Angoisse
Sous le silence blafard De l' espace monochrome Les skieurs dans le brouillard Glissent comme des fantômes, Ce sont des ombres qui passent, Sans un rire, sans un cri, Des présences qui s' effacent, Des espoirs comme engloutis.
Et c' est de nouveau l' effroi, La livide solitude, La neige tombe... on ne voit Qu' une longue inquiétude, Comme une pâle fumée Qui rôde fébrilement... La montagne est opprimée Par un blême enchantement.
Toute trace a disparu Sous les froids ruisseaux de poudre Que des gnomes inconnus Sur moi s' amusent à moudre, Nul spectre, même d' un arbre, Ne monte me rassurer, Dans l' obscurité de marbre Je ne sais plus où aller...
Tout courage, tout désir Déjà me quitte... Peut-être Vais-je lentement mourir De ce froid qui me pénètre, Si bientôt n' est dissipée La glace de mon sommeil Par la charitable fée Aux paupières de soleil.
Ernest Rogivue Poème tire du recueil Verre et Faille, Genève 1954, Pierre Cailler éd.