui traçant un chemin romantique, mais:
8° à fausser l' esprit même de la lettre sur le Valais; M. P. de Chastonay n' a pas su, ou n' a pas voulu, distinguer le « da ich es nicht durfte » de « da ich es nicht konnte ». Le texte original ayant été rédigé en allemand, il est fort peu probable que l' erreur puisse être imputée au traducteur de la brochure.
Rousseau lui-même, dans un autre passage de la fameuse lettre XXIII, saura d' ailleurs mieux que quiconque illustrer cette hospitalité habituelle aux montagnards suisses, mais qui, de l' avis de Ramond, est exercée chez les Valaisans de la partie occidentale et méridionale « d' une manière plus prévenante & qui séduit davantage les Voyageurs»3; voici comment le principal intéressé, Jean-Jacques lui-même, corrige les erreurs des glossateurs malheureux que nous avons rencontrés:
« Mais ce que je n' ai pu vous peindre et qu' on ne peut guère imaginer, c' est leur humanité désintéressée, et leur zèle hospitalier pour tous les étrangers que le hasard et la curiosité con- Nussbaum Ch., Bonvin R., Mariétan I., Savioz E., Le val d' Anniviers 1946, p. 32 copient fidèlement P. de Chastonay.
Guex J. lui aussi donna dans ce travers, voir p. 1, note 3.
1 Dans son ouvrage capital Géographie humaine, p. 601, feu J. Brunhes, professeur aux Universités de Fribourg et de Lausanne, reprend l' idée des Lettres sur le Valais en reproduisant intégralement le texte publié dans les Annales de Géographie en 1906. Mais dans l' édition de 1925, M. le professeur Brunhes corrige son texte: « Jean-Jacques Rousseau, qui dans la Nouvelle Héloïse ( partie I, Lettre XXIII ) nous fait connaître les Anniviards... », p. 682.
2 Lathion L. ibid., p. 121.
8 Lettres de Coxe W. sur... Observations du traducteur, t. II, p. 60.
duisent chez eux. Quand j' arrivais le soir dans un hameau, chacun venait avec tant d' empresse m' offrir sa maison, que j' étais embarassé du choix; et celui qui obtenait la préférence en paraissait si content, que la première fois je pris cette ardeur pour de l' avidité. Mais je fus bien étonné quand, après en avoir usé chez mon hôte à peu près comme au cabaret, il refusa le lendemain mon argent, s' offensant même de ma proposition 1. » En résumé, depuis 1783 l' idée erronée du passage de J.J. Rousseau en Anniviers a pris pied et se répand, aussi rapidement et facilement que celle de l' existence des Lettres sur le Valais. Quant à l' interprétation tendancieuse des textes mêmes de Rousseau, les exemples connus sont si abondants que ce petit échantillon ne surprendra plus personne.
Petite histoire littéraire certes. Mais elle démontre combien est répandu le manque de probité intellectuelle dans les milieux les plus divers.
Bibliographie Anonyme, Helvetischer Almanach für das Jahr 1820, Ed. Orell Füssli & Cie, Zurich 1820.
Bourrit M., Nouvelles descriptions des Vallées de Glace et des Hautes Montagnes qui forment la chaîne des Alpes Pennines et Rhétiennes...; t. I, Genève 1783.
Bridel, Doyen, Essai statistique sur le canton du Valais, Zurich 1820.
Brunhes J. et Girardin P., Les groupes d' Habitations du val d' Anniviers, Annales de Géographie, t. XV, Paris 1906 Brunhes J., Géographie humaine, Paris 1925.
Chastonay Paul de, Au Val d' Anniviers, 2e éd., St-Maurice, sans date ( env. 1940 ). Coxe W., Lettres de... sur l' Etat politique, civil et naturel de la Suisse... Et augmentées des observations faites dans le même pays par le traducteur ( Raymond de Carbonnières ), Paris 1782. Davity P., Les Estats, Empires et principauté! du monde, Genève 1619, lre éd.
Lathion L., En Valais avec Jean-Jacques Rousseau, Les Alpes, revue du Club Alpin Suisse, XXV, 1949, Berne. Lathion L., Jean-Jacques Rousseau et le Valais, Etude historique et critique, Lausanne 1953. Ramond de Carbonnières, voir Coxe.
Rousseau J.J., La Nouvelle Hélotse, Editions des œuvres complètes, Musse-Pathay V.D ., t. I, Paris 1823. Schiess-Gemuseus, Aus dem Eifischthal, Jahrbuch des Schweizer Alpenclub, 1877/1878, Berne 1878. Stutzer W., Jean-Jacques Rousseau und die Schweiz. Zur Geschichte des Helvetismus, thèse, Zurich 1950.
Wolf F.O., Un petit peuple montagnard. Mœurs et coutumes des Anniviards. Journal de Genève des 20 et 21 décembre 1887.
Id., L' Europe touristique. Les vallées de Tourtemagne et d' Anniviers. Orell Füssli, Zurich 1895.